Pour mémoire, pour être protégeable au titre du droit d’auteur, une œuvre de l’esprit, telle qu’une photographie, doit être originale et porter l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Grâce à cette protection, l’auteur d’une œuvre originale peut engager une action en justice et obtenir réparation pour atteintes à ses droits patrimoniaux et moraux en cas de contrefaçon, c’est-à-dire en cas d’exploitation de son œuvre par autrui sans son autorisation.
Toutefois, l’auteur qui s’estime victime d’une contrefaçon portant sur plusieurs créations doit apporter la preuve de l’originalité de chaque œuvre, afin que le juge puisse déterminer si et en quoi chacune des créations est originale.
En l’espèce, un photographe a été engagé par une société qui exploite un musée d’art contemporain.
Un an plus tard, la société lui a notifié son licenciement pour faute lourde.
Le photographe a alors saisi la juridiction prud'homale pour, d'une part, contester son licenciement et, d'autre part, soutenant que les photographies dont il est l'auteur ont fait l'objet d'exploitations non autorisées, voir sanctionner les atteintes portées à ses droits patrimoniaux et moraux en qualité d’auteur de ces photographies.
La cour d’appel a reconnu le bénéfice de la protection au titre du droit d'auteur à quarante-six photographies revendiquées par le photographe.
Pour statuer ainsi, les juges du fond ont analysé trois des quarante-six photographies et se sont bornés à énoncer, pour les autres, qu'à travers les choix esthétiques qu'elles révèlent, le photographe a magnifié le projet « Demeure du chaos » tout en livrant une interprétation personnelle du message complexe que ce projet entend livrer.
Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel sur ce point, en reprochant aux juges du fond de ne pas avoir recherché « si et en quoi chacune des photographies, dont la protection était sollicitée, résultait d'un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de leur auteur, seul de nature à leur conférer le caractère d'une œuvre originale. »
Cette décision n’est pas nouvelle, puisque dans un arrêt du 4 novembre 2008, la Cour de cassation a déjà eu à reprocher à une cour d’appel de ne pas avoir recherché « si et en quoi chacune des œuvres, dont la protection était sollicitée, résultait d'un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de leurs auteurs, seul de nature à leur conférer le caractère d'une œuvre originale protégée, comme telle, par le droit d'auteur ».
Ainsi, les juges d’appel auraient dû examiner en détail les quarante-six photographies en cause et expliquer, pour chacune d’elle, en quoi elle apparaissait originale.
Cette exigence peut apparaître d’une grande lourdeur, surtout dans des affaires qui peuvent concerner un nombre encore plus élevé d’œuvres de l’esprit dont la protection est sollicitée en justice.
Néanmoins, elle apparaît logique, car un examen global de l'originalité pourrait avoir pour conséquence de conférer la protection à certaines créations qui ne seraient pas originales.
En outre, l’appréciation du préjudice subi dépend notamment du nombre d’œuvres exploitées indûment, d’où la nécessité d’examiner chaque œuvre objet du litige.
Enfin, par extension, on pourrait considérer que les juges ne peuvent pas juger en quoi des photographies seraient globalement insusceptibles de protection par le droit d’auteur.
Ainsi, pour dire des photographies comme dépourvues d’originalité à défaut de porter l'empreinte de la personnalité de leur auteur ; les juges seraient obligés d’en justifier au cas par cas pour chacune des photographies litigieuses, ce que bien souvent ils ne font pas.
La jurisprudence confère donc aux juges du fond une obligation d’analyse et de motivation détaillée des œuvres litigieuses dans le cadre des procédures en revendication de droit de propriété intellectuelle, de contrefaçon de droit d’auteur ou d’indemnisation des préjudices subis.
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Anthony Bem
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