Pour mémoire, l'article 9 du code civil pose le principe du droit pour chacun au respect de sa vie privée, dont la jurisprudence fixe les contours et les limites.
Il résulte de l'application des articles 8 de la CEDH, 9 du code civil et L 1121-1 du code du travail que les salariés ont le droit, même au temps et sur leur lieu de travail, au respect de l'intimité de leur vie privée ce qui implique le respect du secret des correspondances.
En l'espèce, une société a assigné devant la juridiction civile un de ses anciens salariés ainsi que son nouvel employeur pour détournement de clientèle et concurrence déloyale pendant l'exécution du préavis de ce salarié.
Au cours de la procédure judiciaire s’est posée la question de la recevabilité d’un des éléments de preuve les plus important produit aux débats par l’employeur : un constat d'huissier de justice.
Le procès-verbal de constat dressé par l'huissier de justice constituait-il un mode de preuve licite ou illicite ?
En effet, la pièce sur laquelle reposaient les demandes de l’ancien employeur était un procès-verbal de constat d’huissier de Justice, intervenu à la demande exclusive de l'employeur, qui s’était connecté à la boîte mail utilisée par l'ancien salarié, l’avait consulté et en avait édité ou copié des documents.
Or, si le salarié utilisait cette messagerie dans un cadre professionnel, il y recevait également des messages personnels, protégés par le secret des correspondances et le droit au respect de la vie privée.
Ainsi, les juges d’appel ont estimé que ce constat était illicite car les messages professionnels édités par l'huissier provenaient d'une messagerie électronique qui était personnelle au salarié dès lors que son adresse ne portait que le nom de ce dernier, sans mention de celui de l'entreprise, et que le salarié, s'il l'utilisait dans le cadre professionnel, y recevait également des messages personnels, protégés par le secret des correspondances, ce qui interdisait à l'employeur d'y accéder sans son autorisation.
Cependant, la cour de cassation a cassé et annulé la décision d’appel en posant le principe selon lequel :
« les courriels adressés et reçus par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l'intéressé, sauf si le salarié les identifie comme personnels ».
Et en jugeant qu’« en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que les messages visualisés par l'huissier de justice provenaient de la messagerie électronique mise à la disposition du salarié par l'entreprise, et qu'ils n'étaient pas identifiés comme étant personnels, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
Il résulte de cette décision que les fichiers et courriers édités, adressés et reçus par les salariés à l'aide de l'outil informatique mis à leur disposition par leurs employeurs, pour les besoins de leur travail, sont présumés avoir un caractère professionnel.
Par conséquent, l'employeur est en droit de prendre connaissance des messages personnels émis et reçus par leurs salariés grâce à l'outil informatique mis à leur disposition pour leur travail, et ceci même si l'employeur a interdit l'utilisation non professionnelle de l'ordinateur.
L'accès aux messages du salarié et la consultation de sa messagerie personnelle peuvent donc se faire sans son accord et sans autorisation judiciaire.
Ce droit n’est pas remis en cause lorsque la boîte de réception comporte des messages dont l'objet est personnel ou professionnel.
Ainsi, le juge reste le seul à pouvoir autoriser les mesures justifiées par la protection des droits de la partie qui les sollicite au regard du droit au secret des correspondances.
En conséquence, les huissiers de justice peuvent parfaitement, sans autorisation de justice, s’introduire et accéder au boites de messagerie professionnelle des salariés afin de recueillir les éventuels éléments de preuve dont peuvent avoir besoin leur employeur dans le cadre des procédures judiciaires, à condition que le salarié n'ai pas identifié les emails comme étant personnels eu égard à leur intitulé.
Cet arrêt illustre à nouveau l'importance d'être assister d'un bon conseil et de faire réaliser un constat d'huissier de justice exempt de vice en matière de nouvelles technologies.
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Anthony Bem
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