Le 18 janvier 2022, La Cour d’appel de Grenoble a condamné le Crédit Agricole au paiement de dommages intérêts au profit emprunteurs pour manquement à son obligation de mise en garde vis à vis de ces derniers. (Arrêt de la Cour d'appel de Grenoble, 1ère chambre, 18 janvier 2022, n° 20/00621)
Le Crédit Agricole a consenti à des époux un prêt immobilier remboursable sur 30 ans.
Les époux ont vendu le bien financé par le prêt et après apurement partiel de la dette, le Crédit Agricole a prononcé la déchéance du terme puis a assigné les époux en paiement du solde devant le Tribunal.
Les époux ont fait valoir en défense divers moyens de droit tenant notamment au manquement de la banque à son obligation de mise en garde.
En effet, il est acquis en jurisprudence que l’établissement bancaire qui consent un crédit est tenu envers un emprunteur non averti d’une obligation de mise en garde au regard des capacités financières de l’emprunteur et du risque de l’endettement né de l’octroi du prêt.
L’obligation de mise en garde est ainsi subordonnée à deux conditions, d’abord la qualité d’emprunteur non averti puis l’existence d’un risque d’endettement.
À cet égard, les emprunteurs ont utilement invoqué la faute du banquier pour non respect de son devoir d’information et de mise en garde compte tenu du jeune âge et de l’inexpérience de l’emprunteur qui ne peut être considéré comme un emprunteur averti tout comme son épouse.
Au cas présent, l’emprunteur était âgé de 26 ans et a été entraîné dans les mauvaises affaires immobilières de son oncle qui lui a fait souscrire soit directement soit en tant que caution, des engagements en faveur du Crédit Agricole pour les besoins de quatre SCI dans lesquelles il était associé minoritaire.
Or, en l’espace de 3 ans, le Crédit Agricole a permis à l’emprunteur de s’endetter à hauteur de plus de 500.000€ et lui a de surcroît consenti un autre prêt de 287.000€.
Ils ont fait valoir que lors de la souscription du prêt, ils ne disposaient pas d’une capacité financière suffisante, étant par ailleurs débiteurs de plusieurs autres établissements de crédit.
La banque a répliqué que la demande des emprunteurs était prescrite pour n’avoir pas été formée dans le délai de 5 ans à compter de la date de conclusion du prêt.
Mais en ce qu’elle tend au rejet des demandes formées à leur encontre, les Juges ont estimé que la demande reconventionnelle des emprunteurs constituait un simple moyen de défense au fond sur lequel la prescription est sans incidence.
Par ailleurs, la banque n’a pas été en mesure de rapporter la preuve que les emprunteurs étaient avertis des risques et conséquences de leur engagement de crédit.
Les Juges ont rappelé que
« la qualité d’emprunteur averti ne saurait se déduire de sa qualité d’associé minoritaire gérant plusieurs SCI ».
Ainsi, contrairement à ce qu’a jugé le premier juge, ils n’étaient pas des emprunteurs avertis au jour de la souscription du prêt litigieux.
Les Juges ont recherché si le prêt était adapté ou non aux capacités financières des emprunteurs.
Les emprunteurs ont fait état de l’existence d’un endettement important à la date du prêt, aux titres d’une caution souscrite par ailleurs au bénéfice d’une SCI et d’un prêt personnel.
Compte tenu du montant des revenus mensuels cumulés du couple, la Cour d’appel a considéré que le prêt consenti n’était pas adapté aux capacités financières des emprunteurs ce qui est confirmé par :
la position débitrice du compte bancaire ouvert dans les livres du Crédit Agricole ;
les décisions du juge d’instance ordonnant à deux reprises la suspension des obligations résultant de neuf crédits auprès de divers établissements financiers (dont le Crédit Agricole), l’ouverture d’une procédure de surendettement.
Par conséquent, la cour d’appel a jugé que :
« le Crédit Agricole a manqué à son obligation de mise en garde envers les époux X, leur occasionnant un préjudice résultant de la perte de chance de ne pas contracter le prêt.
Sur la base d’une perte de chance qui peut être évaluée à 50 %, il sera alloué aux époux X la somme de 117.651 euros à titre de dommages intérêts ».
Le montant des dommages intérêts venant en compensation avec celui de la dette, les emprunteurs ont pu diminuer substantiellement le prix de cette dernière.
Il résulte de cette décision que les banques doivent obligatoirement tenir compte des montants des emprunts contractés par leurs emprunteurs au risque, à défaut, de voir leur responsabilité mise en cause.
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Anthony Bem
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