Le 6 décembre 2013, le Conseil d’Etat a fixé les conditions et modalités de calcul de l’indemnisation des fonctionnaires ou agents publics victimes d’une décision illégale d’éviction de leur service. (CE, 6 décembre 2013, N° 365155).
En l’espèce, le maire de la commune d'Ajaccio a, par arrêté, mis un terme au détachement de Mme A. dans les services de cette commune.
Mme A. a alors demandé aux juges administratifs de lui accorder, en réparation de cette éviction illégale, l'indemnité que lui refusait la commune d'Ajaccio.
La cour administrative de Marseille a condamné la commune d'Ajaccio à indemniser Mme A. du préjudice subi du fait de la perte de primes liées à l'exercice effectif de ses fonctions et au titre de son préjudice moral.
La commune d'Ajaccio a demandé l'annulation de l'arrêt de la cour administrative de Marseille auprès du Conseil d’Etat qui a rejeté son recours.
La Haute juridiction administrative a en effet considéré que :
« la cour a pu, sans entacher son arrêt d'insuffisance de motivation, juger que Mme A aurait eu, si elle était demeurée en poste, une chance sérieuse de se voir attribuer certaines indemnités liées à son emploi, sans répondre à l'argumentation, au demeurant dépourvue de toute précision, par laquelle la commune d'Ajaccio alléguait que l'emploi en question avait été supprimé après le départ de l'intéressée […]
[…] qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;
Considérant que ni l'indemnité d'exercice des missions de préfecture ni l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires n'ont pour objet de compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; que la cour administrative d'appel de Marseille n'a donc pas commis d'erreur de droit en recherchant, pour évaluer le montant de la somme due à Mme A..., si celle-ci aurait eu, en l'absence de la décision qui a mis fin illégalement à son détachement, une chance sérieuse de continuer à bénéficier de ces indemnités, au taux qu'elle percevait avant cette mesure ».
Par conséquent, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre.
Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité.
Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due à un agent public au titre du préjudice subi du fait d'une éviction illégale du service, doit notamment être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ;
Par ailleurs, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
Le principe du droit à indemnisation en cas d'éviction illégale du service, c’est à dire si la mesure d’éviction a été considérée comme injustifiée et annulée sur le fond, est constant depuis un arrêt Deberles du 7 avril 1933 (CE, Assemblée, 7 avril 1933, Deberles ; CE, 24 mai 1933, Fraissé ; CE, 18 juillet 2008, Stilinovic).
L’arrêt commenté ajoute au principe du droit à indemnisation une condition, à savoir l’existence de chances sérieuses qu’avait le fonctionnaire de continuer à percevoir son traitement et ses primes non liées à un service effectif, postérieurement à la décision d’éviction illégale.
Le montant de l’indemnisation comprend :
- l’indemnité de résidence ;
- le supplément familial de traitement, s’il était dû à l’agent, compte tenu de la situation de son conjoint ;
- l’indemnité d’exercice des missions de préfecture (IEMP) ;
- l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) ;
- la reconstitution rétroactive de la carrière telle qu’elle se serait déroulée depuis l’éviction illégale en fonction de la valeur propre de l’agent avant son éviction et de ses chances de promotion comparables à celles de ses collègues (Conseil d’Etat, 26 décembre 1925, Rodière) ;
- les droits à pension en procédant à la ré-affiliation rétroactive auprès des services concernés (Conseil d’Etat, 25 février 1998, Commune de Brives-Charensac et Arnaud).
L’indemnité ne comprend pas :
- les avantages en nature de logement et de nourriture (Conseil d’Etat, 6 mars 1987, Sola) ;
- les primes de rendement, les primes d’éloignement, et les primes liées à des sujétions spéciales (Conseil d’Etat, 25 juin 1976, Gaillard).
Enfin, tous les revenus perçus par le fonctionnaire au cours de la période d’éviction illégale liés à l’exercice d’une autre activité professionnelle et les aides publiques doivent être déduits dans le cadre du calcul du montant de l’indemnisation (Conseil d’Etat, 23 janvier 1985, Commune de Saint-Lin).
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01
Email : abem@cabinetbem.com