Les cautions professionnelles ou dirigeantes disposent de nombreux arguments de défense pour échapper à leur condamnation pécuniaire des dettes de la société cautionnée.
L’un des arguments les plus efficace est celui du vice de forme relatif à la mention manuscrite que doit écrire la caution de sa main en respectant mot pour mot ceux fixés par le législateur.
Ainsi, seul le respect strict du formalisme légal conditionne la validité du cautionnement.
Le cas échéant, la jurisprudence sanctionne d’une nullité absolue le cautionnement et la caution est libérée totalement de son engagement et du paiement des dettes sociales.
Or, les avocats qui ne sont pas coutumiers du contentieux bancaire ou du droit du cautionnement peuvent involontairement passer à côté d’un moyen de défense de manière extrêmement dommageable pour leurs clients qui peuvent se voir lourdement condamner du fait de cette négligence ou incompétence.
A cet égard, le 3 septembre 2020, la Cour d'appel de Colmar a jugé que les cautions professionnelles pouvaient se faire indemniser de leurs préjudices si leur condamnation en justice provient de la négligence fautive de leur avocat qui n’a pas invoqué tous les arguments de défense (CA Colmar, ch. 2 a, 3 septembre 2020, n° 19/00135).
En l’espèce, deux époux gérants de société se sont portés cautions solidaires envers la Banque Populaire du bon remboursement des crédits accordés à la société emprunteuse.
A la suite de difficultés financières de la société, la Banque Populaire a actionné les époux cautions en paiement des dettes et a obtenu du tribunal leur condamnation solidaire.
Dans le cadre de cette procédure, les époux cautions avaient été représentées par un premier avocat.
Dans le cadre d’une seconde procédure introduite par la Banque Populaire pour se voir déclarer inopposable un acte de donation partage avec réserve d’usufruit consenti par les époux à leurs trois enfants, les époux cautions ont été représentés par un nouvel avocat.
Ils ont soulevé, pour la première fois, l’irrégularité de la mention manuscrite de la caution et l’absence de proportionnalité des cautionnements par rapport à leurs revenus et leurs biens.
Le tribunal de grande instance a considéré que les moyens invoqués par les cautions étaient irrecevables faute d’avoir été présentés lors de la première instance et a déclaré la donation partage inopposable à la Banque Populaire.
Le cautions ont ainsi conclu avec la Banque populaire un protocole d’accord pour payer leurs dettes.
Néanmoins, ils ont estimé que leur premier avocat avait commis une faute en omettant de soulever en défense divers moyens juridiques.
Ainsi, les cautions ont fait assigner en responsabilité civile professionnelle leur premier avocat afin d’être indemnisés de leur préjudice.
En effet, la mention manuscrite avait été rédigée par l’épouse et et non l’époux alors que seul ce dernier s’engageait dans cet acte en qualité de caution.
Or, aux termes de l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date au cautionnement litigieux, c’est à peine de nullité de son engagement que toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit faire précéder sa signature de la mention manuscrite prévue par ce texte légal.
Dès lors, le fait que la mention manuscrite n’ait pas été rédigée par la caution constituait bien un moyen juridique efficace susceptible d’entraîner la nullité du cautionnement pour vice de forme.
L’examen du cautionnement litigieux faisait apparaître que la mention manuscrite censée avoir été rédigée par l’époux caution était de la même écriture que celle rédigée dans le même acte par l’épouse caution pour donner son accord et identique à celle de dans l’acte souscrit par les deux époux.
A cet égard, la cour d’appel a estimé que « l’irrégularité de la mention manuscrite du cautionnement pouvait être décelée par un simple examen visuel de cet acte ».
De plus, les juges d’appel ont relevé qu’ : « aucun élément n’est produit de nature à démontrer que les cautions étaient animés d’une intention frauduleuse en procédant de la sorte, alors que l’épouse a pu se substituer à son mari pour rédiger la mention manuscrite de la caution pour des raisons de simple commodité ».
Dans ce contexte, la cour d’appel a estimé que l’avocat avait commis une faute de nature à mettre en jeu sa responsabilité civile professionnelle pour manquement à son obligation de vérifier et d’invoquer les vices de forme en matière de défense des cautions professionnelles.
Par ailleurs, concernant la disproportion des cautionnements par rapport aux biens et revenus des cautions, ces derniers faisaient valoir que leur premier avocat avait également été négligent en omettant d’invoquer ce point.
En effet, pour mémoire, aux termes de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
En l’espèce, le moyen tiré de la disproportion du cautionnement méritait d’être soulevé et à tout le moins, l’avocat aurait dû interroger ses clients sur ce point, ce qu’il ne justifiait pas, ni même n’alléguait avoir fait.
Ce manquement constitue donc une seconde faute engageant la responsabilité de l’avocat envers ses clients.
La condamnation des cautions aurait donc pu être évitée, au moins partiellement, si l’avocat n’avait pas commis de fautes professionnelles.
En tout état de cause, les cautions ont subi une perte de chance d’obtenir, d’une part la nullité du cautionnement en raison de l’irrégularité de la mention manuscrite, d’autre part l’inefficacité des deux cautionnements en raison de la disproportion du cautionnement de chaque époux.
Sur le premier point, compte tenu du caractère apparent de l’irrégularité affectant la mention manuscrite du cautionnement et du caractère d’ordre public du texte légal précité qui sanctionne de nullité une telle irrégularité, la cour d’appel a estimé à 90 % la perte de chance de l’époux caution.
En conséquence, la cour d’appel a jugé que le premier avocat des cautions avait commis des fautes engageant sa responsabilité envers ceux-ci en omettant d’invoquer, pour leur compte l’irrégularité de la mention manuscrite d’un cautionnement souscrit en faveur de la Banque populaire et la disproportion des cautionnements souscrits en faveur de la même banque.
Il résulte de cet arrêt que les cautions peuvent utilement poursuivre en responsabilité leur avocat pour se voir indemniser de leur préjudices financiers subis en cas de condamnation au paiement de la banque par la justice.
Pour mémoire, le délai de prescription de l’action en responsabilité est de 5 ans à compter de la date de la condamnation au paiement de la caution par le tribunal.
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Anthony Bem
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