La diffusion de photographies personnelles prises dans un lieu privé sont, en principe, totalement interdites.
Deux fondements juridiques existent pour sanctionner la diffusion de photographies :
- Le code civil ;
- Le code pénal.
Le code civil permet de poursuivre l'auteur de la diffusion de photographies personnelles, en urgence devant le juge des référés.
Le code civil permet aussi d'obtenir des dommages et intérêt, de manière automatique, avec des tendances selon les juridictions.
La procédure civile est conditionnée à la seule identification de l'auteur de la diffusion des photographies personnelles litigieuses.
Par ailleurs, la victime d'une atteinte à son droit à l'image peut agir au pénal.
En effet, le code pénal prévoit une sanction d'une peine d'amende et d'emprisonnement contre tout auteur d'enregistrement ou de diffusion de photographies personnelles non consenties.
Le droit à l'image permet ainsi à la victime de déposer une plainte pénale afin que l'auteur soit identifié, poursuivi et sanctionné.
Au terme de la procédure pénale, la victime sera indemnisée de ses préjudices subis comme devant le juge civil.
Cependant, un arrêt du 16 mars 2016 de la Cour de cassation en a jugé autrement.
En l'espèce, Mme Y a porté plainte et s’est constituée partie civile en raison de la diffusion sur internet, par son ancien compagnon, d’une photographie prise par lui, à l’époque de leur vie commune, la représentant nue alors qu’elle était enceinte.
L'ex compagnon a été condamné par le tribunal correctionnel et la cour d'appel.
Selon les premiers juges le fait, pour la victime, d’avoir accepté d’être photographiée ne signifiait pas, compte tenu du caractère intime de la photographie, qu’elle avait donné son accord pour que celle-ci soit publiquement diffusée.
Cependant, la cour de cassation a CASSé et ANNULÉ l'arrêt d’appel en jugeant :
« qu’en se déterminant ainsi, alors que n’est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l’image d’une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe » (Cour de cassation - Chambre criminelle, 16 mars 2016, n° 15-82676).
Ce faisant, la cour de cassation pose le principe selon lequel le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé, n'est punissable que si l’enregistrement ou le document qui les contient a été réalisé sans le consentement de la personne concernée, même implicite.
Cette décision est intéressante pour plusieurs raisons :
- elle interprète comme un consentement implicite le fait de poser sur une photographie et enlève toute sanction pénale en cas de d'utilisation ou de diffusion d'une image du fait l'accord de la personne représentée ;
- elle rappelle que la loi pénale est d’interprétation stricte.
L’interprétation stricte de la loi pénale est un principe dont le Conseil constitutionnel reconnaît une valeur constitutionnelle.
Concrètement, il vise à protéger les individus contre toute forme de répression arbitraire en ce que le juge pénal est tenu par la lettre des textes de loi.
En matière pénale, il appartient au législateur de bien rédiger les textes de loi, ce qui renvoi au principe de l'égalité.
Le principe de légalité vise aussi à prémunir les justiciables contre toute application arbitraire du droit pénal par les autorités et juges.
En tout état de cause, il résulte de cette décision qu'il n'existe pas de sanction pénale prévue en cas de publication par un tiers de photographies personnelles prises dans un lieu privé dont le consentement peut être présumé.
Cette décision est particulièrement dangereuse en ce que, d'une part, elle fait une interprétation rigoriste de la règle de droit pénal et, d'autre part, de manière schizophrénique, elle interprète de manière extensive l'appréciation du consentement de la victime.
Cette jurisprudence est d'autant plus regrettable que les victimes de poses sur des photographies, de selfies, de tweet ou post sur Facebook, Instagram ou tout autres sites internet de "partage" de contenus ne peuvent plus attaquer pénalement les auteurs de la diffusion de leur image, sans leur autorisation.
A l'heure où le droit de l'Internet manque cruellement d'un arsenal législatif de lutte contre les atteintes à la réputation sur internet à la hauteur des nécessités contemporaines, il est tout de même dommage que les juges de la cour de cassation aient privé de cette manière les justiciables d'un fondement pénal en cas de violation de leur droit à l'image.
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Anthony Bem
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