Il peut arriver que l’on vende volontairement aux enchères un bien dont la valeur est en réalité supérieure à celle pour laquelle il a été vendu.
Les sociétés de ventes aux enchères volontaires sont tenues au respect de certaines obligations envers les vendeurs qui à défaut d’avoir été respectées permettent à ces derniers de mettre en jeu leur responsabilité et d’être indemnisés de leurs préjudices subis au titre du gain manqué.
A cet égard, le 4 décembre 2024, la Cour de cassation a condamné une célèbre société de ventes aux enchères volontaires en raison de l’erreur du vendeur sur le prix d’estimation d’un tableau faite par cette dernière société de vente et le véritable auteur de ce tableau ; sur le fondement du vice du consentement sur les qualités substantielles du bien vendu à un prix inférieur à sa valeur réelle (Cour de cassation, Première chambre civile, 4 décembre 2024, n°20/05076).
En l’espèce, au cours d'une vente aux enchères volontaires et publiques, organisée par une société de ventes aux enchères, un acheteur a été déclaré adjudicataire, au prix de 50.000 euros, d'un tableau décrit comme, « une huile sur toile «Visage alangui » XIXème siècle 46x56 cm. Provenance du tableau : Héritiers de [X] », estimé entre 200 à 300 euros.
Or, ce tableau a été rapidement revendu par l’acheteur à une galerie au prix de 90.000 euros, qui l'a elle-même revendu à un particulier pour 130.000 euros.
Bien que ce dernier ait refusé que le tableau soit expertisé, il existait de fortes présomptions que le tableau soit une œuvre d’un autre artiste peintre de renom.
Ainsi, le vendeur a estimé que la société de ventes avait commis des fautes au titre de la sous-évaluation de la valeur du tableau et de la détermination de son auteur ; de sorte que son consentement avait été vicié par l'erreur commise sur les qualités essentielles du tableau.
En conséquence, le vendeur a assigné en justice la société de ventes aux enchères volontaires ainsi que l’acheteur afin d’obtenir l’annulation de la vente.
En effet, en principe, l’erreur sur les qualités substantielles d’un bien vendu peut permettre au vendeur d’obtenir la nullité du contrat de vente car son consentement a été vicié, à moins que son erreur soit inexcusable.
Le caractère inexcusable de l'erreur s'apprécie in concreto par les juges, en fonction des circonstances de la conclusion du contrat, de l'âge, de la compétence et de la profession de la victime de l’erreur.
Au cas présent, les juges ont estimé que l’erreur du vendeur était excusable car il avait transmis tous les éléments en sa possession au professionnel chargé de la vente en s'en remettant à son avis et que celui-ci n'a pas procédé aux recherches qui auraient permis d'éviter cette erreur.
La société de ventes était en possession des archives familiales qui comprenaient des documents permettant d'établir le lien de parenté entre la famille du vendeur et un autre peintre célèbre de sorte qu'il existait un doute sur l'attribution du tableau.
En outre, avant la vente, la société de ventes a porté l’information sur l’existence d’un doute sur l'attribution du tableau à la connaissance du public, sans pour autant modifier l'évaluation initiale, ni avoir cru devoir faire appel à l'avis d'un expert.
Ainsi, les juges ont estimé que le vendeur avait pu légitimement être convaincu du caractère ordinaire de la peinture et victime d'une erreur dès lors qu'il existait un doute sur l'attribution possible du tableau au peintre qui ne pouvait être levé en l'absence d'expertise.
La Cour de cassation rappelle que la société de ventes volontaires est tenue d’effectuer les recherches appropriées pour identifier l’authenticité et l’attribution de la paternité d’un bien qui lui est confié et de déterminer sa qualité, notamment en considération de sa nature, de son origine géographique et de son époque.
Si nécessaire, la société de ventes volontaires doit recourir à une expertise.
Cependant, la société de ventes n’a pas cru devoir effectuer les recherches appropriées pour identifier l’auteur du tableau, alors même qu’elle disposait de tous les éléments pour le faire et qu’il existait un doute dont elle a eu connaissance et fait état.
Par conséquent, la Cour de cassation a considéré que l’erreur du vendeur était excusable et que la société de ventes n’avait pas respecté ses obligations légales de vérification et d’information du vendeur et devait mettre en jeu sa responsabilité.
Il découle de cet arrêt que les vendeurs aux enchères volontaires peuvent obtenir l’annulation de la vente et l’indemnisation de leurs préjudices financiers subis lorsque le bien vendu a mal été estimé par la société de vente aux enchères et qu’en réalité la valeur de leur bien vendu est supérieure.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici)
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01
Email : abem@cabinetbem.com