Le contrat de travail est la convention par laquelle une personne, le salarié s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’un autre, l’employeur contre rémunération.
Pour la jurisprudence, un contrat de travail doit remplir trois critères, à savoir, une rémunération, une prestation de travail et un lien de subordination.
Le lien de subordination est l’exécution d’un contrat de travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, des directives et des horaires, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Cassation commerciale, 13 novembre 1996, N°94-13187).
Cette définition du lien de subordination peut être source de conflits entre l’employeur et le salarié en cas de création d'œuvre de l'esprit par ce dernier dans le cadre de sa mission de travail.
En effet, en cas de création d'œuvre de l'esprit l’employeur et le salarié peuvent tous prétendre détenir des droits d’auteurs à titre personnel sur les œuvres créées.
A cet égard, le législateur a établi le principe selon lequel, « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » (article L111-1 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle).
De plus, la loi précise que l’existence d’un contrat de travail ne remet pas en cause ce principe, sauf situations exceptionnelles prévues dans le code de la propriété intellectuelle.
Ainsi, une personne qui prétend être titulaire d’un droit d’auteur doit prouver le caractère original de son œuvre et démontrer qu’il ne s’agit pas d’une simple idée ou d’un concept.
Pour rappel, la jurisprudence considère qu’une œuvre est originale dès lors que cette dernière est emprunte de la personnalité et de la sensibilité de son auteur.
Par conséquent, l’originalité de l’œuvre repose moins sur sa « nouveauté » que sur l’apport intellectuel de son auteur.
Seul le juge dispose du pouvoir d’apprécier le caractère original d’une œuvre.
A cet égard, la chambre sociale de la cour de cassation a jugé que la cour d’appel a souverainement estimé, sans inverser la charge de la preuve, qu’un salarié qui ne définit pas les choix esthétiques de l’entreprise et ne jouit pas d’une liberté de création n’est pas titulaire des droits d’auteurs sur les œuvres réalisées (Cour de cassation, chambre sociale, 22 septembre 2015, N°13-18803).
En l’espèce, un salarié a été engagé en qualité de styliste puis nommée chef de service de création et enfin directeur artistique au sein d’une société spécialisée dans la création, la fabrication et la vente de pièces en cristal, parmi lesquelles des flacons de parfums commercialisés par une de ses sociétés.
Le salarié a engagé devant le tribunal de grande instance une action en contrefaçon à l'encontre de son employeur au titre des droits d’auteurs dont il prétendait être titulaire sur divers objets commercialisés par les sociétés.
La cour d’appel de Paris l’a déclaré irrecevable à agir au titre des droits d’auteur dans la mesure où le président de la société indiquait au salarié qu’il avait l’initiative des recherches des nouveaux produits et assurait la direction des études esthétiques, industrielles ou commerciales.
Aussi, les juges ont pris en compte que :
- les produits devaient être créés dans le respect de l’image et de la stratégie définies par la direction générale et qu’une autre salariée dessinait les pièces maîtresses des collections et en fixait les termes à partir de ses carnets de voyages.
- chaque dessin et chaque maquette étaient soumis à l’approbation de cette salariée et de son président, et par la suite à l’approbation de l’agence de conseil de l’entreprise sur les axes de créations et de la stratégie de communication.
- le salarié recevait des instructions esthétiques de la direction générale de l’entreprise lors de réunions de création, et qu’il devait soumettre à l’agence tous ses dessins.
- les œuvres litigieuses sont des modèles en trois dimensions conçus par plusieurs collaborateurs avec la participation de divers corps de métier dont l’intervention ne relève pas de la simple exécution.
Dans ce contexte, la cour de cassation ne pouvait que confirmer la position des juges d'appel.
Pour la haute Cour, en l'absence de définition des choix esthétiques de l'entreprise et de liberté de création, le salarié ne peut pas valablement prétendre être titulaire de droits d'auteur sur les œuvres réalisées.
Il résulte de cette décision que les seuls cas dans lesquels les salariés pourront valablement revendiquer la titularité de droits de création sur les œuvres dont ils sont les auteurs sont ceux dans lesquels ils pourront justifier disposer de libertés de choix esthétiques et de création.
A défaut, les salariés ne pourront prétendre être titulaires de droits d'auteur sur les œuvres réalisées pour le compte de leurs employeurs.
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Anthony Bem
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