Le 26 janvier 2016, la Cour de cassation a jugé que les employeurs ne peuvent pas utiliser en justice les emails de salariés provenant de leurs boîtes de messageries électroniques personnelles quand bien même ils auraient obtenus depuis leur ordinateurs professionnels (Cour de cassation, chambre sociale, 26 janvier 2016, N° de pourvoi : 14-15360).
En l'espèce, une salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et a saisi la juridiction prud'homale.
Les juges ont estimé que la rupture du contrat de travail était imputable à l'employeur et devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, l'employeur a été condamné à payer à sa salariée diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.
La problème juridique de cette affaire résidait notamment dans la production aux débats par l'employeur de courriels reçus et envoyés depuis l'adresse de messagerie personnelle de la salariée et qui provenaient de son ordinateur professionnel.
Les juges ont aussi eu à se poser la question de savoir si ces courriels étaient ou non protégés par le secret des correspondances.
Pour mémoire, les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie expressément comme étant personnels, avoir un caractère professionnel.
Autrement dit, les courriers envoyés ou reçus par le salarié depuis sa messagerie professionnelle, ainsi que les fichiers enregistrés par le salarié sur le disque dur de l’ordinateur de l’entreprise sont présumés avoir un caractère professionnel.
La jurisprudence a ainsi eu l'occasion de se prononcer sur les modalités d'indication de la mention "personnel" sur les fichiers et e-mails.
Selon l'employeur des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l'ordinateur mis à disposition du salarié par l'employeur ne devaient pas être identifiés comme personnels du seul fait qu'ils étaient émis de ou vers la messagerie électronique personnelle du salarié.
Les juges d'appel n'ont pas suivi l'employeur et ont écarté des débats une pièce car sa production aurait porté atteinte au secret des correspondances :
« provenant de l'ordinateur professionnel mis à la disposition de Madame X est un échange de courriels en date des 09 et 10 octobre 2011 reçu par Madame X sur sa boîte de messagerie personnelle et émanant d'adresses privées non professionnelles ».
La Cour de cassation a donné raison aux juges d'appel et rappelé le principe selon lequel les courriels reçus par un employé sur sa boîte de messagerie personnelle et émanant d'adresses privées non professionnelles ne peuvent être valablement produits aux débats au cours d'un procès par l'employeur, et ce, même s'ils proviennent de l'ordinateur professionnel mis à la disposition du salarié car il s'agit d'une atteinte au secret des correspondances.
La Cour de Cassation a ainsi jugé que :
« ayant constaté que les messages électroniques litigieux provenaient de la messagerie personnelle de la salariée distincte de la messagerie professionnelle dont celle-ci disposait pour les besoins de son activité, la cour d'appel en a exactement déduit que ces messages électroniques devaient être écartés des débats en ce que leur production en justice portait atteinte au secret des correspondances ».
Par conseil et , les courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l'ordinateur mis à disposition du salarié par l'employeur sont identifiés comme personnels du seul fait qu'ils sont émis de ou vers la messagerie électronique personnelle du salarié.
En tant que tels ces documents, présents dans l'ordinateur mis à la disposition de son salarié par l'employeur ne sont pas présumés avoir un caractère professionnel.
Les fichiers ou pièces jointes à des courriels n'ont pas non plus à être identifiés comme personnels pour être protégés par le secret des correspondances.
Cette jurisprudence rappelle les règles de preuves susceptibles de pouvoir être produites en justice en cas de contentieux entre les salariés et les employeurs, lors de la rupture du contrat de travail.
Concrètement, les salariés peuvent accéder à leurs boîtes de messageries électroniques personnelles depuis leur ordinateurs professionnels sans avoir à démontrer que leurs emails étaient bien identifiés comme étant personnels pour empêcher leurs employeurs de les utiliser en justice.
Il avait déjà été jugé que l’employeur ne peut se prévaloir des courriers échangés par le salarié sur une messagerie personnelle même si leur contenu porte sur l’activité de l’entreprise (Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 16 avril 2013 : RG n°12-15657).
Par extension, on peut considérer qu'en droit du travail, les emails de salariés émanant d'adresses privées de boîte de messagerie personnelle sont soumis au secret des correspondances et donc insusceptibles d'être produits en justice par les employeurs.
Les salariés indélicats peuvent donc librement s'adresser tout document ou fichier même de l'entreprise, pourvu que cela soit par le biais de leur boîte et adresse de messagerie personnelle, pour être protégés en cas d'éventuels contentieux avec leur employeur.
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Anthony Bem
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