Évolution jurisprudentielle du régime de responsabilité des sites hébergeurs de contenu sur internet

Publié le Modifié le 09/04/2012 Vu 13 030 fois 0
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Le 8 juin 2011, la 17ème Chambre du Tribunal de grande instance de Paris a jugé que le régime de responsabilité allégé des hébergeurs de contenus internet « ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle » du site concerné (TGI Paris, 17eme Chambre presse, 8 juin 2011, Zahia B. c/ Fondation Agoravox).

Le 8 juin 2011, la 17ème Chambre du Tribunal de grande instance de Paris a jugé que le régime de responsabi

Évolution jurisprudentielle du régime de responsabilité des sites hébergeurs de contenu sur internet

Zahia avait défrayée la chronique pour avoir notamment accordé un entretien au magazine Paris Match concernant ses relations d'escorting avec quelques fameux joueurs de football français.

Ce fait divers avait été relayé notamment sur le site internet AgoraVox qui avait diffusé un article illustré de six photographies de Zahia et d'une vidéo extrait d'une émission de la chaîne télévisée NRJ12.

Zahia a donc assigné en justice la société éditrice du site internet AgoraVox sur le fondement des dispositions de l'article 9 du Code civil qui dispose que « chacun a le droit au respect de sa vie privée » et dont l’application jurisprudentielle constante protège aussi le respect du droit à l’image.

Elle a sollicité du juge qu'il ordonne à la société éditrice du site internet AgoraVox la suppression, sous astreinte, des contenus relevant de sa personnalité ainsi que sa condamnation à lui verser la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices subis.

AgoraVox s'est défendu d'être le responsable de la diffusion litigieuse en invoquant le statut d'hébergeur de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économique numérique (LCEN).

En effet, cet article dispose notamment que :

« … 2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.

L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa.

3. Les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible.

L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa … ».

La 17ème Chambre du Tribunal de grande instance de Paris a appliqué le second alinéa de l'article 6.I.2 de la LCEN précité aux termes duquel le régime de responsabilité allégé des hébergeurs « ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle  » de l’hébergeur.

Les juges parisiens ont ainsi confirmé le principe selon lequel « celui qui contrôle la politique ou le contenu éditorial d'un site internet a la qualité d'éditeur et non de fournisseur d'hébergement, de sorte que sa responsabilité peut être recherchée dans les conditions du droit commun ou telles que prévues par l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle ».

Concrètement, lorsque l'auteur du contenu litigieux « agit sous l'autorité ou le contrôle » du site internet, ce dernier ne pourra pas se prévaloir de l'application régime de responsabilité allégé.

Au cas présent, les juges ont relevé qu’« AgoraVox n'a pas contrairement à ce qu'elle soutient une position purement passive et totalement neutre, et ne se limite pas à la mise à disposition d'un processus technique d'exploitation et de fourniture d'un hébergeur, sur lequel les informations fournies par des tiers sont temporairement stockées sans qu'elle puisse en avoir connaissance, mais contrôle et autorise la diffusion des informations reçues des internautes après les avoir spécialement validées par l'intermédiaire de modérateurs, ce qui lui confère la qualité d'éditeur dont la responsabilité relève du droit commun ».

En effet, bien que l'article litigieux ait été mis en ligne et signé par un auteur, le tribunal a considéré que le site AgoraVox avait une politique éditoriale du fait de la modération des contenus par les « modérateurs, c'est à dire tous les rédacteurs ayant publié au moins quatre articles sur le site » qui « lui confère la qualité d'éditeur dont la responsabilité relève du droit commun  ».

Sur le fond de l’affaire les juges ont déboutée Zahia de ses prétentions sur le fondement de son droit au respect de sa vie privée « dés lors que s'étant trouvée mêlée, fut ce à son corps défendant, à un fait d'actualité à très fort retentissement médiatique. Compte tenu de la notoriété de ses protagonistes, il pouvait légitimement en être rendu compte dés lors qu'il n'en résultait aucune extrapolation  ».

S’agissant de la violation du droit à l'image : « le nombre de photographies publiées (6) et la mise en ligne d'un extrait vidéo ayant pour seul but l'identification de la demanderesse alors qu'elle était encore mineure, excédent la juste mesure qu'autorisait l'illustration légitime d'un fait d'actualité, laquelle ne peut être admise que lorsqu'un rapport direct, pertinent et adéquat est établi entre le fait évoqué et le cliché qui l'illustre. Aussi et dans cette seule mesure, l'atteinte au droit à l'image sera-t-elle retenue  ».

Pour conclure, il ressort essentiellement de cette nouvelle décision jurisprudentielle que le régime de responsabilité allégé des hébergeurs ne s’applique pas si le site internet sur lequel est diffusé des contenus illicites :

- n’a pas un rôle purement passif ;

- n’est pas totalement neutre ;

- ne se limite pas au stockage temporaire des informations ;

- contrôle et autorise leur diffusion.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
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