Pour mémoire, depuis l’entrée en vigueur de la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008, l’article L442-6, I-2°, du code de commerce dispose notamment qu’engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait de « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties »
Concrètement, ce texte vise les hypothèses où un opérateur économique (producteur, commerçant, distributeur, etc …) use de son fort pouvoir de négociation pour imposer à ses partenaires des obligations qui sont à son seul bénéfice.
Ainsi, est susceptible de créer un déséquilibre significatif toute clause ou pratique par laquelle un opérateur impose sans contrepartie à son partenaire commercial :
- une charge qui lui incombe ;
- une obligation asymétrique ;
- une restriction de droits.
En vertu de l’article L442-6 III du code de commerce, une action judiciaire peut être introduite par toute personne justifiant d’un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l’économie ou par le président de l’Autorité de la concurrence.
Ainsi, le ministre chargé de l’économie peut demander au juge de constater la nullité des clauses créant un déséquilibre significatif, d’ordonner la cessation des pratiques illicites ou de prononcer une amende civile à l’encontre de l’opérateur responsable, comme dans le cas présent. (C.A Paris, 18 décembre 2013, n° 12/00150)
En l’espèce, un distributeur a signé avec ses fournisseurs des contrats commerciaux.
Considérant que certaines clauses de ces contrats créaient un déséquilibre significatif au détriment des fournisseurs, le ministre de l’économie et des finances a engagé une action en justice pour empêcher pour l’avenir l’insertion des clauses litigieuses dans les contrats liant le distributeur à ses fournisseurs.
C’est dans ce contexte que la cour d’appel de Paris a eu à examiner les clauses litigieuses.
A cet effet, la cour d’appel a notamment considéré comme créant un déséquilibre significatif au détriment des fournisseurs :
- la clause qui exclut l’application des conditions générales de vente (CGV) des fournisseurs à toute livraison de produits ou prestations de services du fournisseur au profit des conditions générales d’achat (CGA) du distributeur ;
- la clause qui crée un écart entre les délais accordés au distributeur pour payer les marchandises et les délais accordés aux fournisseurs pour payer les prestations de services ;
- la clause qui prévoit que le distributeur ne fait pas d’escompte pour le paiement anticipé des ristournes et des prestations de services, alors qu’il pouvait dans le même temps obtenir des escomptes de ses fournisseurs ;
- la clause qui met à la charge des fournisseurs les coûts inhérents à la détérioration par les clients des produits faisant l’objet d’une promotion ou de leurs emballages ;
- la clause qui impose aux fournisseurs des pénalités en cas de retard de paiement, alors qu’il n’existe à la charge du distributeur aucune pénalité pour les manquements dans l’exécution de ses obligations.
Compte-tenu de l’importance et du nombre des clauses qui créaient un déséquilibre significatif au détriment du fournisseur, la cour d’appel a prononcé l’interdiction pour l’avenir de la mise en œuvre de ces clauses et a condamné le distributeur à payer une amende de 500 000 €.
Si la décision commentée concernait le secteur de la grande distribution, force est de constater que la sanction du déséquilibre significatif ne se limite pas à ce seul secteur d’activité et concerne de nombreux secteurs.
A titre d’exemple, la cour d’appel de Rouen a condamné un professionnel à indemniser son sous-traitant en jugeant que la clause octroyant au seul donneur d'ordre une faculté de résilier le contrat sans indemnité introduit dans la convention un déséquilibre des relations commerciales et doit être déclarée non écrite comme étant contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L442-6 du Code de commerce. (CA Rouen, 12 décembre 2012, n° 12/01200)
En définitive, la décision commentée appelle la vigilance des opérateurs économiques (producteur, commerçant, distributeur, etc …) quant aux clauses insérées dans les contrats conclus avec leurs partenaires commerciaux, surtout lorsqu’il s’agit de contrats-types ou contrats d’adhésion excluant toute possibilité de négociation.
Cette vigilance est d’autant plus nécessaire que la sanction des clauses créant un déséquilibre significatif peut consister non seulement dans la mise en jeu de la responsabilité du professionnel fautif mais aussi au remboursement des sommes indûment perçues outre une condamnation à une amende civile pouvant aller jusqu’à 2 millions d’euros.
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Anthony Bem
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