Les systèmes de géolocalisation qui permettent aux employeurs de connaître la position géographique de leurs salariés, par la localisation d'objets tels les véhicules qu'ils utilisent, sont en plein essor.
Ainsi, dans son rapport d’activité pour l’année 2012 publié en avril dernier, la CNIL déclare avoir reçu 5483 déclarations relatives à des dispositifs de géolocalisation, soit plus de 22,3% par rapport à 2011.
Cependant, parce que les données collectées via un système de géolocalisation sont relatives à un employé identifié, le dispositif porte nécessairement sur des données à caractère personnel et doit donc être encadré, au risque de porter atteinte aux droits et libertés des salariés concernés.
C’est pour prévenir un tel risque que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (ci-après CNIL) a adopté la délibération n°2006-067 du 16 mars 2006 portant adoption d'une norme simplifiée concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en œuvre par les organismes publics ou privés destinés à géolocaliser les véhicules utilisés par leurs employés (Norme simplifiée n° 51).
Cette délibération définit les conditions dans lesquelles un employeur peut exploiter les données tirées d'un système de géolocalisation sans pour autant porter atteinte aux droits et libertés de ses salariés.
1-) Finalités des systèmes de géolocalisation
L’employeur souhaitant mettre en place un système de géolocalisation des véhicules utilisés par ses employés doit préciser dans sa déclaration les objectifs poursuivis par le dispositif.
A titre d’exemples, l’article 2 de la délibération du 16 mars 2006 dispose que le traitement peut avoir les finalités suivantes :
- le respect d’une obligation légale ou réglementaire imposant la mise en œuvre d'un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés ;
- le suivi et la facturation d'une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d'une prestation de services directement liée à l'utilisation du véhicule ;
- la sûreté ou la sécurité de l'employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge ;
- une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, notamment pour des interventions d'urgence ;
- accessoirement, le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d'autres moyens.
L’exploitation des informations issues d’un système de géolocalisation doit dès lors être proportionnée aux finalités déclarées, c’est-à-dire qu’elle doit s’effectuer « de façon adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à l’objectif poursuivi », comme le recommande la CNIL.
En effet, parce que la géolocalisation peut porter atteinte aux droits et libertés des salariés, celle-ci doit être justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché.
C’est ainsi que dans un arrêt du 3 novembre 2011, la Cour de cassation a jugé que :
« l'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n'est pas justifiée lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail" et "qu'un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés ». (Cass. Soc., 3 novembre 2011, n°10-18036)
En outre, la CNIL considère que « l'utilisation d'un dispositif de géolocalisation ne doit pas conduire à un contrôle permanent de l'employé concerné ». (CNIL, délib. n° 2006-066 du 16 mars 2006 portant adoption d'une recommandation).
Ainsi, commettrait un détournement de finalité l’employeur qui utiliserait le dispositif de géolocalisation pour contrôler l’activité de ses salariés alors que la finalité déclarée à la CNIL est toute autre.
Une telle utilisation des données personnelles des salariés pour des finalités étrangères à celles qui ont justifié leur collecte constitue une infraction pénale punie de 5 ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende.
2-) Obligations de déclaration et d’information
Un employeur qui souhaiterait utiliser un dispositif de géolocalisation doit, avant de mettre en œuvre le dispositif, effectuer une déclaration à la CNIL qui s’assurera alors que les principes relatifs à la protection de données à caractère personnel sont bien respectés.
En outre, l’employeur doit procéder à l'information et à la consultation des instances représentatives du personnel.
Il doit également informer ses employés de la mise en œuvre du dispositif de géolocalisation et des informations qui vont être collectées par ce biais.
L’information doit porter sur :
- la ou les finalités poursuivies par le traitement ;
- les catégories de données de localisation traitées ;
- la durée de conservation des données de géolocalisation ;
- les destinataires des données ;
- l’existence d’un droit d’accès et de rectification et d’un droit d’opposition et leurs modalités d’exercice.
En cas de non déclaration du dispositif de géolocalisation préalablement à sa mise en œuvre, l’employeur s’expose à des sanctions pénales et civiles.
En effet, la non-déclaration de traitement à la CNIL est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 300.000 € d’amende.
Sur le plan civil, la non-déclaration rend le dispositif inopposable aux salariés, c’est-à-dire que l’employeur ne pourra utiliser les données collectées contre l’employé.
C’est ainsi que dans un arrêt du 14 septembre 2010 la cour d’appel de Dijon a jugé qu'un licenciement est infondé si l'employeur se sert d'un dispositif de géolocalisation non déclaré à la CNIL, à l'insu des salariés, pour prouver l'utilisation d'un véhicule de service à des fins personnelles (Cour d’appel de Dijon Chambre sociale, 14 septembre 2010).
En l’espèce, un employeur s'était aperçu, grâce au dispositif de géolocalisation installé à bord d'un véhicule de service, qu'un de ses employés utilisait ce véhicule à des fins personnelles et l’avait licencié.
Saisi par le salarié, le conseil des prud'hommes a estimé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse puisque ce dispositif n'avait pas été déclaré à la CNIL et, de plus, le salarié n'avait pas été informé de son installation.
Ce jugement est confirmé par la cour d'appel de Dijon qui a considéré que, la note de service produite par l'employeur pour informer les salariés, était insuffisante puisqu'elle ne mentionnait pas l'existence du dispositif de géolocalisation. Elle a également constaté l'absence de déclaration auprès de la CNIL.
Par conséquent, le dispositif étant illégal, les preuves obtenues par son intermédiaire sont inutilisables.
3-) Nature des informations collectées et durée de conservation
Dans sa déclaration, l’employeur doit préciser les informations qu’il va collecter via le dispositif de géolocalisation.
Ainsi, l’article 3 de la délibération du 16 mars 2006 dispose que les données traitées sont :
- l’identification de l’employé : nom, prénom, coordonnées professionnelles, matricule interne, numéro de plaque d'immatriculation du véhicule ;
- les données relatives aux déplacements des employés : données de localisation issues de l'utilisation d'un dispositif de géolocalisation, historique des déplacements effectués ;
- les données complémentaires associées à l'utilisation du véhicule : vitesse de circulation du véhicule, nombre de kilomètres parcourus, durées d'utilisation du véhicule, temps de conduite, nombre d'arrêts
S’agissant de la durée de conservation, l’employeur ne doit conserver les données collectées que pour la durée nécessaire au traitement, c’est-à-dire le temps dont il en a besoin pour atteindre l’objectif qui a justifié la mise en place du dispositif de géolocalisation.
En principe, la durée de conservation des informations obtenues par la géolocalisation est limitée à 2 mois.
Toutefois, la durée de conservation peut varier en fonction de la nature des informations collectées et de la finalité du traitement.
Ainsi, les données de localisation peuvent être conservées un an lorsqu'elles sont utilisées pour optimiser les tournées ou à des fins de preuve des interventions effectuées, s'il n'est pas possible de rapporter cette preuve par un autre moyen.
Dans le même sens, les données relatives aux horaires effectués peuvent être conservées 5 ans lorsqu'elles sont utilisées pour le suivi du temps de travail.
En outre, si l’employeur rend les données collectées anonymes, de sorte qu’il est impossible d’identifier directement ou indirectement une personne physique, alors la durée de conservation peut être illimitée.
La conservation des données collectées pour une durée supérieure à celle qui a été déclarée est punie de 5 ans d’emprisonnement et 300.000 € d’amende.
4-) Accès aux informations
Pour préserver la sécurité des données collectées dans le cadre du dispositif de géolocalisation, l’employeur doit en limiter l’accès aux personnes habilitées à recevoir et consulter les informations.
Il peut ainsi s’agir, dans la limite de leurs attributions, du service comptable, du service des ressources humaines, ou encore du gérant de l’entreprise.
De même, tout salarié peut demander l’accès aux données de géolocalisation du véhicule qu’il utilise.
En cas de refus, l’employeur peut être condamné à une sanction pécuniaire. C’est ainsi que dans une délibération n°2012-213 du 22 juin 2012, la CNIL a condamné un employeur à une sanction pécuniaire de 10 000 euros pour avoir refusé à l'un de ses salariés de prendre connaissance et de copier des données de géolocalisation du véhicule qu'il utilisait pour ses déplacements professionnels.
Il ressort des développements qui précèdent qu’il est recommandé aux employeurs envisageant de mettre en place un système de géolocalisation et aux salariés concernés par un tel système de bien connaitre les règles entourant la création et l’utilisation des systèmes de géolocalisation, afin de mieux exécuter leurs obligations et faire valoir leurs droits.
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Anthony Bem
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