La plainte simple est l’étape préalable nécessaire pour toute victime d’une infraction à la loi pénale.
Par cet acte elle en informe la justice afin qu’une enquête soit menée et qu'une poursuite devant le tribunal soit réalisée afin d’en sanctionner les auteurs.
Toutefois, la plainte simple ne suffit pas pour permettre à la victime d’être intégralement indemnisée de ses préjudices subis.
En effet, la victime doit obligatoirement « se constituer partie civile » pour devenir partie au procès pénal.
Ce n’est qu’à cette condition procédurale que la victime pourra obtenir réparation.
Ainsi, on dit que l’action civile a deux fonctions en matière pénale :
- mettre en mouvement l’action publique si elle ne l’a pas déjà été par le ministère public,
- permettre aux victimes, qui se sont constituées partie civile, de voir leurs préjudices résultant de l’infraction être intégralement réparés.
Pour obtenir une telle indemnisation, l'article 2 du code de procédure pénale encadre ainsi la recevabilité de l'action civile :
« l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ».
Il en résulte que la reconnaissance du statut de partie civile par le juge pénal est tributaire de plusieurs conditions :
1. l'action en réparation d’un dommage doit tout d'abord résulter d’une infraction à la loi pénale (crime ; délit ; voire contravention) ;
2. l’exigence d’un préjudice directement causé par cette infraction à la loi pénale ;
3. la nécessité de démontrer que la victime a personnellement souffert du dommage causé par l’infraction.
Devant la spécificité de ce type de crime, le contentieux du traitement judiciaire des actes de terrorisme a soulevé la difficulté pour les juges d’apprécier la condition de la causalité directe pour se voir reconnaître le statut de partie civile, c’est-à-dire de personne ayant subie un préjudice causé directement par des infractions de terrorisme.
La reconnaissance du statut de partie civile soulève un enjeu principalement indemnitaire car les victimes d’actes de terrorisme pourront voir leurs préjudices intégralement réparés par le Fonds de Garantie des Victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI).
En effet, le législateur a confié à un organisme de droit public la mission d’indemnisation au titre de la solidarité nationale.
Ainsi, par quatre arrêts du 15 février 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de l’identification des victimes dans les affaires des attentats de Nice du 14 juillet 2016, de Marseille du 1er octobre 2017, et de l’assaut policier de Saint-Denis du 18 novembre 2015.
La cour de cassation a ainsi jugé que :
« Il résulte de ces textes que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale. »
La conception élargie de la notion de victime de la Cour de cassation inclue :
•les personnes qui se sont exposées à des atteintes graves à la personne et ont subi un dommage en cherchant à interrompre un attentat (leur intervention est indissociable de l’acte terroriste) ;
•les personnes qui, se croyant légitimement exposées, se blessent en fuyant un lieu proche d’un attentat (leur fuite est indissociable de l’acte terroriste).
Concrètement, s’agissant de l’attentat de Nice, la constitution de partie civile de victime est possible notamment pour :
•la personne qui a poursuivi le camion engagé sur la promenade des Anglais afin d’en neutraliser le conducteur et qui a subi un traumatisme psychique grave ;
•la personne qui, ayant entendue des cris et coups de feu, s’est blessée en sautant sur la plage, alors qu’elle se trouvait sur la promenade des Anglais, au-delà du point d’arrêt du camion.
S’agissant de l’attentat de Marseille, la constitution de partie civile de victime est possible notamment pour la personne ayant tenté de maîtriser le terroriste qui poignardait une femme sur le parvis de la gare Saint-Charles, et ayant subi un traumatisme psychique important.
Cependant, concernant l'opération policière de Saint-Denis du 18 novembre 2015 qui a consisté à neutraliser les terroristes des attentats du 13 novembe 2015, les locataires, propriétaires et syndicats des copropriétaires des immeubles ayant subis des dommages matériels lors de l'assaut, ainsi que la commune de Saint-Denis, ont été considérés comme irrecevables à se constituer partie civile.
Il n’en demeure pas moins que la conception de la notion de victime pouvant se constituer partie civile devant le juge d’instruction est relativement large pour la Cour de cassation.
Enfin, il convient de souligner que depuis la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le Tribunal judiciaire de Paris s’est vu confier une compétence exclusive pour connaître, en matière civile, de tous les litiges liés à l’indemnisation des préjudices des victimes d’actes de terrorisme.
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Anthony Bem
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