Extension de la procédure d'insolvabilité à une société à l'étranger (avis CJUE du 15.12.2011)

Publié le Modifié le 09/04/2012 Vu 9 515 fois 0
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Le 15 décembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a fixé les conditions d'extension de la procédure d'insolvabilité à une société dont le siège statutaire se trouve dans un autre Etat membre (Affaire SNC Rastelli Davide / Jean-Charles Hidoux, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Médiasucre international, 15 décembre 2011, n° C191/10).

Le 15 décembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a fixé les conditions d'extension de l

Extension de la procédure d'insolvabilité à une société à l'étranger (avis CJUE du 15.12.2011)

La Cour de cassation a demandé à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)  de se prononcer sur une question préjudicielle, au titre de l’article 267 TFUE, sur l’interprétation du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Rastelli à M. Hidoux, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Médiasucre international (ci-après «Médiasucre»), au sujet de l’extension à la première société de la procédure d’insolvabilité ouverte à l’encontre de la seconde.

Le règlement se limite à des «dispositions qui règlent la compétence pour l’ouverture de procédures d’insolvabilité et la prise des décisions qui dérivent directement de la procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement».

L’article 3 du règlement, qui traite de la compétence internationale, dispose:

« 1. Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire [...] »

Selon le règlement « le centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers ».

L’article 4 du règlement, relatif à la loi applicable, prévoit :

«1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte [...] »

En droit français, la procédure de liquidation judiciaire est régie par les articles L. 640-1 et suivants du code de commerce.

Le tribunal compétent pour ouvrir une telle procédure est le tribunal de commerce si le débiteur est commerçant ou est immatriculé au répertoire des métiers. Le tribunal de grande instance est compétent dans les autres cas (article L. 621-2 du code de commerce).

La procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.

À cette fin, le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent.

En l'espèce, le tribunal de commerce de Marseille a mis en liquidation judiciaire la société  Médiasucre et désigné M. Hidoux en qualité de liquidateur judiciaire.

À la suite de ce jugement, M. Hidoux a assigné devant ce même tribunal la société Rastelli, dont le siège statutaire était en Italie, en invoquant la confusion des patrimoines des deux sociétés, et a demandé l’extension à la société Rastelli de la procédure de liquidation ouverte à l’encontre de la société Médiasucre.

Le tribunal de commerce de Marseille s’est déclaré incompétent aux motifs que la société Rastelli avait son siège en Italie et n’avait aucun établissement en France.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence a déclaré le tribunal de commerce de Marseille compétent compte tenu que la demande du liquidateur judiciaire visait non pas l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’encontre de la société Rastelli, mais l’extension à cette société de la liquidation judicaire déjà ouverte à l’encontre de la société Médiasucre et que, en vertu de l’article L. 621-2 du code de commerce, le tribunal compétent pour statuer sur une telle demande d’extension est celui de l’ouverture de la procédure initiale.

Saisie d’un pourvoi formé contre cet arrêt, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

1) Lorsqu’une juridiction d’un État membre ouvre la procédure principale d’insolvabilité d’un débiteur, en retenant que le centre de ses intérêts principaux est situé sur le territoire de cet État, le règlement [...] s’oppose-t-il à l’application par cette juridiction d’une règle de son droit national lui donnant compétence pour étendre la procédure à une société dont le siège statutaire est fixé dans un autre État membre, sur le seul fondement de la constatation d’une confusion des patrimoines du débiteur et de cette société ?

Autrement dit, la cour de cassation a demandé si le règlement doit être interprété en ce sens qu’une juridiction d’un État membre qui a ouvert une procédure principale d’insolvabilité à l’encontre d’une société, en retenant que le centre des intérêts principaux de celle-ci est situé sur le territoire de cet État, peut étendre, en application d’une règle de son droit national, cette procédure à une deuxième société, dont le siège statutaire est situé dans un autre État membre, sur le seul fondement d’une confusion des patrimoines de ces deux sociétés.

2) Si l’action aux fins d’extension doit s’analyser comme l’ouverture d’une nouvelle procédure d’insolvabilité, subordonnée, pour que le juge de l’État membre initialement saisi puisse en connaître, à la démonstration que la société visée par l’extension ait dans cet État le centre de ses intérêts principaux, cette démonstration peut-elle découler du seul constat de la confusion des patrimoines ?

La cour de cassation demande, en substance, si le règlement doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où une société, dont le siège statutaire est situé sur le territoire d’un État membre, est visée par une action tendant à lui étendre les effets d’une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre à l’encontre d’une autre société établie sur le territoire de ce dernier État, la seule constatation de la confusion des patrimoines de ces sociétés suffit à démontrer que le centre des intérêts principaux de la société visée par ladite action se trouve également dans ce dernier État.

Sur les questions préjudicielles, la CJUE a apporté les réponses suivantes :

Sur la première question :

Le règlement ne contient pas de règle de compétence, tant juridictionnelle que législative, se référant expressément à l’extension, au motif d’une confusion des patrimoines, d’une procédure d’insolvabilité ouverte dans un État membre à une société dont le siège statutaire est situé dans un autre État membre.

En effet, en ce qui concerne la compétence juridictionnelle, le règlement ne prévoit que deux critères correspondant à deux types de procédures différentes :

- le centre des intérêts principaux du débiteur, présumé être le lieu du siège statutaire pour une société, donne compétence aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel il est situé pour ouvrir une procédure dite «principale», qui produit des effets universels en ce qu’elle s’applique aux biens du débiteur situés dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable.

- la présence d’un établissement du débiteur permet aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel se trouve ledit établissement d’ouvrir une procédure dite «secondaire» ou «territoriale», dont les effets sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur le territoire de ce dernier État. 

La CJUE a considéré que « une juridiction d’un État membre qui a ouvert une procédure principale d’insolvabilité à l’encontre d’une société, en retenant que le centre des intérêts principaux de celle-ci est situé sur le territoire de cet État, ne peut étendre, en application d’une règle de son droit national, cette procédure à une deuxième société, dont le siège statutaire est situé dans un autre État membre, qu’à la condition qu’il soit démontré que le centre des intérêts principaux de cette dernière se trouve dans le premier État membre ».

Sur la seconde question :

Alors que le règlement ne fournit pas de définition de la notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur, il précise cependant que « le centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers ».

Pour les sociétés, le centre des intérêts principaux est présumé être le lieu du siège statutaire et de l’administration centrale de la société.

Selon la Cour, « il est nécessaire, pour renverser la présomption, qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de la société visée par l’action aux fins d’extension se situe dans l’État membre où a été ouverte la procédure d’insolvabilité initiale ».

Dans ce contexte, les juges nationaux ont la possibilité d'étendre une procédure d’insolvabilité initialement ouverte dans un Etat membre à une autre société située dans l'union européenne lorsque s'y trouve le centre effectif de direction et de contrôle.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
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