En droit pénal, il existe un principe essentiel selon lequel « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait » (article 121-1 du code pénal).
Toutefois, ce principe connaît une application particulière lorsqu’il s’agit des personnes morales et notamment des sociétés.
En effet, en vertu de l’article 121-2 du code pénal, les sociétés peuvent être tenues pénalement responsables des infractions commises par leurs dirigeants, salariés ou représentants, dans l’exercice de leurs fonctions, dès lors que ces actes ont été accomplis pour le compte de la société.
De même, cette responsabilité pénale s’étend aussi aux sociétés absorbantes à la suite d’une fusion-absorption.
A cet égard, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de juger qu’à la suite d’une fusion-absorption, si une société a commis une infraction pénale ou a été condamnée pénalement, elle transfert les conséquences de sa responsabilité ou de sa condamnation pénale à la société absorbante.
Pour cause, une opération de fusion-acquisition entraine la dissolution de la société absorbée et non sa liquidation.
Ainsi, la Cour de cassation a considéré que des sociétés absorbantes peuvent être déclarées responsables pénalement des infractions commises par les sociétés absorbées antérieurement à la fusion-absorption. (Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 novembre 2020, n°18-86-955)
La Haute Cour a justifié sa décision par le fait que, lors d’une opération de fusion-acquisition, l’activité économique d’une société absorbée se poursuit au sein de la société absorbante.
Lors d’une opération de fusion-acquisition, le patrimoine d’une société absorbée est universellement transmis à la société absorbante et les associés de la première deviennent associés de la seconde.
Par conséquent, une société absorbante n’est pas distincte de la société absorbée sur le plan pénale ; de sorte que la première, peut être condamnée pénalement pour des faits constitutifs d'une infraction commise par la seconde, avant l'opération de fusion-absorption.
Récemment, la Cour a encore jugé que les infractions commises avant une opération de fusion-acquisition par une société à responsabilité limitée sont susceptibles de pouvoir entrainer la mise en jeu de la société absorbante. (Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 mai 2024, n°23-83.180).
En l’espèce, une société absorbée a commis des infractions au code de l’urbanisme avant sa fusion-acquisition et la société absorbante a été condamnée par le tribunal correctionnel à une amende et une remise en état des lieux.
Néanmoins, il est intéressant de souligner que, depuis le 25 novembre 2020, en vertu d’une directive du Conseil de l’Europe, seule les peines d'amende et/ou de confiscation peuvent être prononcées ; ce qui limite la portée de la responsabilité pénale des sociétés (directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978, relative à la fusion des sociétés anonymes, codifiée en dernier lieu par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017).
Cependant, ce principe comporte une exception en cas de fraude à la loi, c’est-à-dire lorsque l’opération de fusion-acquisition vise en réalité à tenter de faire échapper la mise en jeu de la responsabilité pénale de la société absorbée.
En cas de fraude à la loi, les juges de la Cour de la cassation appliquent le principe de responsabilité pénale de la société absorbante de manière étendue, puisque les sanctions pénales susceptibles d’être prononcées ne seront plus limitées et, dans ce cas, toute peine encourue peut être prononcée. (Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 avril 2022, n°21-80.653)
En conséquence, il conviendra de retenir que les juridictions pénales ne peuvent pas prononcer de décision de non-lieu fondée sur la dissolution d’une société contre laquelle elles relèvent des charges suffisantes d'avoir commis les faits dont elles sont saisies et, ce, malgré qu’une fusion soit intervenue.
Il conviendra de garder en mémoire que le principe légal de responsabilité pénale personnelle connaît de nombreuses exceptions s’agissant des sociétés.
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Anthony Bem
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