Facebook a pour activité principale de proposer gratuitement un service de réseau social sur internet à des utilisateurs situés dans le monde entier.
Si le service proposé est gratuit pour l’utilisateur, Facebook retire des bénéfices importants de l’exploitation de son activité, via notamment les applications payantes, les ressources publicitaires et le traitement des données à caractère personnel.
En l'espèce, Monsieur X a créé un profil sur Facebook et a accepté les conditions générales qui prévoient une clause attributive de compétence au profit des tribunaux d’Etat et fédéraux situés dans le comté de Santa Clara, en Californie, pour tout litige relatif à l’application du contrat.
Le contrat souscrit entre l’utilisateur du réseau et Facebook se dénomme « contrat d’adhésion » dans la mesure où il n'existe aucune latitude autre que l’acceptation ou le refus.
Or, le profil de Monsieur X a été désactivé par Facebook.
Il lui était principalement reproché d’avoir publié sur son mur une photo de l’œuvre du célèbre peintre Gustave Courbet “l’origine du monde”.
Non content de la désactivation de son profil, l'utilisateur du réseau social a assigné la société Facebook France, établissement français de la société Facebook UK Ltd et Facebook Inc pour obtenir la réactivation de son compte.
Facebook a soulevé l’incompétence de la juridiction française.
Selon Facebook, le tribunal de grande instance de Paris était incompétent pour statuer sur le litige, au profit des juridictions de l’Etat de Californie.
Cependant, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré abusive la clause attributive de compétence au profit des juridictions californiennes prévue dans les conditions générales du contrat souscrit par Monsieur X auprès de Facebook.
Pour les premiers juges, cette clause devait être réputée non écrite et le tribunal de grande instance de Paris s'est déclaré compétent pour connaître du litige introduit par Monsieur X. à l’encontre de la société Facebook.
Facebook a interjeté appel de cette décision.
Le 12 février 2016, la cour d'appel de Paris a jugé que la clause attributive de compétence des CGU de Facebook au juge californien en cas de contentieux était inopposable à ses utilisateurs en France. (Cour d’appel de Paris, Pôle 2 - Chambre 2, arrêt du 12 février 2016)
En effet, le règlement européen CE n°44/2001, du 22 décembre 2000, prévoit notamment que l’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié.
De plus, l’article L132-1 du code de la consommation dispose que :
« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la commission instituée à l’article L. 534-1, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse. Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa. Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.
Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre. Les clauses abusives sont réputées non écrites. L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses. Les dispositions du présent article sont d’ordre public ».
Or, l’article R 132-2 du code de la consommation présume abusives les clauses ayant pour objet de « supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur ».
Ainsi, le juge a relevé que :
- La clause attributive de compétence de Facebook obligeait le souscripteur, en cas de conflit avec la société, à saisir une juridiction particulièrement lointaine et à engager des frais sans aucune proportion avec l’enjeu économique du contrat souscrit pour des besoins personnels ou familiaux de sorte que les difficultés pratiques et le coût d’accès aux juridictions californiennes sont de nature à dissuader le consommateur d’exercer toute action devant les juridictions concernant l’application du contrat et à le priver de tout recours à l’encontre de la société Facebook Inc ;
- La société Facebook Inc a une agence en France et dispose de ressources financières et humaines qui lui permettent d’assurer sans difficulté sa représentation et sa défense devant les juridictions françaises.
Ainsi, les juges ont estimé que :
- Le contrat souscrit avec Facebook est un contrat de consommation soumis à la législation sur les clauses abusives de sorte que l'utilisateur doit avoir le choix de saisir le tribunal de son lieu de domicile qui est situé à Paris;
- La clause attributive de compétence au profit des juridictions californiennes contenue dans le contrat a pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et de créer une entrave sérieuse pour un utilisateur français à l’exercice de son action en justice.
Cette décision est intéressante tant s’agissant de la question de la validité de clause attributive de compétence au profit des tribunaux du comté de Santa Clara en Californie, figurant dans les conditions générales de Facebook, que de celle de la compétence du juge français en matière de litiges sur Internet et plus particulièrement avec les réseaux sociaux.
Il en résulte, de manière générale, que les juridictions étrangères sont incompétentes pour connaître de manière systématique des litiges avec les utilisateurs et, ce, même si la clause de compétence territoriale des conditions générales d'utilisation acceptées par ces derniers leur attribueraient expressément compétence.
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Anthony Bem
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