La société Facebook Inc, société de droit américain, offre les services d’un réseau social sur internet via son site www.facebook.com.
Ce service permet à tout internaute d’ouvrir un compte d’utilisateur “Facebook” et de créer un profil pour entrer des informations personnelles et interagir avec d’autres utilisateurs de ce réseau social, mais aussi d’avoir accès à des applications tierces payantes.
Une question est souvent posée s'agissant de la responsabilité du réseau social Facebook : est-il poursuivrable en France devant les juges français.
Le 22 octobre 2010, un de mes articles titrait : Facebook assignable en France.
Outre que les options de confidentialité ne suffisent pas à protéger les droits personnels des internautes, tout ce qui est diffusé sur Facebook se retrouve automatiquement en première position des résultats d’une recherche effectuée sur Google, des usurpations d'identité malignes via des faux profils y sont créées, etc ...
Par ailleurs, une quantité importante d'informations personnelles est susceptible d'être communiquée via Facebook.
Or, contrairement à une idée reçue la société Facebook pourrait parfaitement être assignée en France pour mettre en jeu sa responsabilité.
En effet, il a déjà été jugé à plusieurs reprises qu’une société étrangère puisse valablement être assignée en France au titre des contenus mis en ligne sur internet à partir du moment où un préjudice est subi en France.
Ainsi, en présence d’une faute de nature civile sur le site de Facebook ou par Facebook, il est possible d’assigner la société mère américaine en France devant les juges français.
L'affaire jugée, le 23 mars 2012, par la cour d'appel de Pau apporte la confirmation de ce que « la clause attributive de compétence aux tribunaux de Californie contenue dans les conditions générales d’utilisation du site internet Facebook opposée par la société Facebook Inc. » est réputée « non écrite » c'est-à-dire inapplicable.
En l'espèce, M. Sébastien R. s’est inscrit sur le site Facebook mais a vu ses deux comptes utilisateur clôturés et désactivés de façon brutale et injustifiée ce qui l’a empêché d’exercer ses droits liés à l’accès et à la modification des informations personnelles.
Estimant avoir subi un préjudice suite à cette fermeture abusive, il a saisi la juridiction de proximité de Bayonne afin d’obtenir notamment :
- Le paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;
- La réactivation immédiate et intégrale de ses deux comptes personnels et ce sous astreinte ;
- La communication et la restitution de l’ensemble des informations, messages personnels, données, œuvres de l’esprit et documents à caractère personnel dont il disposait dans le cadre de l’utilisation de ses deux comptes ;
Facebook Inc a opposé l’incompétence de la juridiction de proximité au profit de la juridiction arbitrale et, à défaut, au profit des juridictions compétentes de l’Etat de Californie (USA).
Par jugement du 18 octobre 2011, le juge d’instance a fait droit à l’exception d’incompétence soulevée par Facebook et renvoyé M. Sébastien R. à mieux se pourvoir.
Mais ce jugement a été infirmé par la cour d'appel de Pau.
En effet, pour ouvrir un compte utilisateur chaque internaute doit accepter les conditions d’utilisation de la société Facebook dont la version anglaise était seule disponible à la date d’inscription de M. Sébastien R.
Il s’agit d’un contrat d’adhésion dans la mesure où les conditions en sont dictées par la société Facebook qui met à disposition des utilisateurs de son site les services d’un réseau social.
L’utilisateur a librement le choix d’adhérer au contrat en acceptant les conditions générales soit de ne pas y adhérer s’il n’entend pas s’y soumettre.
Ces conditions générales prévoient :
« Loi applicable : attribution de juridiction
En visitant ou en utilisant le site et/ou les services, vous acceptez, que la loi du Delaware sans considération des principes de conflit de loi, régisse ces conditions d’utilisation ainsi que tout litige de toute nature qui pourrait survenir entre vous et la société ou l’une quelconque de ses affiliées. En ce qui concerne les litiges ou plaintes qui ne sont pas sujet à arbitrage (voir ci-après), vous acceptez de ne pas engager d’action ailleurs que devant les tribunaux de Californie (Etats-Unis) et vous consentez par la présente à la compétence des tribunaux de Californie. Vous renoncez également à toute défense basée sur la compétence personnelle et le forum non conveniens ».
Les clauses prorogeant la compétence internationale sont en principe licites lorsqu’elles sont invoquées dans un litige à caractère international.
Mais elles ne sont opposables qu’à la partie qui en a eu connaissance et qui l’a acceptée au moment de la formation du contrat.
En effet, en application de l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite si elle n’est pas spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.
Pour ce faire, les juges ont vérifié si l’utilisateur qui traite avec la société Facebook s’est engagé en pleine connaissance de cause.
Selon la cour d’appel :
« Il apparaît à la lecture des conditions générales d’utilisation du site, que les dispositions spécifiques relatives à la clause attributive de compétence à une juridiction des Etats Unis est noyée dans de très nombreuses dispositions dont aucune n’est numérotée.
Elle est en petits caractères et ne se distingue pas des autres stipulations.
Elle arrive au terme d’une lecture complexe de douze pages format A4 pour la version papier remise à la cour et la prise de connaissance de ces conditions peut être encore plus difficile sur un écran d’ordinateur ou de téléphone portable, pour un internaute français de compétence moyenne.
En outre, il suffit d’une simple et unique manipulation lors de l’accès au site (clic) et non d’une signature électronique pour que le consentement de l’utilisateur soit considéré comme acquis ce qui suppose que l’attention de celui-ci soit particulièrement attirée sur la clause dont se prévaut la société Facebook ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque lors de cette manipulation la clause n’est pas facilement identifiable et lisible.
Enfin, au moment de l’inscription de M. Sébastien R., ces conditions générales n’existaient que dans une version en anglais et la société Facebook ne démontre pas contrairement à ce qu’elle prétend, que celui-ci maîtrisait cette langue.
Dès lors, il ne peut être considéré qu’il s’est engagé en pleine connaissance de cause et la clause attributive de compétence doit être réputée non écrite».
Bien que les conditions générales du réseau social aient été modifiées et rédigées en un français approximatif, la compétence de la juridiction du tribunal californien a été conservée.
Cependant, dans le cadre d’un litige initié par un français à son encontre afin de tenter de mettre en jeu sa responsabilité en qualité d’éditeur de site internet et à la lumière de ce qui précède, Facebook ne pourrait pas valablement s’en prévaloir.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
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Anthony Bem
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