Une question est devenue d'actualité : un employeur peut-il sanctionner un salarié pour des propos injurieux, diffamants ou dénigrants diffusés sur la Toile et plus particulièrement sur Facebook ?
Pour mémoire, Facebook c'est 20.000.0000 de membres en France et 500.000.000 dans le monde, c'est aussi des applications permettant l'identification, la géolocalisation et la communication entre ses membres d'une part mais aussi avec tout l'internet puisque les pages publiques sont accessibles depuis les résultats de requêtes sur Google.
De manière explicite et pédagogue la Cour d'appel de Reims a posé le principe selon lequel les messages sur les « murs » de Facebook ont un caractère privé et public :
« Nul ne peut ignorer que Facebook, qui est un réseau accessible par connexion internet, ne garantie pas toujours la confidentialité nécessaire … le mur s'apparente à un forum de discussion qui peut être limité à certaines personnes ou non et en mettant un message sur le mur d'une autre personne dénommée « ami », il s'expose à ce que cette personne ait des centaines d' « amis » ou n'ait pas bloqué les accès à son profil et que tout individu inscrit sur Facebook puisse accéder librement à ces informations (coordonnées, mur, messages, photos) ; que dans ces conditions, contrairement à ce qu'avance le salarié, il ne s'agit pas d'une atteinte à la sphère privée au regard de tous les individus, amis ou non qui peuvent voir le profil d'une personne et accéder à son mur et aux messages qu'elle écrit ou qui lui sont adressés ».
A contrario, un profil dont les paramètres de confidentialité de Facebook ont été configurés en mode privé confèrerait un caractère privé au contenus présents sur le mur de ce profil de sorte que toute utilisation des éventuels propos de ce profil privé par un tiers constituerait une atteinte à la sphère privée voir même au secret des correspondances.
En effet, la jurisprudence considère traditionnellement que la correspondance privée se définit comme un message diffusé par une personne à une autre personne identifiée ou diffusé dans le cadre d'une communauté d'intérêt, autrement dit un groupe de personnes qui ont été choisies.
En l’espèce, on pourrait valablement considérer que les « amis » d’une personne sur Facebook appartiennent à sa communauté d'intérêt : son groupe d’'amis' Facebook.
Or, aucun lien ni aucune communauté d'intérêt n’existe entre un internaute membre de Facebook et les amis de ses amis.
Juridiquement, s’agissant de Facebook et des réseaux sociaux, il n’est pas évident de soutenir qu’un 'ami' d’'ami' est votre ami, qu’il dépend de sa propre communauté d'intérêt, surtout si l'on ne contrôle pas le groupe de personnes susceptible d’y avoir accès.
Dans ce contexte, la diffusion d'un message sur le mur Facebook d’un tiers ou un forum ouvert sera certainement jugée comme une correspondance publique et non une correspondance privée.
La Cour d’appel de Reims a ainsi jugé que :
« La violation d'une correspondance privée suppose qu'un échange écrit ne puisse être lu par une personne à laquelle il n'est pas destiné, sans que soit utilisé des moyens déloyaux ; qu'en l'espèce, non seulement, il n'est pas établi que Melle B. ait bloqué l'accès à son profil et donc à son « mur » au moment des faits litigieux, mais surtout, si Monsieur A. voulait envoyer un message privé non accessible à d'autres personnes que le destinataire ou quelques amis choisis, il pouvait utiliser la boîte mail individuelle de Facebook, ce qu'il n'a pas fait ; qu'il n'y a donc pas de violation de la correspondance privée »
Ainsi, pour les juges, la publication d'un message sur le mur d'un « ami » Facebook pourrait ne pas relever d'une correspondance privée notamment si le profil n’est pas protégé dans ses paramètres de confidentialité ou si « des centaines d' 'amis' » sont susceptibles de lire ce mur.
Enfin, dans la droite lignée de cette décision, à l'avenir, en cas de procès, il sera nécessaire de faire établir par voie d'huissier de justice le caractère privé ou public des propos litigieux selon que les paramètres de confidentialité du profil Facebook de la personne concernée aient été activés en mode privé ou non et ainsi ne courrir aucun risque procédural.
Les employeurs devront ainsi, comme les victimes d'atteintes à leur réputation sur Internet, respecter les règles jurisprudentielles applicables à la preuve sur Internet, ce qui n'a pas été pratiqué dans les affaires Alten ou celle de la Cour d'appel de Reims.
Le droit du travail est un droit protéiforme qui emprunte déjà aux règles du droit de l'Internet, bien que, dans les affaires récentes de licenciement, les avocats des salariés n'aient pas encore utilisé ces armes pour défendre leurs clients, de manière regrettable et préjudiciable pour ces derniers.
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Anthony Bem
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