Le 18 mars 2014, la Cour de cassation a jugé que la banque qui rompt son concours de prêt ou le crédit d'un client doit lui notifier préalablement sa décision de rupture par écrit, sauf à engager sa responsabilité et même en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou lorsque la situation de ce dernier s’avère irrémédiablement compromise. (Cass, com., 18 mars 2014, N° de pourvoi: 12-29583).
En l'espèce, une personne s'est rendue caution des sommes dues au titre du solde du compte courant ouvert par sa société auprès de la banque Crédit Mutuel.
Par la suite, la banque a rompu ses concours et a assigné en paiement la caution.
La caution lui a reproché d’avoir mis un terme à son concours bancaire de manière brutale et a recherché sa responsabilité.
En effet, pour mémoire, l'article L. 313-12 du code monétaire et financier dispose que :
« Tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l’établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l’entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. L’établissement de crédit ou la société de financement ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d’autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.
L’établissement de crédit ou la société de financement n’est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise.
Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l’établissement de crédit ou de la société de financement ».
Sur le fondement de cette disposition, la banque croyait pouvoir valablement justifier ne pas avoir accordé de préavis pour la rupture de son concours en invoquant que la société était dans une situation irrémédiablement compromise.
La cour d'appel a considéré que malgré l'absence d'envoi d'une mise en demeure par la banque à la société, celle-ci se trouvait en situation irrémédiablement compromise de sorte qu'aucune rupture brutale de ses concours ne pouvait être reprochée à la banque.
Les juges d'appel ont donc estimé que l'arrêt des concours en compte courant ne caractérisait pas une rupture abusive au sens de l'article précité et ont rejeté la demande de dommages-intérêts de la caution.
Toutefois, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel estimant que, malgré l'existence d'une situation irrémédiablement compromise, l'arrêt des concours en compte courant de la banque sans notification préalable et écrite caractérisait une rupture abusive, de sorte que des dommages-intérêts devaient être alloués à la caution.
La haute cour a ainsi posé le principe selon lequel :
«s’il résulte du premier de ces textes [l'article L. 313-12 du code monétaire et financier] qu’en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou lorsque la situation de ce dernier s’avère irrémédiablement compromise, la banque est dispensée de respecter un préavis avant d’interrompre son concours, elle n’en reste pas moins tenue, même dans ces cas, de notifier préalablement par écrit sa décision »
Par conséquent, l'arrêt du concours en compte courant de la banque doit toujours respecter un préavis, à la fois pour les concours occasionnels ou en cas de situation irrémédiablement compromise.
En cas de contentieux, il appartient à la banque de rapporter la preuve du respect de son obligation de notification préalable et par écrit de sa décision de rupture.
A défaut, le manquement à cette obligation autonome de notification écrite préalable permet de caractériser une rupture abusive de crédit et à engager le cas échéant la responsabilité de la banque.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
01 40 26 25 01
abem@cabinetbem.com