En l’espèce, la société le Partenaire Européen met en relation les particuliers qui souhaitent vendre ou acquérir un bien, principalement depuis son site internet.
Cette société a constaté la présence de nombreux messages lui portant atteinte sur plusieurs forums de discussions.
La société le Partenaire Européen a donc déposé une requête en justice afin de connaitre la provenance de ces messages de dénigrement.
Au terme de son enquête, la société le Partenaire Européen a pu établir que les messages dénigrants émanaient pour la plupart de Monsieur Thomas C. qui se trouve être le cogérant de la société AK associés, à savoir son concurrent direct sur Internet.
Dans ce contexte, la société le Partenaire Européen a assigné la société AK associés devant le tribunal de commerce de Montpellier pour obtenir une condamnation à l'indemnisation des préjudices subis du fait des actes de concurrence déloyale commis.
Le tribunal a bien jugé que « la société AK associés a fait acte de concurrence déloyale par dénigrement ».
Cependant, compte tenu que la société « le Partenaire Européen n'apporte aucun document attestant de la perte de clientèle … que l'image de marque du Partenaire Européen est entachée par les articles de l'UFC que choisir qui exposent les dysfonctionnements du Partenaire Européen et font état de mécontentements des clients du Partenaire Européen … le Partenaire Européen ne peut prétendre que seuls les messages de M. C. ont terni sa réputation ; qu'en conséquence il ne sera accordé aucun dommage et intérêt pour préjudice matériel et moral ».
En d’autres termes, la société Le Partenaire Européen aurait du rapporter la preuve que des particuliers qui souhaitent vendre ou acquérir un bien par le biais de son site Internet n’ont pas utilisés ses services à cause des messages dénigrants de Monsieur Thomas C.
Les juges mettent donc la société Le Partenaire Européen dans l’obligation de faire réaliser une enquête auprès des internautes consistant à savoir quels sont ceux qui n’ont pas utilisé ses services à cause des messages dénigrants de Monsieur Thomas C.
Or, il s’agit d’une enquête impossible à réaliser pour plusieurs raisons :
- D’une part, la société victime n’a pas à se faire le relai de commentaires négatifs et dénigrants pour obtenir justement l’indemnisation de leur diffusion abusive et illicite.
- D’autre part, la société victime n’a pas forcément les moyens techniques et financiers pour réaliser une telle enquête.
- Enfin et surtout, ce type d’enquête n’existe tout simplement pas à l’heure actuelle et a peu de chance d’exister un jour. En effet, quelle société demandera la réalisation d’une enquête consistant à demander aux internautes quels sont ceux qui n’ont pas acheté via leur site internet ou lesquels n’ont pas utilisés leurs services à cause de tels ou tels commentaires ou avis dénigrants laissés sur la Toile par leur concurrent direct ?
Par ailleurs, cette décision se place à contre courant avec la jurisprudence actuelle relative à la sanction et à la réparation des actes de concurrence déloyale.
En effet, s'agissant du préjudice subséquent à un acte de concurrence déloyale, la jurisprudence a déjà considéré qu'il s'agit une perte de clientèle et de bénéfices, ou perte de «contrats », se traduisant par une baisse de chiffre d'affaires, et pouvant même aller jusqu'à la perte d'une partie de la valeur patrimoniale d'une entreprise (Cass. Com. 20 février 1996).
Or, si le préjudice doit en principe être certain, la jurisprudence tend à admettre le préjudice éventuel.
Ainsi, la preuve d'un préjudice chiffré n'est pas nécessaire pour voir la demande accueillie.
En outre, le préjudice moral est admis lorsqu'une atteinte est portée à l'image ou à l'enseigne de la marque.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a d'ailleurs jugé en matière d'indemnisation d'actes de concurrence déloyale que la preuve de la faute emporte celle du préjudice en posant le principe selon lequel « dès lors que la faute était constituée, le préjudice, fût-il seulement moral, devait recevoir réparation . » (Cass. com., 9 février 1993).
Après information prise avec le principal concerné : Monsieur Thomas C., il apparaît que les juges ont "jugé" en équité.
En effet, les juges ont pris en compte des éléments de fait qui ont joué en défaveur de la société Le Partenaire Européen, victime, à savoir que :
- il s’agissait de 6 messages négatifs parmi des centaines de messages de mécontentement présents sur des dizaines de sites Internet ou forums ,
- une enquête de l’association UFC a été ouverte concernant la société Le Partenaire Européen,
- cette dernière aurait été référencée sur Google avec les mots clés "Arnaque Partenaire européen",
- cette société se référençait elle même pour faire descendre les commentaires négatifs des résultats de Google,
- la victime avait sollicité dans un premier temps (amiablement) la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice, puis dans un second temps (devant les juges) la somme de 50.000 € sans justification.
Précisions importantes faisant de cette décision un cas d’espèce ne pouvant servir de fondement jurisprudentiel pour l’indemnisation de ce type de contentieux.
En tout état de cause, il me semble que les juges auraient pu allouer au moins des dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi du seul fait de la diffusion dénigrante de faux avis par un concurrent sur Internet, quitte à le fixer à l'euro symbolique, en équité, compte tenu des faits de la présente affaire.
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Anthony Bem
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