Le 15 avril 2011, la loi réformant la garde à vue a été publiée au Journal officiel.
Par quatre arrêts du 31 mai 2011, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé des arrêts d’appel qui ont rejeté des demandes d’annulation des gardes à vue qui se sont déroulées, sans l’assistance d’un avocat, avant le 15 avril 2011, date d’application effective de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue (Cass. Crim. 31 mai 2011, n °10-88809, 11-81412, 10-88293, 10-80034).
En l'espèce, Monsieur X à été poursuivi pour des infractions à la législation sur les stupéfiants en bande organisée, association de malfaiteurs et blanchiment.
En effet, le juge d'instruction en charge de l'information a transmis au procureur de la République la copie de pièces faisant apparaître des faits dont il n'était pas saisi.
À la suite de cette transmission, le procureur de la République a fait diligenter une enquête.
Au cours de cette enquête, le juge des libertés et de la détention a autorisé plusieurs interceptions de correspondances téléphoniques.
En outre, les officiers de police judiciaire se sont transportés aux fins de perquisition de domicile.
A l'issue de l'enquête, Monsieur X a été mis en examen.
Il a formulé une demande d'annulation des procès-verbaux d'écoutes téléphoniques relatifs aux autorisations délivrées par le juge des libertés et de la détention ainsi que tous les actes ultérieurs qui se trouvent dans un lien de dépendance avec eux auprès de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, compétente en la matière et dans son cas.
Cependant, celle-ci a refusé de prononcer la nullité de ces actes de procédures.
Pour mémoire, l’article 6-III de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que :
« Tout accusé a droit notamment à :
- être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
- disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
- se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
- interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
- se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »
De plus, l’article 63-4 du code de procédure pénale dispose que :
« Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.
Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.
L'avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. Il est informé par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.
A l'issue de l'entretien dont la durée ne peut excéder trente minutes, l'avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.
L'avocat ne peut faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue.
Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut également demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la prolongation, dans les conditions et selon les modalités prévues aux alinéas précédents.
Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 4°, 6°, 7°, 8° et 15° de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de quarante-huit heures. Si elle est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 3° et 11° du même article, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures. Le procureur de la République est avisé de la qualification des faits retenue par les enquêteurs dès qu'il est informé par ces derniers du placement en garde à vue »
Enfin, l’article 77 du code de procédure pénale dispose que :
« Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.
Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.
L'avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. Il est informé par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.
A l'issue de l'entretien dont la durée ne peut excéder trente minutes, l'avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.
L'avocat ne peut faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue.
Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut également demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la prolongation, dans les conditions et selon les modalités prévues aux alinéas précédents.
Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 4°, 6°, 7°, 8° et 15° de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de quarante-huit heures. Si elle est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 3° et 11° du même article, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures. Le procureur de la République est avisé de la qualification des faits retenue par les enquêteurs dès qu'il est informé par ces derniers du placement en garde à vue. »
La chambre criminelle de la cour de cassation relève que la personne a :
- été placée en garde à vue à compter de son interpellation, pour une durée de 24 heures, qui pourrait éventuellement être prolongée de 24 heures,
- été informée des articles 63-1 à 63-4 et 706-88 du code de procédure pénale,
- déclaré qu'elle ne voulait pas aviser une tierce personne de la mesure de garde à vue dont elle faisait l'objet,
- déclaré qu'elle ne désirait pas faire l'objet d'un examen médical,
- déclaré qu'elle prenait acte de ce qu'elle pourrait solliciter un examen médical en cas de première prolongation, du droit de ce qu'elle serait de droit examinée par un médecin désigné en cas de prolongation supplémentaire et qu'elle pourrait solliciter un autre examen médical à tout moment,
- été informée de ce qu'elle pouvait bénéficier du droit à s'entretenir avec un avocat à l'issue de la soixante douzième heure de la mesure,
- répondu qu'elle voulait être assistée par un avocat commis d'office
- été informée de la première prolongation de sa garde à vue décidée par le magistrat instructeur en ces termes : « Lui notifions, en langue française, qu'elle comprend, que pour les nécessités de l'enquête, et au vu de l'existence d'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction à la législation sur les stupéfiants, sur notre demande et après autorisation écrite de Mme Goetzmann, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris, la mesure de garde à vue prise à son encontre ce jour le dix-neuf août deux mille huit à 6 heures 40, est prolongée d'un nouveau délai de 24 h 00 à compter du 20 août 2008 à 6 heures 40 »
- été informée des droits mentionnés à l'article 63-3 du code de procédure pénale et n’a pas souhaité être examinée par un médecin ;
- été informée de la seconde prolongation de sa garde à vue décidée par le magistrat instructeur en ces termes : « Lui notifions, en langue française, qu'elle comprend, que pour les nécessités de l'enquête, et après sa présentation, sur requête de Mme Goetzmann, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris, ce magistrat nous a délivré une autorisation écrite de prolongation de garde à vue d'un nouveau délai de quarante-huit heures ; que cette mesure prend effet à compter du 21 août 2008 à 6 heures 40 »
- à nouveau, été informée des articles 63-1 à 63-4 et 706-88 du code de procédure pénale,
- été informée de la fin de sa garde à vue intervenue à 10 heures 40, en vue de sa présentation devant le magistrat instructeur, son conseil désigné a été régulièrement avisé le 21 août 2008 à 16 heures 45, mais ne s'est pas présenté comme invité à le faire à l'issue de la 72ème heure soit à compter du 22 août 2008 à 6 heures 40 ;
Dans ce contexte, la haute cour a jugé que :
« si le procès-verbal de la première prolongation de garde à vue en date du 19 août 2008 à 18 heures 40 ne mentionne pas le rappel du droit à bénéficier de l'assistance d'un conseil à l'issue de la 72eme heure, qui avait été notifié lors du placement en garde à vue et qui a été rappelé lors de la deuxième prolongation de la mesure coercitive en vertu du procès-verbal en date du 20 août à 21 heures 30, le procès-verbal récapitulatif du déroulement de la garde à vue et de notification de la fin de la mesure, tel que décrit intégralement ci-avant, énonce notamment que les droits des articles 63-1 à 63-4 du code de procédure pénale ont bien été notifiés ; selon la cote D 950/2 devenue D 1729/62, les enquêteurs ont régulièrement avisé Me B d'avoir à se présenter au service de police à compter du 22 août 2008 à compter de 6 heures 40 ; aucune atteinte n'a été portée aux droits de Mme Y puisque elle a été utilement informée du droit et qu'il a été régulièrement mis à exécution par les enquêteurs ; la chambre n'a relevé aucune cause de nullité jusqu'à la cote D 17343.
M. X ne démontre pas en quoi l'irrégularité de la garde à vue de Mme Y... qu'il allègue, prise du défaut de notification à celle-ci, lors de la première prolongation de cette mesure, de son droit à l'assistance d'un avocat, a porté atteinte à ses intérêts dès lors que l'intéressée, informée de ce droit dès son placement en garde à vue, avait déclaré vouloir en bénéficier et que, cette assistance ne pouvant être mise en œuvre légalement qu'à partir de la soixante douzième heure, cet élément est indifférent au contenu des déclarations, faites antérieurement, par lesquelles Mme Ya mis en cause le demandeur ;
Enfin, malgré que le 31 mai 2011 les juges de cassation aient accepté d’annuler des retenues douanières et des gardes à vue intervenues avant le 15 avril 2011, date d’entrée en vigueur de la loi portant réforme de la garde à vue, intervenues sans notification du droit de se taire et sans assistance effective et immédiate d’un défenseur, ils ont jugé le 27 septembre 2011 que l’évolution de la jurisprudence ne permet pas la saisine de la chambre de l'instruction d'un moyen de nullité des auditions en garde à vue.
Par conséquent, les demandes d’annulation de gardes à vue antérieures à la loi portant réforme de la garde à vue, suppose de se conformer aux dispositions des articles 173-1 et 174 du code de procédure pénale.
Pour mémoire, l'article 173-1 de ce code dispose que :
« Sous peine d'irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, sauf dans le cas où elle n'aurait pu les connaître. Il en est de même s'agissant des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun de ses interrogatoires ultérieurs.
Il en est de même pour le témoin assisté à compter de sa première audition puis de ses auditions ultérieures.
Il en est de même pour la partie civile à compter de sa première audition puis de ses auditions ultérieures. »
L’article 174 de ce code dispose que :
« Lorsque la chambre de l'instruction est saisie sur le fondement de l'article 173 ou de l'article 221-3, tous moyens pris de nullité de la procédure qui lui est transmise doivent, sans préjudice du droit qui lui appartient de les relever d'office, lui être proposés. À défaut, les parties ne sont plus recevables à en faire état, sauf le cas où elles n'auraient pu les connaître.
La chambre de l'instruction décide si l'annulation doit être limitée à tout ou partie des actes ou pièces de la procédure viciée ou s'étendre à tout ou partie de la procédure ultérieure et procède comme il est dit au troisième alinéa de l'article 206.
Les actes ou pièces annulés sont retirés du dossier d'information et classés au greffe de la cour d'appel. Les actes ou pièces de la procédure partiellement annulés sont cancellés après qu'a été établie une copie certifiée conforme à l'original, qui est classée au greffe de la cour d'appel. Il est interdit de tirer des actes et des pièces ou parties d'actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties, à peine de poursuites disciplinaires pour les avocats et les magistrats. »
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En conclusion, toutes les personnes mises en cause pénalement mais non assistés par un avocat durant leur garde à vue pourront solliciter la nullité des procès verbaux d’audition réalisés en garde à vue, dans les six mois à compter de la notification de leur mise en examen, ou devant le tribunal correctionnel à défaut d’instruction.
Dans ces conditions, les avocats peuvent obtenir l’annulation des procès verbaux de garde à vue et des actes postérieurs fondés sur les aveux obtenus, voir même obtenir l'annulation de l’intégralité de la procédure si ce sont les déclarations recueillies pendant la garde à vue qui ont servi de fondement aux poursuites pénales.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
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Anthony Bem
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