Pour mémoire, l’article 1849, alinéa 1er, du code civil dispose que :
« Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social. »
Les décisions, qui n’entrent pas dans l’objet social excèdent les pouvoirs du gérant et doivent alors être prises selon les dispositions statutaires ou, en l'absence de telles dispositions, à l'unanimité des associés.
Ainsi, lorsque se pose la question de la validité d’un acte accompli par un gérant en dehors de l’objet social, il convient d’emblée de se référer aux statuts.
A titre d’exemple, la Cour de cassation a donné gain de cause à un associé qui demandait l’annulation de la vente d’un appartement par le gérant d’une société civile immobilière (SCI), en considérant que cette vente n’était pas prévue par les statuts car ceux-ci limitaient l’objet social de la SCI à "l'acquisition, la gestion et l'administration de tous biens mobiliers ou immobiliers,…". (Cass. Civ. 3ème, 23 octobre 2013, n° 12-22720)
Cependant, les statuts peuvent donner tous les pouvoirs au gérant d'une SCI au point de lui permettre d’engager la SCI, de sa propre initiative et sans autorisation des autres associés, dans une opération pouvant aboutir à la vente du seul élément d’actif de la société.
Telle est la solution qui a été retenue par la Cour de cassation dans un arrêt du 12 février 2013. (Cass. Civ. 3, 12 février 2013, n° 11-20570)
En l’espèce, le gérant d'une société civile immobilière (SCI) avait fait signifier un congé de reprise au locataire pour vente de l'immeuble appartenant à la société.
N'ayant pas accepté l'offre, ni quitté les lieux, la locataire a été assignée aux fins notamment de voir ordonner son expulsion.
La cour d’appel a rejeté cette action car :
- le congé comportant offre de vente constituait un acte de disposition de sorte que le gérant aurait dû préalablement obtenir l'autorisation des associés,
- l'immeuble en cause constituant le seul actif de la société dont la vente excédait les pouvoirs reconnus au gérant d'une société civile.
Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel compte tenu du fait que dans le « paragraphe "Pouvoir des gérants", les statuts de la SCI stipulaient que "de convention expresse, ne nécessiteront pas l'autorisation des associés, les achats, les ventes, l'apport ou l'échange d'immeubles" ».
En d’autres termes, le congé de reprise pour vente signifié à un locataire par le gérant d’une société civile immobilière (SCI) est valable, dès lors que les statuts de cette SCI prévoient expressément que le gérant a le pouvoir d’engager la société sans autorisation des associés pour toutes les décisions ayant trait aux achats, ventes, apport ou échange d’immeubles.
Il est à noter qu’une solution quelque peu similaire a été retenue par la Cour de cassation dans un arrêt du 31 janvier 2012 qui a estimé que le gérant d’une société a responsabilité limitée (SARL) pouvait céder seul un fonds de commerce appartenant à la société, dès lors que cette cession ne rend pas nécessaire une modification des statuts. (Cass. Com., 31 janvier 2012, n° 10-15489)
Il en résulte donc que le gérant d’une société peut vendre seul un élément d’actif essentiel de la société sans l’autorisation des associés, dès lors que les statuts le lui permettent.
Autrement dit, les pouvoirs du gérant n’ont de limites que celles prévues par les statuts, d’où l’importance de bien rédiger ceux-ci et de veiller éventuellement à ce qu’ils n’accordent pas des pouvoirs illimités au gérant, au détriment des droits des autres associés.
Pour ce faire, il est possible de limiter les pouvoirs du gérant, en exigeant par exemple une autorisation des associés pour certains actes tels que la vente d’un immeuble ou d’un fonds de commerce appartenant à la société.
Il convient toutefois de souligner qu’une telle limitation de pouvoirs n’est valable que dans les rapports internes à la société, c’est-à-dire entre les associés et le gérant, mais pas envers les tiers. (Cass. Civ. III, 24 janvier 2001, n° 99-12.841)
Pour conclure, il convient de garder en mémoire qu’il est recommandé d’être vigilant quant à la rédaction des statuts d’une société, d’où l’importance d’être assisté d’un avocat spécialisé en droit des sociétés afin d’éviter les risques pouvant résulter d’une formulation trop restrictive ou trop large de l’objet social de la société ou l’octroi de pouvoirs illimités au gérant.
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Anthony Bem
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