Le référencement et le positionnement des marques, produits et services des annonceurs sur Internet sont essentiels pour de nombreuses sociétés dont la toile est devenue le fonds de commerce ou tout au moins leur vitrine de communication, de publicité et de vente.
Ainsi, certains annonceurs « parasites » choisissent volontairement dans le cadre de leur campagne de publicité AdWords de Google le nom de leur concurrent comme mots-clés afin de leur permettre d’avoir une visibilité supplémentaire sur Internet et d’apparaitre en première position dès qu’un internaute tapera le nom de leur concurrent.
Avant 2010, afin de limiter cette pratique parasitaire, la jurisprudence retenait majoritairement la responsabilité des annonceurs.
En général, la responsabilité du fournisseur du service de référencement (Google) était aussi retenue aux cotés de celle de l’annonceur.
Cette jurisprudence avait conduit les fournisseurs de services de référencement à proposer aux titulaires de marque une faculté de notification permettant de bloquer la réservation d’un signe correspondant à une marque afin d’empêcher le déclenchement d’annonces concurrentes à partir de ce signe.
Cependant, dans un arrêt du 23 mars 2010, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que le titulaire d’une marque ne pouvait pas valablement interdire l’usage par un annonceur d’un signe identique à sa marque en tant que mot clé dans le cadre d'un service de référencement payant sur Internet que s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, c’est-à-dire lorsque l'internaute risque de se méprendre sur l'origine des produits ou des services en cause (CJUE, 23 mars 2010, n° C-236/08).
Depuis lors, l’action intentée par le titulaire d’une marque pour interdire l'affichage d'annonces de tiers dans le cadre d’un service de référencement payant sur internet doit être rejetée s’il n’est pas démontré que les internautes risquent de percevoir, de manière erronée, les produits des tiers comme provenant de lui.
Au surplus, le titulaire de la marque peut se voir condamner à payer des dommages et intérêts si son action a privé son concurrent d'un moyen d’accéder à une clientèle pour lui proposer son service et de générer un important chiffre d’affaires.
En l’espèce, une société titulaire d’une marque a constaté que la requête de sa marque sur le moteur de recherche Google déclenchait l’affichage d’un lien commercial concurrent.
Elle a alors demandé à Google de faire les démarches nécessaires pour que son seul site internet sorte en résultat de requêtes avec sa marque comme mot-clé.
Le moteur de recherche internet Google s’est exécuté et a supprimé le référencement litigieux.
La société concurrente a alors assigné la société titulaire de la marque en nullité de la marque ainsi que pour actes de concurrence déloyale.
La cour d’appel a rejeté la demande en nullité de la marque et jugé que la société titulaire de la marque avait commis une faute en demandant à Google de supprimer le référencement de la société concurrente sur Internet, alors qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public.
Cette décision est confirmée par la Cour de cassation qui a d’abord rappelé que :
« le titulaire d'une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire de la publicité pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée à partir d'un mot clef identique à ladite marque , dans le cadre d'un service de référencement sur internet, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers ».
La Cour de cassation en a ensuite déduit qu’en obtenant de Google la suppression du référencement de la société concurrente sans justifier de l’existence d’un risque de confusion, la société titulaire de la marque a privé indûment cette dernière d'un moyen d'accéder à une clientèle pour lui proposer son service.
Par conséquent, la société titulaire de la marque a ainsi commis une faute ayant privé la société concurrente de la possibilité de générer un chiffre d'affaires important.
En d’autres termes, le titulaire d’une marque ne peut demander à un prestataire d’un service de référencement sur internet qu’il supprime les annonces des concurrents utilisant sa marque comme mot-clé que s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
A défaut de démontrer l’existence de ce risque de confusion, le titulaire d’une marque qui obtient la suppression du référencement d’un concurrent s’expose à ce que sa responsabilité soit engagée pour faute.
Le risque de confusion dans l’esprit du public est constitué lorsque le référencement litigieux ne permet pas ou difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers.
Tout dépend donc des termes de l'annonce publicitaire du concurrent.
Par ailleurs, se prononçant sur la demande en annulation de la marque formée par la société concurrente qui soutenait que le signe ne présentait aucun caractère distinctif, la Cour de cassation a jugé que :
« un signe, qui a été enregistré comme marque, alors qu'il était dépourvu de caractère distinctif, peut acquérir ultérieurement un tel caractère par l'usage qui en est fait, à titre de marque ».
Par conséquent, le signe litigieux a largement et continuellement été exploité en tant que marque, de sorte qu’il avait acquis un caractère distinctif par l'usage.
Il résulte donc de cette décision que l’utilisation de la marque d’un concurrent comme mot-clé dans le cadre d’un service de référencement sur internet ne constitue pas en soi une atteinte au droit du titulaire sur sa marque.
Enfin, on retiendra de cet arrêt la nécessité de se tenir informer de la jurisprudence en évolution auprès d’un avocat spécialisé, avant toute action.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
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Anthony Bem
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