Google AdWords : condamnation du titulaire d’une marque pour le déréférencement d’un concurrent

Publié le 13/08/2013 Vu 3 800 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le 14 mai 2013, la Cour de cassation a retenu la responsabilité pour faute du titulaire d’une marque qui avait obtenu de Google la suppression du référencement d’un concurrent qui utilisait sa marque comme mot-clé dans le cadre du service de référencement Google AdWords, alors même qu’aucun risque de confusion dans l’esprit du public n’était démontré (Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-15534).

Le 14 mai 2013, la Cour de cassation a retenu la responsabilité pour faute du titulaire d’une marque qui av

Google AdWords : condamnation du titulaire d’une marque pour le déréférencement d’un concurrent

Le référencement et le positionnement des marques, produits et services des annonceurs sur Internet sont essentiels pour de nombreuses sociétés dont la toile est devenue le fonds de commerce ou tout au moins leur vitrine de communication, de publicité et de vente.

Ainsi, certains annonceurs « parasites » choisissent volontairement dans le cadre de leur campagne de publicité AdWords de Google le nom de leur concurrent comme mots-clés afin de leur permettre d’avoir une visibilité supplémentaire sur Internet et d’apparaitre en première position dès qu’un internaute tapera le nom de leur concurrent.

Avant 2010, afin de limiter cette pratique parasitaire, la jurisprudence retenait majoritairement la responsabilité des annonceurs. 

En général, la responsabilité du fournisseur du service de référencement (Google) était aussi retenue aux cotés de celle de l’annonceur. 
 
Cette jurisprudence avait conduit les fournisseurs de services de référencement à proposer aux titulaires de marque une faculté de notification permettant de bloquer la réservation d’un signe correspondant à une marque afin d’empêcher le déclenchement d’annonces concurrentes à partir de ce signe.
 
Cependant, dans un arrêt du 23 mars 2010, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que le titulaire d’une marque ne pouvait pas valablement interdire l’usage par un annonceur d’un signe identique à sa marque en tant que mot clé dans le cadre d'un service de référencement payant sur Internet que s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, c’est-à-dire lorsque l'internaute risque de se méprendre sur l'origine des produits ou des services en cause (CJUE, 23 mars 2010, n° C-236/08).
 
Depuis lors, l’action intentée par le titulaire d’une marque pour interdire l'affichage d'annonces de tiers dans le cadre d’un service de référencement payant sur internet doit être rejetée s’il n’est pas démontré que les internautes risquent de percevoir, de manière erronée, les produits des tiers comme provenant de lui.
 
Au surplus, le titulaire de la marque peut se voir condamner à payer des dommages et intérêts si son action a privé son concurrent d'un moyen d’accéder à une clientèle pour lui proposer son service et de générer un important chiffre d’affaires.
 
En l’espèce, une société titulaire d’une marque a constaté que la requête de sa marque sur le moteur de recherche Google déclenchait l’affichage d’un lien commercial concurrent.
 
Elle a alors demandé à Google de faire les démarches nécessaires pour que son seul  site internet sorte en résultat de requêtes avec sa marque comme mot-clé. 
 
Le moteur de recherche internet Google s’est exécuté et a supprimé le référencement litigieux.
 
La société concurrente a alors assigné la société titulaire de la marque en nullité de la marque ainsi que pour actes de concurrence déloyale.
 
La cour d’appel a rejeté la demande en nullité de la marque et jugé que la société titulaire de la marque avait commis une faute en demandant à Google de supprimer le référencement de la société concurrente sur Internet, alors qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public.
 
Cette décision est confirmée par la Cour de cassation qui a d’abord rappelé que :

« le titulaire d'une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire de la publicité pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée à partir d'un mot clef identique à ladite marque , dans le cadre d'un service de référencement sur internet, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers ».

La Cour de cassation en a ensuite déduit qu’en obtenant de Google la suppression du référencement de la société concurrente sans justifier de l’existence d’un risque de confusion, la société titulaire de la marque a privé indûment cette dernière d'un moyen d'accéder à une clientèle pour lui proposer son service.
 
Par conséquent, la société titulaire de la marque a ainsi commis une faute ayant privé la société concurrente de la possibilité de générer un chiffre d'affaires important.
 
En d’autres termes, le titulaire d’une marque ne peut demander à un prestataire d’un service de référencement sur internet qu’il supprime les annonces des concurrents utilisant sa marque comme mot-clé que s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
 
A défaut de démontrer l’existence de ce risque de confusion, le titulaire d’une marque qui obtient la suppression du référencement d’un concurrent s’expose à ce que sa responsabilité soit engagée pour faute.

Le risque de confusion dans l’esprit du public est constitué lorsque le référencement litigieux ne permet pas ou difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers.

Tout dépend donc des termes de l'annonce publicitaire du concurrent.  
 
Par ailleurs, se prononçant sur la demande en annulation de la marque formée par la société concurrente qui soutenait que le signe ne présentait aucun caractère distinctif, la Cour de cassation a jugé que :

« un signe, qui a été enregistré comme marque, alors qu'il était dépourvu de caractère distinctif, peut acquérir ultérieurement un tel caractère par l'usage qui en est fait, à titre de marque ».

Par conséquent, le signe litigieux a largement et continuellement été exploité en tant que marque, de sorte qu’il avait acquis un caractère distinctif par l'usage.
 
Il résulte donc de cette décision que l’utilisation de la marque d’un concurrent comme mot-clé dans le cadre d’un service de référencement sur internet ne constitue pas en soi une atteinte au droit du titulaire sur sa marque.
 
Enfin, on retiendra de cet arrêt la nécessité de se tenir informer de la jurisprudence en évolution auprès d’un avocat spécialisé, avant toute action. 

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel :
01 40 26 25 01

Email : abem@cabinetbem.com

www.cabinetbem.com

Vous avez une question ?
Blog de Anthony BEM

Anthony BEM

249 € TTC

1435 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Rechercher
A propos de l'auteur
Blog de Anthony BEM

Avocat contentieux et enseignant, ce blog comprend plus de 3.000 articles juridiques afin de partager mes connaissances et ma passion du droit.

Je peux vous conseiller et vous représenter devant toutes les juridictions, ainsi qu'en outre mer ou de recours devant la CEDH.

+ 1400 avis clients positifs

Tel: 01.40.26.25.01 

En cas d'urgence: 06.14.15.24.59 

Email : abem@cabinetbem.com

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

249 € Ttc

Rép : 24h max.

1435 évaluations positives

Note : (5/5)
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles