La société Google Inc a complété, en septembre 2008, son moteur de recherche accessible en France à l'adresse www.google.fr par une fonctionnalité, dite “Google Suggest ”.
Cette fonctionnalité offre aux internautes qui effectuent une recherche, à partir des premières lettres du mot qu'ils saisissent, un menu déroulant de propositions qui comporte une liste de requêtes possibles, un simple “clic” sur la requête proposée les dispensant, le cas échéant, d'avoir à taper le libellé complet de leur recherche.
A la suite de divers contentieux nés, selon les sociétés Google, du quiproquo que pouvait susciter la dénomination d'une telle fonctionnalité, ce service répond désormais à l'appellation “Prévisions de recherche ”.
Ce service est présenté par Google comme un service de “saisie semi automatique” qui permet aux utilisateurs de “profiter de l'expérience des autres utilisateurs”, en portant à leur connaissance les requêtes “les plus populaires déjà tapées par les internautes qui commencent par ces lettres ou mots “.
En l'espèce, le litige poste sur le fait que, par exemple, lorsqu’un internaute lance une recherche avec les mots clés "François Hollande" sur le moteur de recherche Google celui-ci propose des suggestions de recherche "François Hollande juif".
Pour les associations à l'origine de la procédure, le fait d’associer automatiquement le mot « juif » au nom de personnalités faisant l’objet de requêtes d’internautes :
- Alimente, de la manière la plus visuellement immédiate, le fantasme du pouvoir, de l’omniprésence ou de l’influence des juifs en France
- amplifie les préjugées antisémites.
- viole la loi réprimant la constitution de fichiers ethniques.
Rien ne permet de justifier le fait que Google utilise le mot clés "juif" dans le référencement de personnalités, qu'elles soient juives ou non d'ailleurs.
A défaut, la présence de cette suggestion de recherche dans les moteurs de recherche constituerait une étoile jaune numérique intolérable et préjudiciable.
Ces associations demandent donc au tribunal d’interdire à Google notamment d’associer le mot “juif’ aux patronymes des personnes physiques figurant dans les requêtes des internautes.
Il convient de rappeler que le Tribunal de grande instance de Paris puis la cour d'appel de Paris ont déjà eu l'occasion de condamner solidairement, pour diffamation, le directeur de publication et la société Google Inc. du fait de la suggestion d'une expression injurieuse sur le service “Prévisions de recherche” ou “service de saisie semi-automatique“.
Les juges n'avaient pas retenu le caractère technique et mathématique des procédés utilisés pour proposer de telles suggestions de recherche aux internautes pour exclure la mise en jeu de la responsabilité de Google.
En 2011, les juges avaient en effet considéré sur ce point que :
« il sera relevé au préalable sur l'argumentaire technique des défendeurs :
que les algorithmes ou les solutions logicielles procèdent de l'esprit humain avant que d'être mis en œuvre,
que les défendeurs ne produisent aucune pièce ... établissant que les suggestions faites aux internautes procéderaient effectivement, comme ils le soutiennent, des chiffres bruts des requêtes antérieurement saisies sur le même thème, sans intervention humaine,
que loin de la neutralité technologique prétendue dudit service - peu important à cet égard que son ancienne appellation de “Suggestions de recherche” ait été abandonnée pour celle, moins explicite, de “Prévisions de recherche”, encore traduite en volapuk technique sous la forme “service de saisie semi-automatique”-, l'item litigieux, qui n'est nullement saisi par l'internaute mais apparaît spontanément à la saisie des premières lettres de sa recherche comme une proposition de recherche possible, est incontestablement de nature à orienter la curiosité ou à appeler l'attention sur le thème proposé, et, ce faisant, de nature à provoquer un “effet boule de neige” d'autant plus préjudiciable à qui en fait l'objet que le libellé le plus accrocheur se retrouvera ainsi plus rapidement en tête de liste des recherches proposées,
qu'au regard de ces considérations d'ordre général, il doit être relevé que tous les libellés de recherches lancées par les internautes ne sont pas pris en compte par le moteur de recherche Google dans le souci, notamment, d'éviter les suggestions “qui pourraient offenser un grand nombre d'utilisateurs” tels que “les termes grossiers”- comme il est précisé dans le jugement, versé aux présents débats par la société demanderesses, rendu par cette même chambre le 4 décembre 2009, sur la foi d'une note alors produite par la société Google Inc-, ce qui suppose nécessairement qu'un tri préalable soit fait entre les requêtes enregistrées clans la base de données,
que de même, le site google.fr invitait les internautes - comme l'a retenu cette chambre dans le même jugement du 4 décembre 2009- à signaler “des requêtes qui ne devraient pas être suggérées“, de sorte que le tribunal est fondé à comprendre qu'une intervention humaine est possible, propre à rectifier des suggestions jusqu'alors proposées,
que si cette note n'est plus produite par les sociétés défenderesses dans le cadre de la présente instance, une notice depuis lors actualisée et moins explicite paraissant y avoir été substituée, cette dernière explique encore à la question “Est-ce que Google exclut de Google Suggest certaines requêtes d'utilisateurs ?”, la réponse suivante : “[...] Nous appliquons également un ensemble restreint de politiques de suppression en ce qui concerne la pornographie, la violence et la haine“, ce qui confirme la possibilité au moins a posteriori d'une intervention humaine propre à éviter les dommages les plus évidents liés aux fonctionnalités en cause,
que les défendeurs ne sauraient sérieusement invoquer l'atteinte à la liberté d'expression que constituerait en elle-même l'intervention judiciaire visant, dans les cas et aux conditions prévues par la loi, à rétablir un particulier dans ses droits en ordonnant, le cas échéant, la suppression de telle association de mots ou expressions avec son nom, alors que le service offert par Google a pour seule utilité d'éviter aux internautes d'avoir à saisir sur leur ordinateur l'entier libellé de leur requête de sorte que la suppression éventuelle de tel ou tel des thèmes de recherche proposés ne priverait aucun d'entre eux de la faculté de disposer, mais à leur seule initiative et sans y être incité par quiconque, de toutes les références indexées par le moteur de recherches correspondant à telle association de mots, patronymes ou raison sociale de leur choix ... ».
Plus récemment, le 15 février 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a ordonné à la société Google Inc. de prendre toute mesure pour supprimer des suggestions apparaissant sur le service “Prévisions de recherche” à la saisie sur le moteur de recherche Google par les internautes des lettres “kriss l” ou "kriss laure“, l'expression “kriss laure secte” (Tribunal de grande instance de Paris, 17ème chambre, 15 février 2012, Kriss Laure / Larry P., Google Inc.).
Dans ce contexte, la jurisprudence à posé le principe selon lequel les sociétés Google sont coupables des propositions de recherches attentatoires à l'honneur et à la réputation et qu'elles ont l'obligation de procéder à leur suppression à la demande de l'intéressé sous peine d'indemnisation des préjudices subis.
Il conviendra donc de surveiller dans les semaines à venir la position du juge des référé en réponse à l'action initiée, notamment s'agissant de la question de savoir si le référencement du mot juif dans les suggestions de recherche internet constitue-t-il une faute ouvrant droit à suppression.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
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Anthony Bem
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