Le 19 décembre 2014, le Tribunal de grande instance de Paris a condamné la société Google à déréférencer un lien venant en résultat d’une requête sur son moteur de recherche faisant apparaître des données à caractère personnel d’une personne (TGI de Paris, ordonnance de référé, 19 décembre 2014).
Il est important de rappeler qu’il existe une véritable protection des données à caractère personnel par les droits français et européens.
En l’espèce, Madame X avait été condamnée en 2006 à une peine d’emprisonnement pour avoir commis un délit d’escroquerie dont le site internet du journal Le Parisien relayait l’information dans un de ses articles.
Or, en 2014, Madame X s’est rendue compte, en tapant ses nom et prénom dans le moteur de recherche de Google que le lien apparaissait dans les premiers résultats de la page du moteur de recherche.
Ces résultats étaient susceptibles de causer de graves préjudices d'E-réputation.
En vain, Madame X a demandé à Google de supprimer ce lien.
Cependant, Google a refusé de supprimer le lien litigieux sur le fondement de « l’intérêt du public ».
L'intérêt du public est une notion sans contour précis.
Madame X a donc assigné en référé la société Google France devant le Tribunal de grande instance de Paris afin que soit ordonné le déréférencement du lien litigieux.
Déjà, le 13 mai 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a consacré un « droit à l’oubli » sur internet en jugeant que :
- le traitement de données exactes ne doit pas devenir, avec le temps, incompatible avec la directive précitée.
« Tel est le cas lorsque ces données ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées, spécialement lorsqu’elles apparaissent inadéquates, qu’elles ne sont pas ou plus pertinentes ou sont excessives au regard de ces finalités et du temps qui s’est écoulé » (CJUE, 13 mai 2014, Google Spain SL, Google Inc. / Agencia Española de Protección de Datos, Mario Costeja González, C-131/12).
Selon les juges de la Cour de justice de l’Union européenne, le droit au déréférencement nécessite aussi de rechercher « le juste équilibre entre l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à une information et les droits de la personne concernée » (CJUE, 13 mai 2014, Google Spain SL, Google Inc. / Agencia Española de Protección de Datos, Mario Costeja González, C-131/12).
Afin de condamner Google, le juge des référés parisien a déclaré que :
« eu égard à la nature des données à caractère personnel en cause, s’agissant de l’information publiée courant 2006 relative à une condamnation pénale prononcée à l’encontre de Mme X le 14 avril 2006 ;
aux motifs de la demande de déréférencement, Mme X soutenant que l’accès aux données en cause par simple interrogation à partir de ses nom et prénom via le moteur de recherche de Google par tout tiers nuit à sa recherche d’emploi ;
au temps écoulé, s’agissant d’une condamnation prononcée il y a plus de huit ans,
et compte tenu de l’absence au jour des débats de mention de cette condamnation sur le bulletin n° 3 du casier judiciaire de la demanderesse, dont le contenu est déterminé par la loi fixant en France les conditions dans lesquelles les tiers peuvent prendre connaissance de l’état pénal des personnes,
Mme X justifie de raisons prépondérantes et légitimes prévalant sur le droit à l’information ».
Ainsi, le juge s’est fondé sur différents critères pour ordonner le déréférencement de résultats sur Google eu égard :
- à la nature des données à caractère personnel en cause, en l’espèce l’information publiée d’une condamnation pénale de Madame X, ne figurant pas sur l'extrait de casier judiciaire de Madame X au jour des débats ;
- aux motifs de la demande de déréférencement, en l’occurrence le référencement « nuit à la recherche d’emploi » de Madame X ;
- au temps écoulé depuis la date de publication de l'information litigieuse, à savoir une condamnation pénale ancienne de huit ans.
Enfin, il est intéressant de relever qu'au cours de la procédure, la société américaine Google Inc est intervenue volontairement pour finalement être condamnée au déréférencement.
Pour mémoire, l’article 3 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dispose que :
« Le responsable d'un traitement de données à caractère personnel est, sauf désignation expresse par les dispositions législatives ou réglementaires relatives à ce traitement, la personne, l'autorité publique, le service ou l'organisme qui détermine ses finalités et ses moyens. »
Sur le fondement notamment du texte précité, le Président du tribunal a jugé que :
« Il ressort des pièces produites et il n’est pas discuté que la société Google inc., qui exploite le moteur de recherche Google Web Search ( Google), est le responsable du traitement des données opéré au moyen de ce moteur de recherche. »
Toutefois, le tribunal a ajouté que :
« (…) il n’est pas contesté que la société Google France, sarl, n’exploite pas directement ou indirectement ledit moteur de recherche, et que, dès lors, elle n’a pas la qualité de responsable du traitement des données.
Il n’est ni soutenu ni démontré que la société Google France sarl, est le représentant en France de la société Google inc.
Au demeurant, les mesures adéquates que le juge des référés a le pouvoir d’ordonner afin de répondre à la demande de Mme X tendant à la “desindexation”, en réalité au déréférencement des liens litigieux ne peuvent être imposées à la société Google France, sarl qui n’exploite pas le moteur de recherche en cause.
Dès lors, il n’y a pas lieu à référé de ce chef. »
En rejetant la demande de déréférencement à l’encontre de la société Google France, l’ordonnance du 24 novembre 2014 contredit la décision du 16 septembre 2014.
En effet, la société Google France a déjà été condamnée à déréférencer de son moteur de recherche, sous astreinte, des liens internet renvoyant à des contenus diffamatoires sur le site Facebook par ordonnance de référé du Tribunal de grande instance de Paris le 16 septembre 2014 (TGI de Paris, ordonnance du 16 septembre 2014).
Ce faisant, il existe une incertitude sur la question de savoir qui de Google France ou de Google Inc. peut / doit être assignée dans le cadre des demandes en justice de déréférencement de données à caractère personnel.
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Anthony Bem
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