La notion d'indivision peut intervenir dans différents cas de figure. Cette situation de propriété en commun peut en effet être le résultat d'une succession, d'une donation, de la dissolution d'une société, amis aussi d'un acte d'acquisition.
L'indivision est la situation juridique d'un bien sur lequel plusieurs personnes exercent conjointement des droits de même nature.
Le droit de chaque indivisaire porte sur l'ensemble du bien indivis et non sur une portion déterminée.
Nous n'envisagerons dans le présent article que la question de l'indivision successorale et plus particulièrement celle de son partage.
Le droit de tout indivisaire de demander le partage est un droit absolu, impératif et imprescriptible.
Objet de nombreux contentieux, le partage d'une indivision successorale passe souvent par la case Tribunal.
Trop souvent le contenu du droit de demander le partage est méconnu ou ignorer par les ayants droits (I).
A ce sujet, il convient aussi de constater que malheuresement les Notaires sont défaillants dans leur mission de conseil et d'information à envers leurs client.
La procédure de partage est légalement encadrée et mérite un petit rappel des règles principales (II)
I - LE DROIT DE DEMANDER LE PARTAGE DE L’INDIVISION SUCCESSORALE
Le droit de demander le partage amiable ou à défaut judiciaire revêt trois caractères essentiels qu'il convient d'envisager successivement : c'est un droit absolu (1), impératif (2) et imprescriptible (3).
1.1 - Droit absolu
Le droit de demander le partage peut être qualifié d'absolu au sens qu'il est indépendant de toute volonté contraire qui prétendrait s'y opposer.
Il s'impose, tout d'abord, aux coïndivisaires, qui ne peuvent empêcher l'un d'entre eux de sortir de l'indivision, et cela quelle qu'en soit la raison.
Même si cette demande n'est motivée que par la seule intention de nuire aux coïndivisaires, ces derniers ne peuvent s'y opposer : l'abus de droit est expressément écarté en la matière (CA Nancy, 16 nov. 1961).
Le droit de chaque indivisaire de demander le partage s'impose, ensuite, au juge lui-même. Dès lors qu'il est saisi d'une demande en partage par un indivisaire, le juge ne peut qu'ordonner le partage demandé.
Un testament, pas plus qu'un autre acte juridique, ne saurait imposer une indivision perpétuelle manifestement contraire au principe d'ordre public énoncé à l'article 815 du Code civil.
Même si, aux termes de ce texte, un jugement ou une convention peuvent "surseoir" au partage, celui-ci ne peut être écarté définitivement par une manifestation quelconque de volonté. Ce point ne fait aucun doute et a été fixé depuis longtemps par la Cour de cassation (Cass. civ., 29 juin 1933).
1.2 - Droit impératif
Le droit de demander le partage est impératif au sens où l'on ne peut y déroger, sauf au moyen des conventions auxquelles l'article 815 in fine du Code civil fait référence.
Cela signifie que seul un acte juridique satisfaisant aux prescriptions des articles 1873-2 et suivants du Code civil pourra faire obstacle au droit de tout indivisaire de demander le partage.
De plus, même lorsqu'elle est conclue conformément aux articles 1873-2 et suivants du Code civil, une convention n'écarte la possibilité de demander le partage que de manière temporaire. Le partage peut toujours être provoqué soit, si la convention a été conclue pour une durée qui ne peut excéder cinq ans, à l'expiration de ce délai, voire avant s'il y a de justes motifs (C. civ., art. 1873-3, al. 1er) ; soit, si la convention a été conclue pour une durée indéterminée, à tout moment, pourvu que ce ne soit pas de mauvaise foi ou à contretemps (C. civ., art. 1873-3, al. 2).
De manière plus générale, le droit de demander le partage est impératif en ce sens qu'il n'est pas subordonné à la survenance d'un acte ou d'un fait juridique quelconque, autre, bien entendu, que la demande de l'indivisaire qui entend sortir de l'indivision.
1.3 - Droit imprescriptible
Quel que soit le laps de temps écoulé depuis le début de l'indivision, tout indivisaire conserve toujours la possibilité de demander le partage.
Dans un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 12 décembre 2007, il est encore rappelé le principe qu’il n'existe pas de prescription extinctive de l'action en partage :
« Attendu que nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision ; que le droit de demander le partage étant imprescriptible, celui-ci peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention ».
En revanche, la prescription acquisitive (usucapion) au profit d'autrui peut faire obstacle à la demande en partage formée par un indivisaire.
Un tiers, ou un coïndivisaire, qui aurait joui de manière privative d'un bien indivis, peut l'usucaper.
Un partage ne saurait alors lui être imposé. Le bien usucapé est sorti de l'indivision et n'a pas à être rapporté à la masse indivise pour faire l'objet d'un partage. Il résulte en effet de l'article 816 du Code civil que le partage ne peut être demandé s'il y a eu “possession suffisante pour acquérir la prescription”. Cette disposition présente l'avantage pratique de rendre incontestable le droit de chaque héritier lorsqu'un partage a été effectué sans qu'il soit possible d'en apporter la preuve. C'est le cas, en particulier, d'un partage de biens mobiliers, qui peut résulter du seul acte matériel de distribution des meubles entre les copartageants (CA Poitiers, 9 mai 1893).
Pour pouvoir être opposée avec succès aux autres indivisaires, la prescription acquisitive doit toutefois remplir les conditions exigées par la loi. La possession doit notamment être dénuée de toute équivoque (C. civ., art. 2229).
Or, les actes de possession accomplis par un coïndivisaire sont quasi nécessairement équivoques dans la mesure où ils ne révèlent qu'une possession indivise, et non exclusive, qui ne pourrait aboutir qu'à un droit lui-même indivis, et non exclusif.
Les juges du fond doivent donc rechercher si le propriétaire indivis qui invoque à son profit l'usucapion s'est comporté en propriétaire exclusif (Cass. 3e civ., 25 févr. 1998).
Il a ainsi été jugé que la preuve du caractère exclusif de la possession n'était pas rapportée par l'indivisaire qui invoquait l'usucapion alors qu'il avait manifesté à plusieurs reprises son désir de voir procéder au partage et qu'il avait tenté d'acheter la part de certains de ses coïndivisaires (CA Fort-de-France, 3 avr. 1987).
II – LA PROCEDURE DE LIQUIDATION-PARTAGE DE L'INDIVISION SUCCESSORALE
La procédure de liquidation-partage de l'indivision successorale se dénomme la « licitation ».
Lorsqu'il y a lieu à licitation, elle est amiable ou judiciaire selon la nature du partage à l'occasion duquel elle intervient.
Aucune condition particulière n'est requise si la licitation amiable se fait de gré à gré. En revanche, si les parties à un partage amiable choisissent la licitation par adjudication ou si le partage est judiciaire, le tribunal ordonne, dans les conditions qu'il détermine, la vente par adjudication des biens devant être licités ( art. 1377, al. 1er du Code de procédure civile).
La vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux article 1271 à 1281 du Code de procédure civile et, pour les meubles dans les formes prévues aux articles 110 à 114 et 116 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 (art. 1377 al. 2 du Code de procédure civile).
Le domaine du droit au partage de l'indivision successorale s'applique à tous les biens faisant l'objet d'une dévolution successorale au profit de deux ou plusieurs personnes : cohéritiers ab intestat, colégataires universels ou à titre universel et colégataires d'une même chose.
Le tribunal peut reporter le partage pendant 2 ans maximum si sa réalisation risque de porter atteinte à la valeur du bien ou si l’un des indivisaires ne peut s’installer sur une exploitation agricole dépendant de la succession qu’à l’expiration de ce délai.
Le tribunal peut aussi repousser le partage à la demande du conjoint survivant ou des enfants mineurs du défunt pendant 5 ans maximum, renouvelable jusqu'au décès du conjoint survivant ou jusqu’à la majorité du plus jeune enfant pour certains biens (exploitation agricole, local d’habitation ou à usage professionnel, part d’un groupement agricole d’exploitation en commun).
Si un indivisaire ne veut pas demeurer dans l'indivision, le tribunal peut lui attribuer sa part en nature (quand cela est possible) ou en argent versé par les autres indivisaires.
L'article 45 du Code de procédure civile précise que le ressort du tribunal de grande instance territorialement compétent est celui dans le ressort duquel la succession est ouverte.
Or, selon l'article 720 du Code civil une succession s'ouvre au dernier domicile du défunt, c'est-à-dire au lieu où, au moment même de sa mort, il avait son principal établissement.
Lorsqu'une personne meurt chez elle, à l'endroit où elle a toujours vécu, il paraît évident qu'elle n'a jamais eu l'intention de le transférer ailleurs. En revanche, si une personne meurt en un lieu où elle a vécu longtemps après avoir eu un domicile d'origine différent, il sera plus difficile de trancher.
Dans ce cas, la jurisprudence admet que la succession d'une personne qui meurt en un lieu autre que son domicile s'ouvre à celui-ci, même si elle a résidé assez longtemps au lieu de son décès (Cass. req., 22 juill. 1813 – Cass. req., 11 avr. 1910).
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Anthony Bem
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