Les litiges entre bailleurs, locataires de locaux affectés à une activité de restauration et la copropriété sont très fréquents s’agissant de l’usage des conduits ou gaines d’extraction de l’air pollué ou vicié.
Cependant, les bailleurs et locataires disposent de droits importants vis à vis du syndicat des copropriétaires s’agissant du droit d’exploiter ou remplacer des conduits ou gaines d’extraction existants.
Ainsi, le 27 janvier 2010, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que l’activité de restauration ne peut pas valablement être interdite dans un local par une copropriété si le règlement de copropriété ne l’interdit pas expressément et que le copropriétaire dispose d’un droit à l’utilisation du conduit d’extraction pour y exercer son activité (TGI de Paris, 8e chambre, 3e section, 27 janvier 2010, n° 08-12216)
En l’espèce, une S.C.I est copropriétaire, dans un immeuble d’un local comprenant une boutique
Aux termes d’une résolution adoptée par l’assemblée générale des copropriétaires, la S.C.I a été autorisée à effectuer des travaux d’installation d’un conduit d’extraction d’air ambiant, les copropriétaires précisant que l’autorisation ainsi donnée ne pourrait être utilisée pour une autre activité́ que celle de pressing.
Par contre, les copropriétaires ont refusé d’autoriser la S.C.I à affecter à l’usage de restauration rapide le conduit d’extraction.
La S.C.I a estimé que la décision ainsi prise par la copropriété résultait d’un abus de droit et a demandé judiciairement notamment l’annulation de la résolution de refus.
Pour cause, l’activité de restauration ne peut pas valablement être interdite dans un local par une copropriété à un copropriétaire si le règlement de copropriété ne l’interdit pas expressément.
En effet, selon l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, le règlement conventionnel de copropriété détermine librement la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance, et ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celle qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation.
En l’espèce, le règlement de copropriété́ de l’immeuble comprend une clause aux termes de laquelle :
“Le lot n°2 , ainsi décrit, comprend une partie affectée à usage commercial – la boutique – et une partie affectée à usage d’habitation – le logement -.
Les dispositions du titre II du règlement de copropriété de l’immeuble, concernant les droits et obligations des copropriétaires, comportent un 3° ainsi rédigé :
“les appartements, boutiques et chambres ne pourront être occupés que par des personnes de bonne vie et mœurs. Ils pourront être utilisés soit pour une habitation bourgeoise, soit pour l’exercice de toute profession ou commerces, dans la limite de la législation en vigueur à l’exception des professions de professeurs de cours de danse, de chant ou de musique et à la condition que la profession exercée ne soit pas de nature à troubler la tranquillité́ de la maison ni susceptible d’incommoder les autres propriétaires, soit par le bruit, l’aspect ou les mauvaises odeurs ou qui peuvent être un danger pour l’immeuble, et à l’exception également des commerces et professions déjà̀ exercées dans l’immeuble”,
Ainsi, le règlement de copropriété de l’immeuble prohibe explicitement certaines activités bien déterminées, mais ne comporte aucune interdiction expresse de l’activité de restauration dans les boutiques dépendant de l’immeuble.
En pratique, ce type de clause pose le principe que les propriétaires de boutiques peuvent y exercer ou laisser y exercer tout commerce de leur choix, à condition de ne pas troubler la tranquillité de l’immeuble, ni d’incommoder les autres propriétaires ou de constituer un danger pour l’immeuble.
Or, il résulte de ce jugement que l’activité de restauration n’est pas nécessairement de nature à troubler la tranquillité d’un immeuble.
Il convient donc de garder en mémoire qu’une activité de restauration n’entraine pas nécessairement des nuisances et ne peut être a priori interdite dans l’immeuble.
En conséquence, les juges ont fait droit à la demande formée par la S.C.I tendant à voir juger que l’activité de restauration ne peut être a priori interdite.
Surtout, les juges ont annulé la résolution adoptée par l’assemblée des copropriétaires qui refusait l’utilisation du conduit d’extraction déjà installé pour une activité de restauration.
La S.C.I ne pouvait donc que se voir autoriser par la copropriété à utiliser le conduit d’extraction mis en place pour son activité de restauration, même si ce conduit a été mis initialement en place pour une activité de pressing et non de restauration.
Autrement dit, en présence de ce type de clause de règlement de copropriété, l’assemblée des copropriétaires ne peut pas valablement limiter ni interdire l’usage des parties privatives, tel qu’un conduit d’extraction, à un copropriétaire.
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Anthony Bem
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