Le 3 janvier 2017, la Cour d'appel de Rennes a jugé que la caution a droit à une indemnisation de son préjudice par la banque en cas de manquement par cette dernière à son obligation de mise en garde lors d'un cautionnement disproportionné (Cour d'appel de Rennes, 3ème Chambre Commerciale, 3 janvier 2017, N° 14/07072).
Une société a ouvert un compte courant professionnel dans les livres de la banque TARNEAUD.
La gérante de la société s'est portée caution solidaire de celle ci à hauteur de la somme de 13.000 €.
Par la suite, la banque TARNEAUD a consenti à la société un prêt d'un montant de 36.000 €.
La gérante s'est à nouveau portée caution solidaire du remboursement de ce prêt à hauteur de la somme de 23.400 €.
La société a été placée en liquidation judiciaire et la banque TARNEAUD a mis en demeure la caution de lui verser le montant du solde débiteur du compte courant et du prêt.
Cette mise en demeure étant restée infructueuse, la banque TARNEAUD a assigné la caution devant le tribunal de commerce qui, par jugement, l'a condamné au paiement de ces sommes.
Pour mémoire, les dispositions du code de la consommation s'appliquent à toute personne physique, y compris les dirigeants d'entreprise, qui s'est personnellement portée caution solidaire du paiement des dettes bancaires par leur société.
Le simple fait d'avoir la qualité de dirigeant de la société cautionnée n'entraîne pas pour autant la qualification de caution avertie, contrairement à ce qui été jugeait de manière absurde jusqu'en 2009.
Pour cause, en pratique, les cautions sont quasi toujours novices et inexpérimentées en droits des affaires et des sûretés à l'époque de la signature de leur engagement de caution.
Aussi, en cas de disproportion du cautionnement, la caution peut utilement invoquer la violation de l'obligation d'information de la banque s'analysant en une perte de chance de ne pas contracter et demander au juge que cette dernière soit condamnée au paiement de dommages et intérêts.
La cour d'appel a posé un principe important sur ces points en jugeant que :
« Tenu d'exécuter de bonne foi les conventions, le banquier a l'obligation d'attirer l'attention de la caution sur les risques liés à l'acte de cautionnement qu'elle entend souscrire, risques liés à la situation du débiteur principal ou de la caution elle même ; à juste titre, les premiers juges ont relevé cependant que cette obligation ne s'étendait pas aux cautions averties, celles ci étant en mesure d'évaluer les risques liés aux opérations envisagées ; cette qualité de caution avertie ne découle pas uniquement des fonctions dirigeantes de la caution dans l'entreprise débitrice principale, mais se déduit de son niveau de compétence et d'expérience dans le monde des affaires».
En l'espèce, la caution était, au moment de la signature du cautionnement, seule dirigeante de la société, titulaire d'un BEP et la banque disposait d'un curriculum vitae qui démontrait selon les juges qu'elle avait « acquis une expérience dans la gestion des affaires » en tant qu'employée de banque et d'une agence immobilière en qualité de chargée de clientèle.
Afin de distinguer la notion de caution profane ou de caution avertie, les juges apprécient au cas par cas, selon les preuves produites aux débats, l'existence ou non d'expériences professionnelles dans le monde des affaires de la caution.
Il résulte de cette arrêt que si la banque peut justifier que la caution dispose d'une compétence suffisante pour évaluer la portée de son engagement en qualité de caution de sa propre entreprise, la caution sera qualifiée de caution avertie et ne pourra pas obtenir de dommages et intérêts en cas de disproportion du cautionnement, malgré qu'elle ait obtenu l'annulation du cautionnement de ce chef.
Cependant, dans le cas contraire, si la banque ne peut pas établir avec des preuves que la caution dispose d'une compétence suffisante pour évaluer la portée de son engagement en qualité de caution de sa propre entreprise, la caution sera qualifiée de caution profane et elle pourra obtenir des dommages et intérêts en cas de cautionnement disproportionné pour manquement à l'obligation de mise en garde de la banque, outre l'annulation du cautionnement.
Cette décision illustre à nouveau que la caution dispose de moyens de défense pour échapper à son obligation de garantie en cas d'action en paiement de la part de la banque.
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Anthony Bem
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