Le conjoint survivant, dont le lien de mariage n’est pas rompu au jour du décès soit par un divorce, soit par un jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée aux torts exclusifs du défunt ou pour rupture de la vie commune, est protégé par la loi.
Le conjoint survivant a des droits en qualité d'héritier successible.
Ainsi, l’article 731 du code civil, qui prévoit un ordre des héritiers successibles, dispose que :
- en présence de descendants communs aux 2 époux, il pourra opter pour l’usufruit de tous les biens ou pour le ¼ en pleine propriété ;
- en présence de descendants issus de 1er lit ou de descendant naturel, il aura automatiquement le ¼ en pleine propriété ;
- en présence d’ascendants privilégiés, il aura soit la ½ soit ¾ en propriété selon que les 2 ou 1 seul des ascendants privilégiés ont survécu ;
- en l’absence de descendants et d’ascendants privilégiés, il aura toute la succession.
Parallèlement, l'article 815-9 du code civil dispose que :
« Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ».
Mais, le conjoint survivant dispose d'une option successorale.
Cette option, dite "ab intestat", du conjoint survivant, en présence d'enfants issus du mariage, peut porter :
- soit sur la propriété de tout ce dont le donataire pouvait disposer en faveur d'un tiers,
- soit sur le quart de ses biens en pleine propriété et les trois autres quarts en usufruit,
- soit sur la totalité des biens en usufruit.
La manifestation de volonté sur l'option choisie pour l'attribution des biens du défunt doit être faite de manières univoque, définitive et irrévocable de la part de la bénéficiaire de l'option.
Cette option détermine le paiement ou non d'une indemnité d'occupation ou éventuellement sa compensation intégrale par une soulte.
Pour résumer, le conjoint survivant, bénéficiaire de l'universalité de l'hérédité, a, dès le jour du décès et quelle que soit l'étendue de la vocation conférée par le legs qui lui a été consenti, la jouissance de tous les biens composant la succession, laquelle comprend la perception des fruits et est exclusive de toute indemnité d'occupation.
En l'espèce, une personne est décédée, laissant pour lui succéder sa fille née d'un premier mariage et sa seconde épouse séparée de biens.
La fille du défunt a adressé à la seconde épouse de son père une sommation de prendre partie sur l'option dont elle bénéficiait en sa qualité de conjoint survivant.
Or, pendant le temps de leur mariage, les époux s'étaient consentis une donation réciproque de l'universalité des biens composant leur succession, reçue par acte notarié, dans lequel il était précisé qu'en présence de descendants, la donation serait réduite, au choix exclusif du conjoint survivant, à l'une des quotités disponibles permises entre époux.
Dans ce contexte, des difficultés sont nées entre les héritières pour la liquidation et le partage de la succession.
Compte tenu que l'épouse survivante avait opté pour le quart des biens en pleine propriété et les trois quarts en usufruit, tel que permis, la cour d'appel a confirmé le jugement ayant mis à sa charge le paiement d'une indemnité pour l'occupation privative du bien immobilier.
Cependant, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel en jugeant que « pour condamner à payer une indemnité d'occupation, la cour d'appel retient que l'intéressée y est tenue en vertu de l'article 815-9 du code civil, dès lors que n'est pas remise en cause son attribution préférentielle de ce bien maintenu de son fait pendant plusieurs années en indivision ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté qu'après le décès de son époux, [la] donataire de la plus large quotité disponible entre époux, avait opté pour le quart des biens en pleine propriété et les trois quarts en usufruit, ce dont il résultait qu'il n'existait aucune indivision en jouissance entre elle et Mme Y..., de sorte qu'aucune indemnité d'occupation ne pouvait être mise à sa charge, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
Cette décision est intéressante eu égard aux différentes questions auxquelles elle apporte des réponses en matière de droit des successions et dans les contentieux successoraux :
Tout d'abord, les juges ont considéré que l'option successorale peut résulter de l'acte notarié dans lequel la veuve avait déclaré opter pour le quart des biens de son époux en pleine propriété et les trois quarts en usufruit.
En suite, aucun paiement d'indemnité pour l'occupation privative d'un immeuble n'est due en l'absence d'indivision sur ledit bien.
Par voie de conséquence, bien qu'occupant le domicile du défunt, avec lequel elle était mariée sous le régime de la séparation de biens, la veuve n'est pas tenu de payer une indemnité d'occupation, à défaut d'indivision en jouissance.
Enfin, en l'absence de remise en cause de l'attribution préférentielle de l'épouse survivante sur le bien en litige, aucune indivision n'existe et donc aucun héritier ne peut valablement obtenir le paiement d'une quelconque indemnité.
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Anthony Bem
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