Les personnes qui se sont portées cautions disposent de nombreux moyens de défense juridiques qui leur permettent de se libérer efficacement de leur dette.
Si ces moyens de défense n’ont pas la même efficacité sur le plan juridique, l’inopposabilité de l’acte de cautionnement est l’un des moyens de défense les plus efficaces pour les cautions poursuivies en paiement.
Ainsi, à titre d’exemple, le 25 avril 2023, le Tribunal judiciaire de Créteil a libéré totalement une caution cliente du Cabinet Bem au titre de son cautionnement ; en garantie de remboursement de l’emprunt pris par une société auprès de la banque Société Générale.
L’inopposabilité du cautionnement a pu être obtenue car cet engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux valeurs des biens et revenus de la caution. (Tribunal judiciaire de Créteil, 25 avril 2023, n°21/00673)
En l’espèce, le 18 octobre 2010, la banque Société Générale a consenti deux prêts à une société, dont le gérant et l’associée minoritaire se sont chacun portés cautions personnelles et solidaires du bon remboursement au profit de la banque prêteuse.
La société emprunteuse n’ayant pas réglé quelques-unes de ses échéances mensuelles de remboursement, la banque a assigné en paiement les deux cautions.
L’associée minoritaire a utilement invoqué l’inopposabilité de son engagement de caution conformément à l’ancien article L. 341-4 du Code de la consommation, applicable aux faits de l’espèce, qui dispose que :
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
En effet, si l’engagement de la caution lors de sa conclusion était manifestement disproportionné, le contrat de cautionnement est privé d’effet et le créancier est déchu du droit de poursuivre la caution.
En l’espèce, la banque Société Générale n’a pas été en mesure de fournir une fiche d’informations sur la situation patrimoniale de l’associée minoritaire au moment de son engagement.
Au terme d’une analyse précise de la situation financière de la caution, les juges ont considéré de manière pragmatique, que :
« Au regard des revenus de Mme X. et de son endettement global, ses engagements pris le 18 octobre 2010 apparaissent manifestement disproportionnés dans la mesure où la caution se trouvait, lorsqu’elle les a souscrits, dans l’impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus. »
En outre, pour sa défense la banque faisait valoir que les prêts en cause étaient également garantis par deux autres cautions, laissant supposer que la caution poursuivie aurait pu initier un recours récursoire à l’encontre de ses autres cofidéjusseurs.
Cet argument n’a pas résisté non plus à l’analyse des juges puisque ces derniers ont estimé que :
« Il est inopérant de faire valoir que les prêts en cause étaient également garantis par deux autres cautions dès lors que Mme X. s’est engagée solidairement et a renoncé au bénéfice de discussion. Elle encourait donc le risque de voir son seul patrimoine engagé à la suite des poursuites diligentées sur l’initiative de l’établissement prêteur sans aucune garantie de voir un jour prospérer l’éventualité d’un recours récursoire à l’encontre de ses autres cofidéjusseurs. »
En effet, contrairement au cautionnement simple, le cautionnement solidaire implique le renoncement de la caution aux bénéfices de discussion et de division.
D’une part, selon l’article 2305 du Code civil, le bénéfice de discussion permet à la caution d'obliger le créancier à poursuivre d'abord le débiteur principal.
Or, cet article précise aussi que la caution tenue solidairement ne peut pas se prévaloir de ce bénéfice.
Ainsi, en tant que caution solidaire des deux prêts, l’associée ne pouvait pas valablement demander à la banque de poursuivre, d’abord, la société afin que ses biens soient saisis ou vendus.
D’autre part, selon l’article 2306 du Code civil, le bénéfice de division implique que, lorsque plusieurs personnes se sont portées cautions de la même dette, elles sont chacune tenues pour le tout.
Toutefois, cet article précise que les cautions solidaires entre elles et les cautions qui ont renoncé ne peuvent se prévaloir du bénéfice de division.
Pour conclure, il convient de garder en mémoire que la disproportion du montant d’un engagement de caution apparaît comme un moyen de défense afin de le rendre inopposable et de libérer la caution de sa dette sans avoir à rembourser les sommes dues.
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Anthony Bem
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