Le 7 mars 2017, la Cour d’appel de Paris a jugé que le fait de s'inspirer de l’ensemble de la valeur économique d'un site Internet en créant un site très similaire, dévalorise la valeur et l’intérêt de ce site par sa banalisation et lui fait perdre sa visibilité sur Internet, caractérisant juridiquement un acte de concurrence déloyale causant automatiquement un préjudice moral indemnisable (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Ch. 1, arrêt du 7 mars 2017, Sound Strategy / Concepson)
En l'espèce, la société Sound Strategy est spécialisée dans la communication sonore de l’entreprise.
Cette société est dirigée par son actionnaire majoritaire, Monsieur X, l’autre associé étant Monsieur Y, par ailleurs actionnaire majoritaire de la société Concepson qu’il dirige.
Cette dernière société a travaillé pour la société Sound Strategy et pour une autre société de Monsieur X.
L'activité de la société Sound Strategy consiste uniquement dans l’exploitation de son site Internet.
Or, Monsieur X expose avoir découvert l’existence d’un nouveau site Internet concurrent, dont le nom de domaine avait été enregistré par la société Concepson.
Estimant que la société Concepson s’était ainsi placée de façon déloyale dans son sillage, la société Sound Strategy l’a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris en concurrence déloyale et parasitisme.
Le tribunal de commerce de Paris a dit que la société Concepson s’est rendue coupable d’actes de concurrence parasitaire et a été condamnée à payer à la société Sound Strategy des dommages et intérêts.
Cependant, la société Sound Strategy a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.
Les juges d'appel ont relevé que le site litigieux avait été créé postérieurement au et que la société Concepson s’est fortement inspirée de la valeur économique créée par la société Sound Strategy, laquelle justifie des investissement importants réalisés notamment pour la conception de son site Internet alors que la société Concepson ne justifie pas avoir entrepris des investissements analogues, pouvant ainsi pratiquer des tarifs inférieurs à ceux de la société Sound Strategy et en tirer un avantage concurrentiel.
La responsabilité de la société Concepson pour avoir commis des faits de concurrence parasitaire à l’encontre de la société Sound Strategy était donc rapportée et la cour a confirmé l'appréciation des premiers juges.
Le préjudice résultant d’actes de concurrence parasitaire doit être évalué selon les règles du droit commun de la responsabilité civile délictuelle fondé sur les articles 1240 et 1241 nouveaux (anciennement 1382 et 1383) du code civil en ce sens que le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans toutefois excéder le montant de ce préjudice.
Cependant, à défaut d'avoir produit aux débats quelque élément de preuve sur une éventuelle baisse éventuelle de son chiffre d’affaires préjudice économique subi du fait des actes de concurrence parasitaire les juges ont alloués une somme de 5.000 € estimant par ailleurs que « le préjudice réparable étant sans rapport avec la valeur des investissements ».
Autrement dit, le montant du préjudice se distingue de la valeur des investissements de la société victime tel que le coût du développement de son site Internet ou les dépenses publicitaires auprès de Google AdWords.
Pourtant, en créant son propre site internet parasite, la société Concepson a fait l’économie de ces frais.
Le montant du préjudice ne saurait correspondre à celui de l’économie indûment réalisée par l'auteur des actes de concurrence déloyale car cette somme ne représente pas un préjudice économique effectivement subi en tant que tel.
Ainsi, la cour d'appel a jugé que :
« il n’est en outre justifié d’aucune résiliation de contrats de la part de clients de la Sarl Sound Strategy à partir de 2014, qu’enfin en ce qui concerne les pertes indirectes pouvant résulter de la captation par la Sas Concepson d’une clientèle virtuelle et donc d’une perte de chance subie dans la conquête de la clientèle, il apparaît que les premiers juges ont fait une correcte évaluation de ce préjudice économique à la somme de 5.000 € ».
En outre, cet arrêt est intéressant aussi en ce que s'agissant de la demande en réparation d’un préjudice moral, soulevée pour la première fois devant les juges de la cour d'appel, ces derniers ont jugé que :
« il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral, de telle sorte que n’est pas nouvelle la demande de la Sarl Strategy formée en appel de l’indemnisation de son préjudice moral, outre son préjudice économique, cette prétention tendant aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, au sens de l’article 565 du code de procédure civile, à savoir en l’espèce l’indemnisation du préjudice causé par les actes de concurrence parasitaire ;
Qu’en conséquence la Sarl Sound Strategy sera déclarée recevable en sa demande d’indemnisation de son préjudice moral ».
Par conséquent, la demande en réparation d'un préjudice moral peut aussi être formulée pour la première fois en cause d'appel alors même qu'elle n'aurait pas été demandée en première instance.
Les juges d'appel ont estimé qu'une telle demande n'était pas nouvelle et donc parfaitement recevable en cause d'appel.
Surtout, sous forme de principes, la cour d'appel a jugé aux termes de cet arrêt que :
« la Sas Concepson s’est inspiré de l’ensemble de la valeur économique créée par la Sarl Sound Strategy en créant un site Internet très similaire au sien, notamment dans le cheminement des commandes, la structure des écrans, le choix des messages, le recours à la voix d’acteurs, le mode de paiement et de livraison ;
Que par cette copie quasi-servile du site Internet de la Sarl Sound Strategy, la Sas Concepson a dévalorisé la valeur et l’intérêt de ce site par sa banalisation et lui a fait perdre sa visibilité sur Internet, causant à cette société un préjudice moral que la cour évalue, au vu des éléments de la cause, à la somme de 5.000 € que la Sas Concepson sera condamnée à lui payer ».
Cet arrêt est donc important s'agissant de l'estimation du préjudice subséquent aux actes de concurrence déloyale et de parasitisme entre des sites internet concurrents.
En effet, la cour d'appel a posé plusieurs principes en ce qu'elle a jugé aux termes de cet arrêt que :
- Le seul fait de s'inspirer de l’ensemble de la valeur économique d'un site internet en créant un site Internet très similaire dévalorise la valeur et l’intérêt de ce site par sa banalisation et lui fait perdre sa visibilité sur Internet lui causant en tant que tel un préjudice moral indemnisable.
- La valeur économique d'un site internet ressort, notamment, comme en l'espèce, du cheminement de ses commandes, de la structure des écrans, du choix des messages, du recours à des options telles que la voix d’acteurs, des modes de paiement et de livraison des commandes.
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Anthony Bem
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