L'internet a ouvert de nouveaux horizons ... même pour les délinquants.
Pour mémoire, l'article 313-1 du code pénal définit le délit d'escroquerie comme le fait de tromper une personne par l'emploi de manœuvres frauduleuses afin de la déterminer à remettre des fonds à son préjudice.
En l’espèce, M. B a comparu à titre personnel et en sa qualité de gérant de la société Annuaire CV pour avoir commis des escroqueries au préjudice de plusieurs centaines de victimes.
Concrètement, la société Annuaire CV envoyait aux commerçants, administrations et professions libérales des « demandes d’inscription » ressemblant aux demandes de renouvellement d’abonnement envoyées chaque année par la société Pages Jaunes à ses clients et tendant à leur faire croire qu'ils renouvelaient leur abonnement auprès des Pages jaunes, dénomination de la marque appartenant à la société éponyme éditant et distribuant en France des annuaires professionnels sur des supports papiers et électroniques.
Les éléments de confusion avec une demande de renouvellement d'abonnement sur les "Pages jaunes" sont les suivants :
- courrier d'inscription ressemblant à un document envoyé par les "Pages jaunes" avec intitulé en gros caractères sur un bandeau jaune "Annuaire Pro" ;
- éléments de base pré-remplis laissant supposer qu'il ne s'agissait que d'une simple vérification de données déjà existantes ;
- prix indiqué de l'abonnement mensuel identique ou presque identique au prix annuel de l'abonnement des "Pages jaunes" ;
Le Tribunal correctionnel les a condamnés pour escroquerie, en application de l’article 313-1 du Code pénal précité.
Cependant, les juges d’appel ont estimé qu’il n’y avait pas eu de recherche de confusion avec les services rendus par les Pages jaunes :
« les manœuvres frauduleuses visées par la prévention ne sont, soit pas établies, soit sont insuffisantes pour faire croire aux "victimes" qu'elles renouvelaient leur abonnement sur les Pages jaunes, la seule similitude de la couleur des bandeaux utilisés tant par la société Annuaire CV que par la société Pages jaunes dans leurs documents respectifs adressés aux personnes démarchées n'étant pas suffisante, en l'absence d'autres manœuvres caractérisées, pour conduire des personnes normalement attentives à confondre la société Annuaire CV avec la société Pages jaunes.
[…] même si les services de la prévenue ont été incomplètement ou mal rendus au regard de ceux fournis par cette société qui constitue le premier support de communication publicitaire pour l'ensemble des annonceurs professionnels en France, cela n'établit pas pour autant l'absence d'un service d'annuaire rendu par la société prévenue, ce qui a été vérifié au cours de l'enquête et, partant, le caractère trompeur de l'entreprise initiée par les prévenus ; que, dès lors, le délit d'escroquerie reproché à M. B... et à la société Annuaire CV n'est pas suffisamment caractérisé ; que, par suite, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a déclaré les prévenus coupables de ce délit et a prononcé, en conséquence, sur l'action publique des sanctions pénales et des mesures de publicité ; qu'ils seront en conséquence renvoyés des fins de la poursuite ».
Les juges de cassation ont cassé et annulé l’arrêt d’appel en considérant que :
« en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres énonciations, l'existence de manœuvres réalisées par les prévenus, consistant à créer une confusion, dans l'esprit des clients prospectés, avec la société Pages jaunes, pour leur faire souscrire des bons de commande auprès de la société Annuaire CV , la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ».
Selon la Haute Cour les prévenus auraient dus être condamnés pour escroquerie compte tenu :
- de la ressemblance apparente des bons de commande de la société Annuaire CV avec ceux des Pages jaunes « au premier examen superficiel du document » ;
- du contenu des bons de commande de la société Annuaire CV qui tendait à une simple vérification de coordonnées de la personne prospectée ;
- de la mention du numéro de fax pour inciter à privilégier ce mode de communication pour répondre à la société Annuaire CV sans vérifier sa dénomination et sa domiciliation ;
- des conditions générales de vente « en petits caractères certes » ;
- que les « services de la prévenue ont été incomplètement ou mal rendus au regard de ceux fournis par la société Pages jaunes ».
Ainsi, l’escroquerie est caractérisée lorsque la conception et l'envoi des bons de commande cultivent délibérément le risque de confusion avec une société concurrente en cherchant à faire croire aux clients prospectés qu'ils renouvelaient leur abonnement auprès de cette société.
Il sera donc intéressant de connaitre la position de la Cour d’appel de Besançon, désignée comme Cour de renvoi afin de trancher définitivement cette affaire.
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Anthony Bem
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