En l’espèce, les sociétés du groupe TF1 ont découvert que le site internet Dailymotion diffusait des contenus audiovisuels sur lesquels elles détenaient des droits, notamment la série américaine Heroes (saison 1), le film de Martin Scorsese "Les infiltrés”, le spectacle de Gad Elmaleh "L’autre c’est moi”, des journaux d’information de la chaîne TF1, des émissions “Le commentaire politique de Christian Barbier” de la chaîne LCI.
Compte tenu de l’ampleur de ces diffusions, la société TF1 a mis en place une cellule de veille qui a adressé à la société Dailymotion de nombreuses lettres de mise en demeure.
Par ailleurs, les sociétés du groupe TF1 ont assigné la société Dailymotion devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l’atteinte à leurs droits de propriété intellectuelle, du parasitisme à l’encontre des sociétés TF1, TF1 international et LCl et de concurrence déloyale à l’encontre des sociétés TF1 vidéo et e-TF1.
Elles ont sollicité du tribunal la condamnation de Dailymotion à leur payer des dommages et intérêts ainsi que des mesures d’interdiction et la publication de la décision de justice à intervenir.
Le tribunal de commerce de Paris s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris devant lequel la procédure s’est poursuivie.
Les demanderesses ont fait valoir que la responsabilité de la société Dailymotion se trouve engagée en sa qualité d’éditeur car elle joue un rôle actif qui lui confie une connaissance ou un contrôle des données.
Elles invoquaient ainsi le fait que la société Dailymotion exerce un pouvoir de modération en surveillant les contenus et en censurant ceux qu’elle estime contraires à sa ligne éditoriale et qu’en revanche, elle promeut les contenus qu’elle juge les plus attractifs.
Elles relevaient en outre que dans ses conditions générales d’utilisation antérieures à août 2008, la société Dailymotion acquérait des droits sur les contenus mis en ligne, qui ne sont pas nécessaires dans le cadre de son activité d’hébergeur.
Elles reprochaient également à la société Dailymotion d’avoir mis en place un système de recherche qui oriente facilement les internautes vers des contenus manifestement illicites.
A titre subsidiaire, les sociétés demanderesses entendaient voir engager la responsabilité de la société Dailymotion en sa qualité d’hébergeur, selon les règles de la loi dite LCEN, du 21 juin 2004.
Selon elles, la responsabilité de la société Dailymotion était engagée dès lors qu’elle avait connaissance de faits et circonstances faisant apparaître le caractère illicite des contenus et qu’elle n’a pris aucune mesure pour faire promptement cesser leur diffusion massive.
Cependant, bien que le tribunal ait rappelé que : « la responsabilité de la société Dailymotion en qualité d’éditeur ne peut être retenue que s’il est établi qu’elle joue un rôle actif qui lui assure une connaissance et un contrôle des contenus présents sur son site », il a jugé que la société Dailymotion relève du statut d’hébergeur de contenus sur internet, bénéficiant donc d’un régime de responsabilité atténué, limité ou conditionné car :
« la société Dailymotion est dans l’incapacité d’exercer un contrôle généralisé et a priori des contenus et qu’elle exerce un pouvoir de modération a posteriori et de façon ponctuelle, pour assurer le respect de la loi et des droits des tiers lorsque ceux-ci ou d’autres utilisateurs effectuent un signalement.
La société Dailymotion effectue ces contrôles non dans son intérêt personnel mais afin d’assurer le respect des dispositions légales et il ne peut se déduire de ces éléments qu’elle définit une ligne éditoriale de son site et qu’elle se comporte comme un éditeur, en éliminant des contenus peu pertinents.
... la promotion de certains contenus sur la page d’accueil notamment dans les rubriques “notre sélection” ou “membres mis en avant” s’inscrit dans le cadre de partenariats conclus entre Dailymotion et des utilisateurs ayant le statut de motion maker ou officiai user.
Le fait qu’elle exerce un rôle d’éditeur dans le cadre de relations contractuelles particulières, n’est pas de nature à modifier son statut au regard d’autres contenus pour lesquels elle se contente de fournir des prestations techniques.
Cependant, la mise en place d’un moteur de recherche avec des mots-clés constitue une prestation technique qui entre dans le rôle de l’hébergeur qui doit assurer l’accessibilité des contenus ».
Le tribunal a donc soumis le site internet Dailymotion au régime de responsabilité allégé des hébergeurs de contenus sur internet.
A cet égard, les sociétés demanderesses reprochaient aussi à la société Dailymotion de ne pas avoir fermé promptement le compte de certains de ses utilisateurs à l’origine de la mise en ligne d’un nombre important de contenus illicites, en violation de ses conditions générales d’utilisation.
En effet, les conditions générales d’utilisation acceptées par les utilisateurs autorisent la société Dailymotion à désactiver leurs comptes notamment en cas de violation des droits d’un tiers.
Or, il n’a été produit par Dailymotion aucune mise en demeure adressée aux intéressés de cesser leurs agissements ni aucune pièce établissant que leurs comptes auraient été au moins provisoirement désactivés.
« Aussi la responsabilité de la société Dailymotion sera engagée à ce titre pour les infractions aux droits de la société TF1 constatées dans les procès-verbaux susvisés pour les utilisateurs dénoncés.
Or ces cas, la responsabilité de la société Dailymotion ne peut être retenue que s’il est établi qu’après avoir reçu notification d’un contenu portant atteinte aux droits des tiers conformément aux dispositions de l’article 6-5 de la LCEN, elle n’a pas agi promptement ».
Ainsi, la société Dailymotion a été reconnue responsable du maintien des vidéos pour n’avoir pas réalisé un prompt retrait après une notification régulière concernant de nombreuses vidéos notamment « en laissant figurer le 15 janvier des contenus notifiés le 11 dans la matinée selon la télécopie ».
Le délai de 4 jours pour supprimer un contenu illicite n’est donc pas suffisamment « bref ».
En conséquent, le tribunal a condamné pécuniairement la société Dailymotion à verser aux sociétés du groupe TF1 des dommages et intérêts proportionnels aux nombres de manquements relevés et à la durée de ces manquements (200.000 € pour 541 manquements et 10.000 € pour 8 manquements).
Enfin, il est intéressant de relever que le tribunal a fait droit à la demande de suppression des désignations tf1 et Ici dans les suggestions de mots-clés du moteur de recherche du site Dailymotion qui permettaient d’accéder facilement aux programmes produits par ces dernières et mis en ligne en violation de leurs droits sur le site hébergeur de contenus.
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Anthony Bem
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