Le 11 septembre 2013, la Cour de cassation a jugé que l’investissement locatif défiscalisant est une «opération périlleuse», à propos de laquelle la banque est tenue envers son client, d’une part, d’une obligation d'information, de conseil et, d’autre part, d’une obligation de mise en garde en cas d’octroi de crédit immobilier, dont la violation permet au client d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices subis en cas de pertes de gain (Cass. Civ. I, 11 septembre 2013, N° de pourvoi: 12-15897)
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En l’espèce, les époux X ont souscrit un prêt à taux variable auprès du Crédit Agricole afin de financer l'acquisition d'un bien immobilier destiné à la location et leur permettant de réaliser une opération de défiscalisation.
Cette opération de défiscalisation sous le régime de la loi de Robien a donné lieu à une étude personnalisée élaborée par la société Auvence.
Cependant, les emprunteurs ont reproché à la banque un manquement à son devoir de conseil pour les avoir incités à effectuer une opération d'investissement locatif dont les avantages fiscaux et le profit attendus n’ont pas été réalisés.
En effet, il existait des différences entre la défiscalisation telle qu'elle a été réalisée au cours des années 2007, 2008 et 2009 qui, après imputation des déficits fonciers, ne s'est élevée qu'à 1300 euros en moyenne au lieu de 2032 euros mentionnés dans la projection.
En outre, l'investissement réalisé par les époux X ne leur a pas rapporté les revenus locatifs escomptés, le bien n'ayant pu être loué que pour un loyer de 490 euros alors qu'il avait été estimé à 530 euros.
Ainsi, s'estimant victimes d'un préjudice financier consécutif à ce montage financier, les époux X ont assigné la banque et la société Auvence en réparation.
Les juges ont estimé que, en favorisant la souscription d’un placement qui revêtait un caractère inadapté voir périlleux pour les époux X, dont le montant de l’impôt sur le revenu n’était pas supérieur à 2 500 euros par an, la banque avait manqué à son obligation de conseil et d'information.
S'il apparaît qu’aucune des données chiffrées proposées dans le cadre des simulations réalisées revêtent un caractère contractuel stricto sensu, il n'en demeure pas moins qu'elles devaient se rapprocher de la situation future spécialement au titre des charges réelles qui s'imposeraient pour les investisseurs pour leur permettre d'apprécier la pertinence de l'opération.
Selon les juges d’appel, malgré le profit, moindre que celui qui était attendu, que les époux X ont pu réaliser, ceux-ci auraient pu renoncer à s'engager dans cette opération s'ils avaient été mieux informés par la banque.
Autrement dit, s’ils avaient été mieux informés par la banque, les emprunteurs auraient pu renoncer à s'engager dans cette opération.
Or, il est important de souligner qu’au cas présent l'opération d'investissement locatif avait effectivement permis aux époux X de réaliser un gain fiscal.
Dans ce contexte, la cour de cassation a confirmé les décisions rendues par le tribunal de grande instance et la Cour d’appel en jugeant que :
« la banque avait, d'une part, proposé et personnalisé l'investissement locatif litigieux dont la nature était manifestement inadaptée à la situation des époux X..., d'autre part, assorti son offre de prêt de longue durée d'un taux variable accentuant les risques d'une opération périlleuse, la cour d'appel en a exactement déduit que la banque avait manqué tant à son devoir d'information et de conseil au titre de l'investissement locatif, qu'à son devoir de mise en garde au titre de l'octroi du prêt, ces différents manquements ayant causé un préjudice constitutif d'une perte de chance ».
Il découle de cet arrêt que :
- la banque est implicitement tenue envers son client d’une garantie de rendement des prêts consentis dans le cadre d’opération d’investissement locatif défiscalisant ;
- le banquier est tenu envers son client d'une obligation de conseil et d’information non seulement lorsqu'il finance des investissements à caractère spéculatif mais aussi en cas de prêt consenti en vue de l'acquisition de biens immobiliers destinés à produire des revenus locatifs compensant la charge des crédits et offrant aux investisseurs une possibilité de défiscalisation ;
- la responsabilité du banquier peut être engagée en cas de crédits excessifs eu égard aux capacités des emprunteurs et aux revenus attendus de l'opération d’investissement locatif défiscalisant, sur le fondement de la violation de l’obligation de conseil ;
- la banque manque à son obligation de conseil lorsqu'elle n'attire pas l'attention de ses clients sur le caractère aléatoire d'une opération d’investissement locatif reposant sur le remboursement d'un emprunt au moyen des revenus tirés de la location du bien acquis ;
- le banquier qui octroie un prêt à taux variable est, à la fois, tenu d'une obligation d'information envers ses clients portant sur les modalités de calcul et de révision du taux d'intérêt (plafond, variation, etc … ) mais aussi d’une obligation de mise en garde des emprunteurs sur le risque né de la possible variation de leur taux.
Le cas échéant, le client est en droit d’obtenir de la part de la banque et de tous professionnels intervenus dans le cadre du montage financier de l’opération une indemnisation des préjudices subis.
L'indemnisation est celle de la perte de chance de ne pas effectuer l'opération d'acquisition immobilière litigieuse qui est égale à la valeur de la chance perdue.
Le montant forfaitaire de la réparation de la perte de chance de ne pas contracter devra prendre en compte :
- les efforts financiers personnels auxquels les investisseurs ont été contraints de faire face ;
- le moindre profit que les investisseurs ont tiré sur le plan fiscal de l'opération alors qu'il constituait l'attrait prépondérant de celle-ci étant souligné que ceux-ci vont perdurer jusqu'à la fin du remboursement du prêt dans un contexte de baisse significative du marché de l'immobilier qui n'est pas de nature à favoriser une vente du bien acquis dans des conditions acceptables pour assurer le remboursement de l'emprunt.
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Anthony Bem
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