En l'espèce, la fille de Madame Liliane Bettencourt a porté plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre pour des faits d'abus de faiblesse dont sa mère, était, selon elle, victime de la part de membres de son entourage.
Dans le cadre de sa plainte, celle-ci a cru bon de communiquer des cédéroms, un courrier de son avocat à un huissier de justice attestant qu'elle avait un intérêt à faire retranscrire les enregistrements réalisé par le maître d’hôtel de Madame Bettencourt contenus sur ces supports, ainsi qu'une liasse de feuillets sur lesquels étaient dactylographiés les propos échangés entre sa mère et d'autres personnes telle que son avocat.
Le procureur de la République de Nanterre a, sans viser d'infraction particulière, saisi conjointement la brigade financière et la brigade de répression de la délinquance de Paris d'instructions tendant à la retranscription du contenu des cédéroms.
Les procès-verbaux établis à cette occasion qualifiaient les faits concernés d'atteinte à l'intimité de la vie privée et de recel de ce délit.
Alors que le contenu de certains de ces enregistrements a été publié par un organe de presse, plusieurs personnes concernées ont porté plainte auprès du procureur de la République du chef d'atteintes à l'intimité de la vie privée.
Dans ce contexte, la chambre de l'instruction à de saisie aux fins de statuer sur la régularité de la procédure eu égard à la présence au dossier de la transcription de plusieurs conversations.
Dans la droite lignée de la jurisprudence de la chambre criminelle de la cour de cassation, la chambre de l'instruction n'a pas jugé devoir annuler les enregistrements litigieux, au contraire Cass. Crim., 6 avril 1993, pourvoi n° 93-80184 ; Cass. Crim., 6 avril 1994, pourvoi n° 93-82.717 ; Cass. Crim., 30 mars 1999, pourvoi n° 97-83464 ; Cass. Crim., 11 juin 2002, pourvoi n° 01-85559 ; Cas. Crim. 31 janv. 2007, pourvoi n° 06-82383 ; Cass. Crim., 27 janvier 2010, pourvoi n° 09-83395).
En effet, le principe est que ce type de document est recevable dans les affaires pénales « dès lors qu'il est produit par un particulier, constitue une pièce à conviction et ne procède, dans sa confection, aucunement de l'intervention, directe ou indirecte, d'une autorité publique ».
Il a en outre été rappelé que, dans pareille hypothèse, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) :
- retient que la Convention européenne des droits de l'homme ne saurait in abstracto exclure par principe l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière illégale ou déloyale ;
- recherche si la procédure a présenté dan son ensemble un caractère équitable ;
- s'assure qu'il n'y a pas eu méconnaissance des droits de la défense et que le moyen de preuve litigieux n'a pas été le seul retenu pour motiver la condamnation (Schenk c/ Suisse 12 juillet 1988, n° 10862/ 84 ; Texeira da Castro c/ Portugal, 9 juin 1998, n° 44/ 1997/ 828/ 1034).
Ainsi, la chambre de l’instruction a jugé que :
« les dispositions de l'article 100-5 du code de procédure pénale, qui ne s'applique qu'aux interceptions de correspondances ordonnées par une autorité publique et celles de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 relatif aux documents couverts par le secret professionnel de l'avocat sont inopérantes ».
« les dispositions de l'article 8 de la Convention sont inapplicables en l'espèce, l'ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée n'étant aucunement, en l'espèce, le fait d'une autorité publique ; qu'elle ne l'a pas provoquée ; qu'elle n'y a pas participé de quelle que manière que ce soit, directement ou indirectement ; qu'elle a été simple destinataire des enregistrements litigieux ».
La Chambre criminelle de la Cour de cassation a validé cette appréciation en considérant que :
« en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, dès lors que les enregistrements contestés ne sont pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de l'information, au sens de l'article 170 du code de procédure pénale, et comme tels, susceptibles d'être annulés, mais des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement, et que la transcription de ces enregistrements, qui a pour seul objet d'en matérialiser le contenu, ne peut davantage donner lieu à annulation ».
Pour conclure, il conviendra de garder en mémoire que le droit de la preuve en matière pénale déroge à la règle de preuve des droits civil, social ou commercial qui impose la loyauté dans la confection de la preuve des faits (Cass. Civ. II, 7 octobre 2004, pourvoi n° 03-12653 ; Cass. Soc., 26 novembre 2002, pourvoi n° 00-42401 ; Cass. Soc., 23 mai 2007, pourvoi n° 06-43209 ; Cass. Com., 3 juin 2008, pourvoi n° 07-17147 ; Cass. Com., 3 juin 2008, pourvoi n° 07-17196 ; Ass. plén., 7 janvier 2011, pourvoi n° 09-14316 ; Ass. plén., 7 janvier 2011, pourvoi n° 09-14667).
En droit et procédure pénales, le principe est que la preuve est à ce point libre que les victimes d’infractions pénales peuvent la rapporter même par des procédés déloyaux voir illicites tels que, comme en l’espèce, par des enregistrements audio clandestins réalisés à l’insu de l’intéressé par une personne privée.
La justification d’une telle règle est qu’en matière pénale le juge se prononce selon son intime conviction et qu’il n’est pas lié par les éléments de preuve produits aux débats par les parties et qui peuvent faire l'objet d'un débat contradictoire.
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Anthony Bem
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