Il est très fréquent de voir des parents aider leurs enfants en hébergeant l’un d’eux au domicile familial ou en mettant gratuitement à sa disposition un logement leur appartenant.
Or, l’occupation gratuite d’un logement appartenant aux parents par l’un des enfants crée une inégalité entre ces derniers, dans la mesure où cette occupation gratuite peut entrainer un appauvrissement du patrimoine des parents et par conséquent une réduction de la succession pour les autres héritiers.
Dès lors, en cas de succession, il arrive souvent que des cohéritiers invoquent la réintégration dans la succession de l’avantage retiré par l’un d’eux au titre de l’occupation gratuite d’un bien immobilier appartenant à leurs parents.
Comme l’a jugé la Cour de cassation dans une série d’arrêts du 18 janvier 2012, la mise à disposition gratuite d'un logement au profit d'un héritier ne constitue un avantage indirect rapportable à la succession que dans la mesure où elle s'analyse en une libéralité. (Cass. Civ. I, 18 janvier 2012, n° 09-72542 ; Cass. Civ. I, 18 janvier 2012, n° 10-25685; Cass. Civ. I, 18 janvier 2012, n° 11-12863; Cass. Civ. I, 18 janvier 2012, n° 10-27325)
En d’autres termes, un avantage indirect résultant de l’occupation gratuite d’un logement appartenant au défunt par un héritier n’est rapportable à la succession que s’il est constitutif d’une libéralité, laquelle suppose la preuve d’une intention libérale.
Pour mémoire, il faut entendre par libéralité tout acte par lequel une personne procure à autrui un droit ou un bien dépendant de son patrimoine (par exemple : donation, legs).
L’arrêt rendu le 19 mars 2014 par la Cour de cassation vient compléter cette jurisprudence en retenant que la preuve de l’intention libérale peut être apportée par tous moyens. (Cass. Civ. I, 19 mars 2014, N°13-14139)
En l’espèce, par un premier testament, une mère a décidé que l’un de ses enfants qui occupe à titre gratuit un appartement lui appartenant, devra rapporter cet avantage indirect à la succession.
Par la suite, la mère a décidé dans un second testament qu’elle révoquait tout testament antérieur et désignait cet enfant légataire de la quotité disponible.
Au décès de la mère, l’enfant a été condamné par les juges à rapporter à la succession une somme correspondant à l'avantage indirect retiré de l’occupation gratuite de l’appartement.
En effet, pour la cour d’appel, le premier testament manifestant la volonté expresse que l'avantage retiré de l'occupation gratuite par l’enfant de l'appartement fût rapporté à la succession, avait été maintenu en dépit de la révocation expresse contenue dans le second testament.
La Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel en posant le principe selon lequel :
« tous les modes de preuve sont admissibles pour établir que c'est avec une intention libérale que le défunt a consenti à un héritier un avantage indirect » .
Dès lors, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que les juges du fond ont estimé que la défunte ayant expressément exprimé dans son premier testament sa volonté que l'avantage tiré de l'occupation gratuite de l'appartement par son fils soit rapporté à sa succession, l'intention libérale était la cause de cet avantage ; que la circonstance que ce testament avait été révoqué par un testament postérieur étant, à cet égard, indifférente.
Ainsi, même si un testament révoqué par un testament ultérieur ne peut plus produire ses effets en tant que tel, il n’en demeure pas moins que ce testament peut encore servir comme moyen de preuve de l’intention libérale du testateur ; laquelle preuve est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond.
De ce fait, l’occupation gratuite de l’appartement par l’enfant constituait une donation indirecte selon les termes du premier testament et le fait que ce testament fût révoqué par un testament postérieur ne modifiait pas cette réalité.
En conséquence, le rapport à la succession de l’avantage indirect tiré de l’occupation gratuite de l’appartement devait s’appliquer en vertu des dispositions du code civil.
Il en résulte qu’avec l’assistance d’un avocat spécialisé en droit des successions, les cohéritiers peuvent démontrer l'intention libérale du défunt par tous moyens pour obtenir le rapport à la succession de l'avantage indirect résultant de la mise à disposition gratuite d’un logement appartenant au défunt à un cohéritier.
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Anthony Bem
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