Si les candidats à un poste de travail peuvent faire l'objet d'une enquête par leur recruteur grâce à internet, les salariés peuvent être surveillés par leur employeur sur les réseaux sociaux, surtout lorsque leur profil est ouvert au public.
Ainsi, depuis 2006, les réseaux sociaux servent de moyens de droit pour justifier le licenciement pour faute de salariés.
Selon la jurisprudence sur les "licenciements Facebook", les messages postés sur un profil avec un accès ouvert dépassent la sphère privée et peuvent, le cas échéant, être invoqués par l’employeur dans le cadre d’une procédure de licenciement (CA Rouen, 15 novembre 2011, N°011-01827 ; CA Lyon, 22 novembre 2012, N°11-05140 ; CA Orléans, 28 février 2013, N°12-01717).
La Cour de cassation a jugé, le 10 avril 2013, que lorsque les propos postés sur le profil Facebook d'un salarié ne sont « accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint », ces contenus sont privés (Cass. Civ. I, 10 avril 2013, n° 11-19530).
En l'espèce, un salarié a tenu sur Facebook des propos négatifs à l'encontre de son employeur.
Alors qu'il pensait que ses propos étaient privés, car il n'avait pas paramétré les options de confidentialité de son compte Facebook, ceux-ci étaient en réalité accessibles au public.
Or, des collègues de travail ont porté ces propos négatifs à la connaissance de leur employeur qui a aussitôt licencié le salarié qui en était l'auteur pour faute grave.
Ce salarié a saisi le Conseil de prud’hommes de Lyon afin de contester le caractère réel et sérieux de son licenciement.
Le conseil des prud'hommes de Lyon a jugé que les propos litigieux étaient diffamatoires envers l'employeur et constitutifs d'une atteinte à l'image de l'entreprise.
Cependant, les juges ont estimé que le licenciement était fondé non sur une faute grave mais justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le 24 mars 2014, la cour d'appel de Lyon a considéré qu'il n'existait pas de faute grave compte tenu que l'employeur ne rapportait pas la preuve que les propos diffamatoires étaient diffusés publiquement sur Facebook.
En effet, le caractère public du profil Facebook ou de la page internet litigieuse doit toujours être prouvé en cas de procédure judiciaire.
Les impressions d'écran de page internet ne valent pas preuve en justice.
Seul un constat d'huissier de justice établi en bonne et due forme permet de rapporter valablement la preuve de la diffusion de contenus illicites sur internet en cas de procédure judiciaire.
En effet, la valeur probante des constats d’huissier sur le réseau internet est subordonnée au respect de pré-requis :
- l’huissier doit veiller à ce que l’environnement du constat soit exempt d’éléments de perturbation (virus, logiciel malveillant) ;
- l’huissier doit préciser le matériel et les logiciels utilisés, l’architecture du réseau local (absence de proxy, adresse IP utilisée, description des pare-feu) et des éléments relatifs au fournisseur d’accès à internet ;
- l’huissier doit procéder à des diligences techniques successives (capture du flux réseau, analyse virale, analyse des logiciels espions, suppression de l’historique, synchronisation de la date et l’heure, paramétrages) ;
- que l’huissier doit décrire, répertorier et enregistrer le contenu de ses constatations ;
- que l’huissier doit procéder, à la fin de son constat, à la capture des informations sur la cible (header du code source, adresse IP, noms de domaine).
L'huissier de justice doit donc indiquer scrupuleusement dans son constat sur internet toutes les modalités par lequel il a pu accéder aux contenus litigieux.
Toutefois, les huissiers de justice n'étant pas des experts techniques d'internet ni même des informaticiens, il est souvent possible de remettre en cause leurs constats.
S'agissant d'un réseau social comme Facebook, l'huissier aurait dû indiquer dans son constat, notamment les identifiants d'accès au contenu litigieux (pseudo, email, mot de passe) et donc le caractère public ou privé de la diffusion des propos.
Au cas présent, ni la réalité des propos litigieux, ni le caractère public ou privé du profil sur lequel les propos ont été postés n'ont été invoqués par le salarié.
Pire, le salarié a avoué avoir été l'auteur des propos reprochés, de sorte qu'il eût été vain de tenter de faire annuler le constat pour anéantir la preuve des propos reprochés.
S'agissant des propos, la cour d’appel a estimé que le salarié « qualifie[l’entreprise] en des termes peu flatteurs et[qui] excède son droit à la liberté d’expression » mais « replacés dans leur contexte, ils relèvent plus de l’expression du malaise du salarié que d’une volonté de porter atteinte à l’entreprise ».
L’employeur n'a pas rapporté la preuve de ce que le public pouvait avoir connaissance du fait que le salarié travaillait bien pour la société, ni que certains de ses clients auraient eu connaissance des propos litigieux.
Dans ce contexte, la cour d'appel a validé le jugement du conseil de prud’hommes qui avait estimé que le licenciement reposait, non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié a pu bénéficier d'indemnités de rupture ainsi que du paiement de ses salaires pendant sa mise à pied conservatoire.
Il résulte de cette décision qu'il appartient aux salariés d'activer les critères de confidentialité de leur compte Facebook sauf à risquer que ces propos soient accessibles à d’autres collègues ou leur employeur.
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Anthony Bem
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