Le 30 novembre 2005, la Cour d’appel de Douai a jugé que le licenciement d'un salarié qui traitait son collègue de travail de « biloute » était justifié car ce comportement constituait un harcèlement moral (Cour d'appel de Douai, 30 novembre 2005, n°05/2005).
En l’espèce, un salarié avait pris l’habitude de traiter un collègue de travail de « biloute ».
Or, ce dernier a perçu ce propos comme insultant et s'est estimé victime de harcèlement moral au travail.
Dans ce contexte la victime s'est plaint auprès de son supérieur hiérarchique.
Bien que l’employeur ait réitéré une demande de cesser ce type de comportement auprès de l'auteur, le salarié a persisté et a été licencié.
Celui-ci a contesté son licenciement devant le Conseil des prud'hommes.
La Cour d’appel a estimé que ce licenciement était justifié car d’une part, ce comportement a nécessité l’intervention de l’employeur causant un trouble sérieux dans l’entreprise et, d’autre part, le salarié a persisté dans son comportement en usant de cette expression injurieuse de manière répétitive (Cour d'appel de Douai, 30 novembre 2005, n°05/2005).
Pour mémoire, selon les articles L.1152-1 du code du travail et L. 222-33-2 du code pénal, les faits de harcèlement moral sont définis comme « des agissements répétés » subis par le salarié ayant « pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Dès lors, la qualification de harcèlement moral nécessite trois conditions cumulatives :
- des agissements répétés,
- ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail,
- susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Ainsi, l’existence d'un harcèlement moral au travail suppose la preuve de la matérialité des agissements répétés pour être caractérisé.
A ce titre, le 15 avril 2008, les juges en on déduit que : « un fait unique ne peut caractériser un harcèlement moral » (Soc. 15 avr. 2008, n° 07-40.290).
Par ailleurs, le harcèlement moral peut prendre différentes formes, notamment celle de harcèlement à connotation sexuelle précisément qualifiée de harcèlement sexuel.
A cet égard, il est important de préciser que la loi n°2012-954 du 6 août 2012 a créé l’article 222-33 du code pénal pour définir et sanctionner pénalement le délit de harcèlement sexuel.
Ainsi, selon ce texte, le harcèlement sexuel est une infraction pouvant être constituée par :
- « le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante » ;
- « le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers ».
En l’espèce, ce texte n’existait pas à l'époque des faits et la notion de harcèlement sexuel n’était pas définie de manière autonome par rapport à celle de harcèlement moral.
Ainsi, la Cour d’appel a d’abord estimé que le terme « biloute » ne constituait pas une insulte à caractère sexuel puisqu’il est couramment utilisé dans la région Nord-Pas-de-Calais sans cette connotation.
Toutefois, la Cour d’appel a estimé que le licenciement du salarié était justifié, compte tenu de :
- la répétition de l’utilisation de ce terme à l’égard de son collègue ;
- la nature outrageante des propos ;
- la persistance du comportement du salarié ;
- la demande contraire réitérée du supérieur hiérarchique.
En conséquence les juges ont estimé que l’ensemble de ces éléments constituait une forme de harcèlement moral d’un salarié et justifiait le licenciement du salarié qui en était l'auteur.
Par ailleurs, l’article L 1152-4 du code du travail dispose que :
« L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Les personnes mentionnées à l'article L. 1152-2 sont informées par tout moyen du texte de l'article 222-33-2 du code pénal. »
A ce titre, la Chambre sociale de la Cour de cassation a déclaré que : « l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et que l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité » (Cass. Soc. 21 juin 2006, n°05-43914).
Dès lors, il est impératif à l’employeur d’agir sans délai si un salarié l’informe des agissements de harcèlement par un autre salarié à son encontre, sauf à aggraver sa responsabilité.
Enfin, il est important de souligner que le salarié victime d'harcèlement moral au travail n'est pas tenu de rapporter la preuve de l'existence du harcèlement en tant que tel mais simplement de faits laissant présumés qu'il existerait des faits de harcèlement.
En effet, en cas de contentieux judiciaire, la charge de la preuve est inversée et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'existe pas d'harcèlement.
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Anthony Bem
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