Licenciement pour téléchargement illégal sur Internet par un salarié au travail (CA Vers. 31.03.11)

Publié le Modifié le 12/04/2012 Vu 6 171 fois 0
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Le 31 mars 2011, la Cour d'appel de Versailles, 5ème chambre a jugé que : « l'installation d'un logiciel permettant le téléchargement illégal d'œuvres musicales à partir de l'adresse IP de l'étude B.-P. étant constitutive d'une faute grave rendant impossible le maintien de M. Mickaël P. à son poste de travail même pendant la durée du préavis ».

Le 31 mars 2011, la Cour d'appel de Versailles, 5ème chambre a jugé que : « l'installation d'un logiciel pe

Licenciement pour téléchargement illégal sur Internet par un salarié au travail (CA Vers. 31.03.11)

En l'espèce, M. Mickaël P a été embauché par Mme Mireille B.-P., huissier de justice, selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'aide-comptable.

Suite à la constatation que l'ordinateur mis à la disposition laissait apparaître le téléchargement de fichiers musicaux du fait de l'installation du logiciel e-mule. 

Mme Mireille B.-P. a notifié à M. Mickaël P. son licenciement pour faute grave lui reprochant notamment « le téléchargement illégal de fichiers musicaux depuis son poste de travail et en faisant usage de l'identité de l'étude ».

Contestant les motifs du licenciement, M. Mickaël P. a fait convoquer Mme Mireille B.P. devant le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin d'obtenir sa condamnation au paiement du salaire impayé durant la mise à pied à titre conservatoire, des indemnités conventionnelles de rupture du contrat de travail et des dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Par jugement du 28 novembre 2008 ,le conseil de prud'hommes a débouté M. Mickaël P. de toutes ses demandes.

M. Mickaël P. a interjeté appel de cette décision car :

- il a été contraint de démissionner et de prendre l'ensemble de ses congés annuels

- il conteste la validité du contrôle opéré par son employeur sur son ordinateur hors sa présence s'agissant de la consultation de documents identifiés comme personnels

- il fait valoir que son employeur ne rapporte pas la preuve que les impressions d'écran communiquées aux débats proviennent de son ordinateur et qu'il est l'auteur de l'installation d'un logiciel de téléchargement.

En vain, la Cour d'appel de Versailles, 5ème chambre a jugé que :

« Considérant qu'il résulte des explications fournies au cours de l'audience et des témoignages de plusieurs salariés de l'étude produits aux débats :

 que le vendredi 23 février 2007, hors la présence de M. Mickaël P., MM. G., L. et S. ont constaté que l'ordinateur habituellement mis à sa disposition procédait au téléchargement de fichiers musicaux à partir d'un logiciel (e-mule) et que la consultation du répertoire identifié “documents and settings/arche/mes documents/perso” faisait apparaître l'installation du logiciel e-mule à la date du 6 octobre 2006,

 que le lundi 26 février 2007, en présence de M. Mickaël P., l'ordinateur mis à sa disposition a fait à nouveau apparaître les mêmes données à partir du même répertoire ;

 Considérant que si la découverte du logiciel e-mule, s'agissant d'un logiciel permettant le téléchargement illégal de musique, a nécessité l'ouverture d'un document identifié comme personnel à l'utilisateur de l'ordinateur il convient de relever que l'accès à un tel fichier a été effectué une première fois afin de mettre fin à un téléchargement automatique de données étrangères à l'étude B.-P. mais réalisé à partir de l'adresse IP de cette étude et a été effectué une seconde fois en présence de M. Mickaël P. ; qu'ainsi M. Mickaël P. ne peut invoquer l'irrégularité de l'ouverture du fichier ;

Considérant que tous les témoignages produits aux débats - établis par les salariés travaillant dans le même bureau que M. Mickaël P. au sein de l'étude B.-P. - sont suffisamment précis et circonstanciés pour permettre d'écarter la contestation élevée concernant l'attribution à ce salarié des données relevées sur l'ordinateur mis à sa disposition ; qu'aucun élément ne permet d'établir que l'installation du logiciel e-mule retrouvé dans le fichier personnel de M. Mickaël P. (sur lequel sont enregistrées d'autres données personnelles) a été réalisée à l'insu de ce salarié qui ne fait par ailleurs état d'aucun conflit avec la dirigeante de l'étude ou d'autres salariés bénéficiaires par délégation de pouvoirs de direction ;

 Considérant en conséquence qu'il convient de confirmer le jugement déféré, l'installation d'un logiciel permettant le téléchargement illégal d'œuvres musicales à partir de l'adresse IP de l'étude B.-P. étant constitutive d'une faute grave rendant impossible le maintien de M. Mickaël P. à son poste de travail même pendant la durée du préavis ... »

Cette décision confirme que l'accès aux données, emails, connexions internet ou fichiers informatiques des salariés n'impose pas que ces derniers soient présents ni prévenus de sorte que l'employeur est libre d'y accéder dès lors que ces éléments sont de nature professionnelle.

Or, les fichiers détenus dans l'ordinateur d'un salarié sont par nature et en principe professionnels sauf s'ils sont identifiés comme personnels par le salarié.

Selon la chambre sociale de la Cour de cassation, il appartient au salarié d'identifier les messages qui sont personnels (Cass / Soc. 30 mai 2007 , n°05-43102).

Dans une telle hypothèse, l'employeur est tenu de respecter certaines règles à défaut de quoi les éléments auxquels il aura eu accès constitueront des moyens de preuve illicites et ne pourront, de ce fait, fonder la moindre sanction.

Ainsi, l'employeur ne peut pas valablement procéder à l'ouverture de fichiers portant la mention "personnel" sauf en présence du salarié et après l'avoir prévenu.

A cet égard, le salarié peut revendiquer son droit au respect de sa vie privée.

Dans ce contexte, des arguments existent pour les deux parties afin de faire plier l'autre.

Par le passé, la chambre sociale de la Cour de Cassation a validé des licenciements pour faute grave en jugeant que :

  • un email adressé malencontreusement en copie à une collègue ainsi qu'à son épouse, dans lequel l'auteur insultait sa hiérarchie, était en rapport avec son activité professionnelle et ne revêtait donc pas un caractère privé (Cass. Soc., 2 février 2011 , n°09-72313) ;

  • des emails provocateurs n'ayant pour objet que la simple mention "info" sont en rapport avec l'activité professionnelle des intéressés et de ce fait ne sont pas couverts par le secret de la correspondance (Cass. Soc., 2 février 2011 , n°09-72449 et n°09-72450) ;

  • un salarié qui empêche son employeur d'accéder à son ordinateur, notamment en installant un code ou un procédé de cryptage, encourt un licenciement pour faute grave, quelque soit le contenu des fichiers éventuellement découverts (Cass. Soc., 18 octobre 2006 , n°04-48025) ;

  • toutes les connexions internet du salarié sont présumées avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut les rechercher aux fins de les identifier même en dehors de la présence du salarié (Cass. Soc., 9 juillet 2008 , n°06-45800) ;

  • toutes les connexions internet du salarié sont présumées avoir un caractère professionnel même en cas d'inscription de sites sur la liste des "favoris" (Cass. Soc,. 9 février 2010 , n°08-45253) ;

Enfin, en cas de faute constatée ou présumée et avant toute action, l'employeur est tenu de se constituer une preuve irréfutable ce que ne sont pas les copies d'écran ou les impressions d'emails ou de pages Internet.

Le recours à un homme de l'art s'impose tant pour la défense des intérêts de l'employeur que de ceux des salariés notamment s'agissant de la question de la preuve à établir ou à combattre.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
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