Licenciement du salarié pour connexion à des sites internet extra-professionnels au travail

Publié le Modifié le 24/06/2015 Vu 5 955 fois 0
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Quelles sont les conditions du licenciement d'un salarié qui se connecte à des sites internet extra-professionnels au travail ?

Quelles sont les conditions du licenciement d'un salarié qui se connecte à des sites internet extra-professi

Licenciement du salarié pour connexion à des sites internet extra-professionnels au travail

Le13 janvier 2015, la Cour d’appel d’Aix en Provence a jugé que les connexions internet extra- professionnelles violant la charte informatique en vigueur au sein de l'entreprise justifie le licenciement pour faute du salarié (Cour d’appel d’Aix en Provence, 17eme chambre, 13 janvier 2015).

En l'espèce, une personne a été employée par la société AIS, spécialisée dans le soutien scolaire, en qualité de responsable d’agence puis licenciée par son employeur suite à la découverte d’une liste très importante d’adresses de connexions à Internet à partir de son poste de travail. 

Les statistiques de connexions au web révélaient en effet : 

- 7.874 connexions sur le site eBay, 

- 98 connexions à Paypal (site de paiement en ligne pour les achats sur Internet),

- 790 connexions au site internet de La Redoute, 

- 306 connexions au site internet de Quelle, 

- 300 connexions au site internet des 3 Suisses, 

- 841 connexions au site internet Sarenza (site de vente de chaussures en ligne), 

- 25 connexions au forums de discussion Doctissimo.  

Lors de son entretien de licenciement, la salarié a affirmé ne pas s'être connectée à eBay depuis son poste de travail et nié une connexion massive sur d’autres sites internet. 

Or, l'employeur a pu constater que le plus grand nombre de connexion a été opéré sur le site de ventes aux enchères eBay à partir du pseudo "C", pseudo utilisé également pour ses mail personnels. 

En outre, l'employeur a constaté que plusieurs évaluations avaient été rédigées par cette employée  pendant ses horaires de travail et depuis son poste de travail.

De plus, l'employeur reprochait la consultation de sites de vente en ligne de lingerie ou de plaisanteries à caractère érotique. 

Enfin, aux termes du règlement intérieur de  l'entreprise était interdit notamment tout "usage abusif de l’Internet à des fins personnelles notamment l’accès à des sites de rencontre, shopping, jeux en ligne à plusieurs joueurs".

En outre, le règlement intérieur en vigueur au sein de l’entreprise dispose au chapitre « usage du matériel et des locaux » que "Les matériels informatiques, leurs supports et leurs logiciels, ainsi que les accès intranet et internet, mis à la disposition du personnel, doivent être utilisés conformément à leur objet et aux besoins de la fonction".

De plus, le règlement intérieur affiché dans les locaux de l’entreprise comprenait un chapitre intitulé « charte d’utilisation de la messagerie électronique d’intranet, d’internet » aux termes duquel "L’usage abusif de l’Intranet et/ou de l’accès à Internet à des fins personnelles notamment l’accès à des sites de rencontre, shopping privé, jeux en ligne à plusieurs joueurs" relève "d’agissements proscrits".

Dans ce contexte, l'employeur a licencié cette salariée pour faute grave qui a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Nice. 

Les juges prudhommaux ont condamné la société AIS 2 à verser à sa salarié les préavis, indemnité de licenciement, salaire retenu durant la mise à pied conservatoire.

Insatisfaite de la décision rendue, en appel, la salariée a sollicité la condamnation de l’employeur à lui verser des indemnités complémentaires. 

Cependant, les juges d’appel ont annulé le précédent jugement en considérant que ces connexions internet extra-professionnelles constituaient bien une violation délibérée et répétée de la charte informatique en vigueur au sein de l'entreprise, après avoir relevé que le nom de code personnel, le pseudo, permettait bien de rattacher ces connexions à la salariée qui en était l'auteur.

Pour minimiser sa responsabilité, la salariée a tenté vainement de soutenir qu’elle ne se connectait que durant son temps de pause et que ses connexions ne portaient pas préjudice à l’entreprise puisque les abonnements à internet sont illimités.

A cet égard, les juges d'appel ont considéré notamment que "lorsque la salariée était connectée à un site ludique, elle bloquait l’accès à son poste de travail et devenait de ce fait injoignable", cet état de fait ayant nécessairement eu des conséquences préjudiciables à l’entreprise comme l’indique la lettre de licenciement. Enfin, et surtout, l’employeur a payé à la sa salariée de très nombreuses heures de présence "sans contrepartie d’un travail effectif".

Cette décision s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation aux termes de laquelle le salarié qui ne respecte pas l’interdiction faite par le règlement intérieur de son employeur de se connecter sur internet à des fins personnelles peut être licencié pour faute grave (Cass. Soc., 18 décembre 2013, N° de pourvoi: 12-17832).

Cette décision est intéressante eu égard à la vérification faite par les juges de l'identité de la personne à l'origine des connexions internet litigieuses.

En effet, cet aspect technique est fondamental afin de valablement reprocher et sanctionner à un salarié des connexions en ligne.

A défaut d'huissier de justice derrière le poste de travail du salarié établissant le lien entre ce dernier et la connexion en ligne, il est en principe impossible de prouver ce lien de rattachement de ces connexions internet.

Il est donc nécessaire aux employeurs de prouver que le salarié est bien l'auteur de la connexion internet litigieuse grâce aux pseudos de connexion, email, évaluations, commentaires, avis, ... permettant d'établir un lien.

A défaut, il risque d'être périlleux pour les employeurs de reprocher des connexions internet abusives à leurs employés si ces derniers sont défendus par un avocat spécialisé en droit de l'internet et des nouvelles technologies.

Enfin, cette décision confirme l'opportunité et l'intérêt de la rédaction d'un règlement intérieur et/ou d'une charte informatique au sein des entreprises puisque les juges s'en servent de fondement au licenciement le cas échéant.

En interne, la rédaction d’une charte Internet ou un guide d’usage des médias sociaux s’impose afin d'informer les salariés :

- de leurs droits et de leurs devoirs dans leurs usages des médias sociaux,

- des problèmes d'e-réputation de leur employeur en cas de mauvais usages des médias sociaux,

- des risques juridiques qu’ils encourent pour eux-mêmes en cas d’atteinte à la réputation de leur employeur.

Pour souligner cette nouvelle nécessité sociale, il conviendra de rappeler que la Cour de cassation a rendu un arrêt aux termes duquel elle jugé que la détention de fichiers pornographiques par un salarié sur son poste de travail, en violation de la charte informatique de l'entreprise, caractérise une faute grave justifiant son licenciement par son employeur (Cass. Soc. 15 décembre 2010, n°09-42691).

Ainsi, peu importe leur appellation, les Chartes informatiques, Chartes Internet ou chartes d'utilisation des nouvelles techniques d'information et de télécommunication ou leurs avenants ont pour intérêt de :

- prohiber la diffusion et le téléchargement de fichiers protégés par le droit d’auteur ;

- prohiber la diffusion et le téléchargement d'images, de vidéos ou de contenus à caractère pornographique, pédophile, violent, raciste, etc … ;

- limiter le risque d'utilisation abusive des outils de travail mis à la disposition des salariés par leur employeur, tels que les ordinateurs ou smartphones pour se connecter à des fins personnelles sur internet, pendant leur temps de travail.

La rédaction de ces documents devront respecter le régime du contrôle interne des salariés, à savoir :

- la transparence, en application des dispositions de l'article L 121-8 du code du travail qui dispose "qu'aucune information concernant personnellement un salarié ou un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié ou du candidat à l'emploi" ;

- la proportionnalité du mode de surveillance qui devra être en conformité avec les objectifs de loi création et liberté et ne pas sortir de ce cadre ;

- la discussion collective, une concertation avec le comité d'entreprise ou les délégués du personnel conformément à l'obligation d'information préalable.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
Avocat à la Cour
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