Les Maires ne peuvent pas interdire l'installation d'antennes relais de téléphonie mobile

Publié le Modifié le 09/04/2012 Vu 14 690 fois 0
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Par trois décisions du 26 octobre 2011, le Conseil d’État a jugé que les Maires ne peuvent, ni au titre de leurs pouvoirs de police générale ni en se fondant sur le principe de précaution adopter une réglementation portant sur l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes et par voie de conséquence annule des arrêtés municipaux interdisant sur le territoire communal l’installation d’antennes de téléphonie mobile dans un rayon de 100, 300 mètres autour des crèches, des établissements scolaires ou recevant un public mineur et des résidences de personnes âgées. (CE, 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis, n°326492 ; CE, 26 octobre 2011, Commune des Pennes-Mirabeau, n°329904 ; CE, 26 octobre 2011, Société Française de Radiotéléphone, n°s 341767,341768)

Par trois décisions du 26 octobre 2011, le Conseil d’État a jugé que les Maires ne peuvent, ni au titre d

Les Maires ne peuvent pas interdire l'installation d'antennes relais de téléphonie mobile

Nous envisagerons ci-après :

- La réglementation portant sur le pouvoir des Maire en matière d’implantation d’antennes relais de téléphonie mobile sur leur commune (1) ;

- Les faits à l’origine des décisions (2) ;

- La position du Conseil d’Etat (3).

1 – La réglementation relative au pouvoir d'interdiction d’implantation d’antennes relais de téléphonie mobile

Dans ces trois affaires les Maires ont cru, à tort, disposer de pouvoir en matière d’implantation d’antennes relais de téléphonie mobile sur leur commune fondé sur :

- Le code des postes et des communications électroniques (1.1) ;

- Le principe de précaution contenu dans la Charte de l’environnement (1.2).

1.1 – La réglementation en matière d’implantation d’antennes relais de téléphonie mobile figurant dans le code des postes et des communications électroniques

Selon le Conseil d’Etat :

« Le législateur a organisé une police spéciale des télécommunications confiée à l’Etat ; qu’afin d’assurer, sur l’ensemble du territoire national et conformément au droit de l’Union européenne, d’une part, un niveau élevé et uniforme de protection de la santé publique contre les effets des ondes électromagnétiques émises par les réseaux de télécommunications, qui sont identiques sur tout le territoire, d’autre part, un fonctionnement optimal de ces réseaux notamment par une couverture complète de ce territoire, le législateur a confié aux seules autorités qu’il a désignées, c’est-à-dire au ministre chargé des communications électroniques, à l’ART et à l’ANFR, le soin de déterminer, de manière complète les modalités d’implantation des stations radioélectriques sur l’ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu’elles émettent ; que les pouvoirs de police spéciale ainsi attribués aux autorités nationales, qui reposent sur un niveau d’expertise et peuvent être assortis de garanties indisponibles au plan local, sont conférés à chacune de ces autorités, notamment pour veiller, dans le cadre de leurs compétences respectives, à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques et à la protection de la santé publique »

L’article L. 32‑1-I du code des postes et des communications électroniques prévoit que les activités de communications électroniques, si elles s’exercent librement, doivent respecter les autorisations légales et notamment celles relatives à l’utilisation des fréquences radioélectriques et l’implantation des stations radioélectriques de toute nature.

En vertu du II de ce même article, le ministre chargé des communications électroniques et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) veillent notamment, dans le cadre de leurs attributions respectives, au respect de l’ordre public par les exploitants de réseaux de communications électroniques ainsi qu’à la gestion efficace des fréquences radioélectriques.

En outre, l’article L. 43 du même code donne mission à l’Agence nationale des fréquences (ANFR), établissement public administratif de l’Etat, notamment de coordonner « l’implantation sur le territoire national des stations radioélectriques de toute nature », en autorisant ces implantations, et de veiller « au respect des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques » définies, en application de l’article L. 34-9-1 du même code.

Ainsi, l’article L. 97‑1 du code donne notamment mission à l’Agence nationale des fréquences (ANFR), établissement public administratif de l’Etat, de coordonner « l’implantation sur le territoire national des stations radioélectriques de toute nature afin d’assurer la meilleure utilisation des sites disponibles » et, à cet effet, d’autoriser leur implantation

En application des articles R. 20-44-10 et suivants du code, l’ANFR peut diligenter des vérifications sur place effectuées par des organismes répondant à des exigences de qualités fixées par décret et selon un protocole de mesure déterminé par arrêté ministériel.

Par ailleurs, en vertu de l’article L. 36‑7 du code des postes et des communications électroniques, l’Autorité de régulation des télécommunications (ART) instruit pour le compte du ministre les demandes d’autorisation, contrôle le respect, par les opérateurs, des obligations résultant des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables en vertu du code et des autorisations dont ils bénéficient, et sanctionne les manquements constatés.

Enfin, l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques dispose que « l’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public sont autorisés par le ministre chargé des télécommunications », l’autorisation étant soumise à l’application des règles contenues dans un cahier des charges et portant notamment sur « les prescriptions exigées par la protection de la santé et de l’environnement ». 

C’est sur le fondement de tout ou partie de ces textes que les juges administratifs ont considéré qu’« il résulte de ces dispositions que le législateur a organisé de manière complète une police spéciale des communications électroniques confiée à l’Etat »

1.2 – Le principe de précaution contenu dans la Charte de l’environnement

L’article 5 de la Charte de l’environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 dispose que « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

Il résulte de ces dispositions que le principe de précaution, s’il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d’attributions, ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attributions.

2 – Les faits à l’origine des décisions

2.1 - L’affaire Commune de Saint-Denis

Le maire de la commune de Saint-Denis, se fondant notamment sur le principe de précaution, a, par arrêté en date du 14 septembre 2006, interdit sur le territoire de la commune l’installation d’antennes de téléphonie mobile dans un rayon de 100 mètres autour des crèches, des établissements scolaires ou recevant un public mineur et des résidences de personnes âgées, de manière temporaire, jusqu’à la mise en place d’une charte entre les opérateurs de réseaux de communications électroniques et la communauté de communes de la Plaine Commune.

Les sociétés Bouygues Telecom, Orange France et la Société française de radiotéléphone (SFR) avaient sollicité du tribunal administratif de Cergy-Pontoise qu’il annule un arrêté municipal interdisant l’installation des antennes de téléphonie mobile dans un rayon de 100 mètres autour des crèches, des établissements scolaires ou recevant un public mineur et des résidences de personnes âgées.

Par un jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles ; les juges ont annulé l’arrêté précité.

La Commune de Saint-Denis s’est pourvue devant le Conseil d’Etat contre cet arrêt.

2.2 - L’affaire Commune des Pennes-Mirabeau

Par arrêté, le maire de la Commune des Pennes-Mirabeau a interdit l’implantation d’antennes de téléphonie mobile sur le territoire de la commune dans un rayon de 300 mètres autour des habitations et des établissements recevant du public et a soumis l’installation des antennes à une demande préalable à la commune et à un avis favorable de celle-ci.

Sur demande de la société Bouygues Telecom, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté

Son jugement a été confirmé par la cour administrative d’appel de Marseille par un arrêt en date du 18 mai 2009.

La Commune des Pennes-Mirabeau s’est pourvue devant le Conseil d’Etat contre cet arrêt.

2.3 - L’affaire Société Française de Radiotéléphone

La Société Française de Radiotéléphone (SFR) a saisi, en référé, le juge administratif afin de suspendre :

- l’arrêté du 12 février 2010 par lequel le Maire de Bordeaux a limité les implantations d’antennes de téléphonie mobile sur le territoire de la commune, soumis tout projet d’implantation d’antenne de téléphonie mobile à une procédure préalable et autorisé les services de la ville à effectuer des contrôles, d’autre part,

- la décision du Maire de Bordeaux du 16 avril 2010 par laquelle il s’était opposé, sur le fondement de cet arrêté, à l’installation d’une antenne sur le toit d’un immeuble de la rue Fondaudège.

Le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a retenu qu’aucun des moyens soulevés par SFR n’était, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de ces actes.

3 - La position du Conseil d’Etat

Le conseil d’Etat a jugé que les Maires ne peuvent, ni au titre de leurs pouvoirs de police générale ni en se fondant sur le principe de précaution adopter une réglementation portant sur l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes et par voie de conséquence annule des arrêtés municipaux interdisant sur le territoire communal l’installation d’antennes de téléphonie mobile dans un rayon de 100 mètres autour des crèches, des établissements scolaires ou recevant un public mineur et des résidences de personnes âgées.

Leurs arrêtés municipaux ont ainsi été annulés.

L’essentiel de la motivation de ces décisions est repris ci-après :

« Afin d’assurer, sur l’ensemble du territoire national et conformément au droit de l’Union européenne, d’une part, un niveau élevé et uniforme de protection de la santé publique contre les effets des ondes électromagnétiques émises par les réseaux de communications électroniques, qui sont identiques sur tout le territoire, d’autre part, un fonctionnement optimal de ces réseaux notamment par une couverture complète de ce territoire, le législateur a confié aux seules autorités qu’il a désignées, c’est-à-dire au ministre chargé des communications électroniques, à l’ARCEP et à l’ANFR, le soin de déterminer, de manière complète, les modalités d’implantation des stations radioélectriques sur l’ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu’elles émettent ; que les pouvoirs de police spéciale ainsi attribués aux autorités nationales, qui reposent sur un niveau d’expertise et peuvent être assortis de garanties indisponibles au plan local, sont conférés à chacune de ces autorités, notamment pour veiller, dans le cadre de leurs compétences respectives, à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques et à la protection de la santé publique. (CE, 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis, n°326492)

Si les articles L. 22121 et L. 22122 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale conférés aux autorités de l’Etat, adopter sur le territoire de la commune une réglementation portant sur l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes. (CE, 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis, n°326492 ; CE, 26 octobre 2011)

Le principe de précaution, s’il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d’attributions, ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attributions ; que, par conséquent, la circonstance que les valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques fixées au niveau national ne prendraient pas suffisamment en compte les exigences posées par le principe de précaution n’habilite pas davantage les maires à adopter une réglementation relative à l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes. (CE, 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis, n°326492 ; CE, 26 octobre 2011, Société Française de Radiotéléphone, n°s 341767,341768)

Le maire ne peut, ni au titre de ses pouvoirs de police générale ni en se fondant sur le principe de précaution, adopter une réglementation portant sur l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes. (CE, 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis, n°326492 ; CE, 26 octobre 2011, Commune des Pennes-Mirabeau, n°329904 ; CE, 26 octobre 2011, Société Française de Radiotéléphone, n°s 341767,341768)

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