Les banques sont tenues au respect d’une obligation d’éclairer leur client emprunteur sur l’adéquation de l’assurance de prêt à leur situation personnelle.Â
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En l’espèce, le Crédit logement a garanti la banque BNP Paribas du bon remboursement d’un prêt immobilier consenti à un emprunteur.Â
Ce dernier avait aussi adhéré au contrat d’assurance de groupe souscrit par la banque.Â
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Ayant été placé en arrêt maladie, l’emprunteur a demandé la prise en charge du remboursement des mensualités du prêt de la BNP par l’assurance.Â
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Cependant, l’assurance a refusé le paiement des échéances de crédit au motif qu’il avait atteint l’âge au-delà duquel le risque de maladie n’était plus garanti.
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Des échéances de prêt sont demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt.Â
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Dans ce contexte, la société Crédit Logement, appelée en garantie en qualité de caution, a payé à la banque toutes les sommes restant dues par l’emprunteur.Â
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Par la suite, le Crédit Logement a assigné en justice l’emprunteur afin d’obtenir sa condamnation à lui rembourser la somme payée à la banque pour son compte.Â
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Néanmoins, l’emprunteur a reconventionnellement opposé au Crédit Logement le manquement de la banque à son devoir de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle.
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En appel, les juges ont déclaré prescrite la demande de mise en jeu de la responsabilité de la banque.Â
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Cependant, la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel sur ce point.Â
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En effet, selon les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, « les actions personnelles ou mobilières entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
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Sur le fondement de ces textes, le 6 janvier 2021, la cour deÂ
Cassation a jugé que :
« Lorsqu’un emprunteur, ayant adhéré au contrat d’assurance de groupe souscrit par la banque prêteuse à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, reproche à cette banque d’avoir manqué à son obligation de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur et d’être responsable de l’absence de prise en charge, par l’assureur, du remboursement du prêt au motif que le risque invoqué n’était pas couvert, le dommage qu’il invoque consiste en la perte de la chance de bénéficier d’une telle prise en charge.  Ce dommage se réalisant au moment du refus de garantie opposé par l’assureur, cette date constitue le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité exercée par l’emprunteur ». (Cour de cassation, Chambre commerciale, 6 janvier 2021, 18-24.954)
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Par conséquent, la cour de cassation a considéré que le dommage résultant du manquement de la banque à son obligation d’éclairer un emprunteur sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle consiste en une perte de chance de ne pas contracter.Â
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De plus, elle estime opportunément en faveur de l’emprunteur que le préjudice ne se manifeste pas dès l’obtention du crédit par l’emprunteur mais à l’occasion du refus de prise en charge des mensualités du prêt par l’assureur.
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En effet, l’assuré ne prend connaissance du dommage né d’un manquement à un devoir de conseil sur l’adéquation de la garantie souscrite à ses besoins qu’au moment du refus de garantie.Â
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L’assuré prend connaissance du dommage né d’un manquement du banquier à son devoir de conseil sur l’adéquation de la garantie souscrite à ses besoins au moment du refus de prise en charge de la garantie par la compagnie d’assurance.Â
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Le refus d’indemnisation constitue donc le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité contre la banque débitrice de l’obligation de conseil à l’égard de l’emprunteur. Â
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C’est donc la date du refus de prise en charge du sinistre par l’assureur qui constitue le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité de l’emprunteur contre la banque débitrice de l’obligation de conseil.Â
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Ce décalage du point de départ de l’action en responsabilité contre la banque est extrêmement important en pratique.Â
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Les conditions de mise en oeuvre du contrat d’assurance sont rarement claires et lues par les clients des banques.Â
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On comprend donc que les emprunteurs ne puissent pas réellement prendre conscience de l’inadaptation de leur assurance de prêt à leur situation, surtout que les compagnies d’assurance interprètent souvent à leur avantage les clauses contractuelles pour refuser de payer le crédit en lieu et place de l’emprunteur.Â
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Ainsi, on comprend de cette décision que le manquement de la banque à son devoir d’information et à son obligation particulière de conseil vis à vis de l’emprunteur prive ce dernier de son droit à être éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle.Â
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A défaut, l’emprunteur peut valablement revendiquer le droit à indemnisation de la perte de chance qu’il a subi de ne pas contracter un crédit dans les conditions qu’il a obtenus.Â
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Anthony Bem
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