Le manquement au devoir conjugal ou l’abstinence sexuelle ne peut plus être une cause de divorce

Publié le 06/02/2025 Vu 146 fois 0
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Le divorce pour faute peut-il être prononcé aux torts exclusifs d’un époux ou d’une épouse pour non-respect du devoir conjugal ou d’abstinence sexuelle ?

Le divorce pour faute peut-il être prononcé aux torts exclusifs d’un époux ou d’une épouse pour non-re

Le manquement au devoir conjugal ou l’abstinence sexuelle ne peut plus être une cause de divorce

Le 23 janvier 2025, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France pour violation du droit au respect de la vie privée, prévu par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme pour avoir prononcé le divorce aux torts de l’épouse qui se refusait sexuellement à son époux (Arrêt W. c. France, n° 13805/21 du 23 janvier 2025).

En France, un divorce pour faute pouvait être prononcé aux torts exclusifs de l’épouse ou de l’époux en raison de l’absence de relations intimes avec son conjoint ou sa conjointe.

Pour mémoire, en France, le divorce peut être prononcé pour faute, lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à un des époux et rendent intolérable le maintien de la vie commune (article 242 du Code civil).

Selon la jurisprudence française constante, les époux sont tenus à un devoir conjugal, qui les oblige à entretenir des relations sexuelles ; ainsi « l’abstention prolongée de relations intimes imputées à l’épouse » était constitutive d’une faute justifiant de prononcer le divorce aux torts exclusifs de l’épouse (Cour de cassation, Deuxième chambre civile,17 décembre 1997, n°96-15.704).

En conséquence, l’absence de relation sexuelle semble être retenue comme une faute dans le mariage susceptible d’entrainer le divorce en droit français.

En l’espèce, une épouse a assigné son mari en divorce pour faute car il avait privilégié sa carrière professionnelle au détriment de leur vie familiale.

Cependant, ce dernier a demandé au juge que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de l’épouse, pour absence de relations intimes.

Les juges ont ainsi prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal aux torts de l’épouse, estimant que le refus de relations intimes avec son époux constitue une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations des époux.

Après le rejet de son pourvoi par la Cour de cassation, la requérante a assigné la France devant la Cour européenne des droits de l’Homme afin de contester les motifs pour lesquels le divorce a été prononcé, invoquant le principe du droit au respect de la vie privée des époux.

En effet, l’article 8 de la Convention prévoit que toute personne a le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

La notion de vie privée est très large et recouvre notamment, le respect de l’intégrité physique, la liberté sexuelle et la liberté de disposer de son corps ( CEDH, M.A. et autres c. France, n° 63664/19).

Ainsi, la Cour européenne des droits de l’Homme se doit de garantir ces droits à chaque individu, notamment en les protégeant de l’ingérence arbitraire des autorités nationales.

Compte tenu que le fait d’avoir ou non des relations intimes avec son époux relève de la vie privée des époux, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France pour violation du droit au respect de la vie privée de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

En effet, la Cour considère qu’aucune raison particulièrement grave ne justifie l’ingérence des autorités dans le domaine de la sexualité, un des aspects les plus intimes de la vie privée.

Par ailleurs, elle considère que l’obligation matrimoniale, qui implique l’obligation d’avoir des rapports sexuels entre époux, est en contradiction avec le principe de la liberté sexuelle, de la libre disposition de son corps, ainsi qu’avec l’obligation positive de prévention d’un Etat en matière de lutte contre les violences domestiques et sexuelles.

Enfin, la Cour européenne rappelle qu’une relation sexuelle non consentie entre époux est qualifiée viol entre les époux, pénalisé en France depuis 1992 (Cour de cassation chambre criminelle, 11 juin 1992, n° 91-86.346).

Il en découle d’une part que le mariage n’est pas l’engagement d’un consentement perpétuel de relations intimes au sein d’un couple ; d’autre part l’absence de relations sexuelles au sein d’un couple marié, ne semble plus pouvoir induire le divorce pour faute.

Au travers de son arrêt, la Cour européenne des droits de l’Homme priorise la liberté sexuelle individuelle sur le devoir conjugal.

Les juges français ne pourront donc plus prononcer de divorce ni condamner un époux ou une épouse en raison de leur abstinence sexuelle afin de se conformer au principe posé par cet important arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme.

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Anthony Bem
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