Pour mémoire, l’article L713-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que :
« La reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. »
En d’autres termes, le titulaire d’une marque notoire peut engager la responsabilité civile d’un tiers qui utilise un signe similaire à sa marque, dès lors que :
- le degré de similitude entre la marque notoire et le signe conduit le public concerné à établir un lien entre le signe et la marque ;
- et que ce lien est de nature à permettre au tiers de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou de leur porter préjudice.
Cette protection ne joue que pour les marques notoires, lesquelles sont généralement définies comme des marques connues d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par ces marques (exemples : Coca Cola, Guerlain, etc …)
S’agissant des autres signes distinctifs dont la dénomination sociale, le nom commercial, l’enseigne, et les noms de domaine, ils sont protégeables sur le fondement de la responsabilité de droit commun, dès lors que ces utilisations constituent des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme.
Dans l’affaire jugée le 6 décembre 2013, les prétentions du demandeur étaient fondées à la fois sur la contrefaçon de marques notoires et sur la responsabilité civile pour concurrence déloyale. (TGI de Paris, 6 décembre 2013, Vente-privée.com / M.A)
En l’espèce, la société Vente-privee.com a découvert qu’une personne utilisait les noms de domaine «venteprivees.com», «ventprivee.com», «vente-priveee.com» et «ventprive.com.»
Le titulaire des noms de domaines proposait ceux-ci aux enchères sur le site internet www.sedo.fr et les exploitait via des pages parking sur lesquelles étaient mis en place des liens hypertextes publicitaires.
Après avoir vainement adressé des lettres de mises en demeure au titulaire des noms de domaine dans le but d’obtenir le transfert des ceux-ci, la société Vente-privee.com a alors assigné ce dernier en demandant que celui-ci soit condamné pour avoir porté atteinte à la dénomination sociale, au nom commercial, à l’enseigne et aux noms de domaine de la société Vente-privee.com.
Le tribunal de grande instance de Paris a fait droit aux demandes de la société Vente-privée.com en considérant qu’au vu des importants chiffres d’affaires réalisés par la société Vente-privée.com et des nombreux articles de presse évoquant ladite société et ses activités sur internet, la dénomination sociale de cette dernière, ses marques semi-figuratives « vente-privee » et « vente-privee.com », son nom commercial « vente-privee.com », son enseigne « vente-privee.com » et les noms de domaine « venteprivee.com » et « vente-privee.fr » doivent être considérés comme notoires.
Ensuite, le tribunal a relevé que les noms de domaine litigieux sont très fortement similaires avec les éléments verbaux des marques semi-figuratives de la société Vente-privee.com, qui sont composés des mots « vente » et « privée ».
De ce fait, « tant visuellement que phonétiquement et conceptuellement, le public concerné fera le lien avec les marques de la société Vente-privée.com qu’il connaît pour désigner des services de promotion et de vente en ligne, et attribuera à de simples fautes d’orthographe ou erreurs de frappe les différences entre les noms de domaine litigieux et les marques en cause, qui tiennent à une lettre ou un tiret (…) »
De même, l’internaute fera le lien entre les signes litigieux et les marques du fait que « ceux-ci sont utilisés pour désigner des services de publicité menant à des sites de commerce en ligne, ce qui constitue des services identiques à ceux pour lesquels les marques « vente-privee » et « vente-privee.com » sont notoires. »
Dès lors, selon le tribunal, il était évident que le titulaire des noms de domaine litigieux a eu pour intention de s’attirer le public français d’internautes étant à la recherche du site vente-privee.com et entendait ainsi tirer profit de la vente de noms de domaine dont le caractère attractif découlait uniquement de leur très forte similarité avec les marques renommées de la société Vente-privée.com.
Pour le tribunal, ces actes caractérisent un usage du signe tirant indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des trois marques de la société Vente-privee.com et engagent à ce titre la responsabilité civile délictuelle du titulaire des noms de domaine litigieux sans qu’il soit nécessaire de démontrer en outre qu’il a été porté atteinte au caractère distinctif ou à la renommée de ces marques.
Les juges ont également condamné le titulaire des noms de domaine litigieux pour avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en utilisant des noms de domaine extrêmement proches des noms de domaine, nom commercial, enseigne et dénomination sociale notoirement connus de la société Vente-privee.com, qui sont tous constitués des termes « vente » et « privée » séparés par un tiret et du suffixe « .com » évoquant le site internet très connu du public français sur lequel elle exerce ses activités.
En conséquence, les juges ont ordonné au titulaire des noms de domaine litigieux de cesser toute exploitation des noms de domaine « venteprivees.com », « vente-priveee.com », « ventprivee.com » et « ventprive.com », et ce sous astreinte de 500 € par infraction constatée et l’ont condamné à verser à la société Vente-Privee.com la somme de 15 000 € à titre provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices consécutifs aux atteintes avérées portées à ses marques ainsi qu’à ses dénomination sociale, nom commercial, enseigne et noms de domaine.
Cette décision sauve la marque "vente-privee.com" qui avait été annulée, le 28 novembre 2013, par la même juridiction pour absence de caractère distinctif.
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Anthony Bem
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