Les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires au redressement et à liquidation des entreprises sont des auxiliaires de la justice.
Ils exercent une profession libérale réglementée.
Ils concourent à titre exclusif à la mise en oeuvre, sur mandat judiciaire, de la législation sur le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises.
Il existe une différence de rôle et missions entre l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire.
L’administrateur judiciaire a essentiellement pour tâche d’administrer, d’assister ou de surveiller les entreprises en difficulté.
Un administrateur n’est pas nommé dans toutes les procédures de redressement judiciaire, en particulier, dans les procédures simplifiées où l’activité est poursuivie par le débiteur, sauf, s’il apparaît nécessaire au tribunal de nommer un administrateur.
Sa mission peut être, soit de surveiller les opérations de gestion, soit d’assister le débiteur pour tous les actes concernant la gestion ou certains d’entre eux, soit d’assurer, seul, entièrement ou en partie l’administration de l’entreprise et dans sa mission.
Le mandataire judiciaire représente les créanciers et procède, s’il y a lieu, à la liquidation de l’entreprise.
Le tribunal de commerce leur confie une mission d’intérêt général sans attribution de prérogatives de puissance publique.
Les mandataires de justice engagent ainsi leur responsabilité civile professionnelle en cas de fautes et négligences commises dans l’exécution de leurs mandats.
A cet égard, ils souscrivent une assurance par l’intermédiaire d’une caisse de garantie à laquelle ils sont tenus d’adhérer.
L’action en responsabilité civile exercée à leur encontre relève de la compétence du tribunal de grande instance.
Elle peut être engagée par les créanciers, le débiteur ou par un tiers, à charge d’établir l’existence de la faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre les deux premiers éléments.
Il s’agit d’une action dite en « responsabilité civile professionnelle ».
L’administrateur judiciaire peut notamment mettre en jeu sa responsabilité civile professionnelle en cas de violation des obligations légales et conventionnelles incombant au chef d’entreprise (art. L. 621-22 C. com).
La responsabilité de l’administrateur est, pour l’essentiel, mise en cause en ce qui concerne les actes de gestion au cours de la période d’observation.
Le jugement d’ouverture du redressement judiciaire ouvre une période d’observation de six mois pendant laquelle la poursuite de l’exploitation s’impose, sauf, à l’administrateur à demander la cessation d’activité ou la conversion en liquidation judiciaire.
La continuation de l’exploitation devient irrégulière si elle est poursuivie, au delà de ce délai, sans renouvellement ou prolongation de la période d’observation.
Le dépassement de la période d’observation n’est pas sanctionné mais est un élément à prendre en considération pour apprécier la responsabilité de l’administrateur.
La jurisprudence sur la responsabilité des administrateurs dans la gestion de l’entreprise, au cours de la période d’observation, s’organise autour des thèmes suivants :
- les mesures conservatoires ;
- les opérations de gestion courante, visa ou contreseing d’un bon de commande ;
- la continuation des contrats ;
- le paiement des créances de la procédure ;
- le respect des obligations légales et conventionnelles du chef d’entreprise.
S’agissant des mesures conservatoires, il incombe à l’administrateur judiciaire de prendre toutes les mesures conservatoires, notamment, celles en vue de permettre la restitution d’une marchandise vendue avec clause de réserve de propriété.
L’administrateur commet une faute lorsque son inaction rend impossible la restitution de la marchandise.
Un administrateur a ainsi déjà été condamné au paiement de dommages-intérêts suite à la vente de
marchandises dont il lui appartenait d’affecter les fonds provenant de cette vente au règlement de la créance du revendiquant à l’issue de la revendication (cour de cassation, chambre commerciale, 11 décembre 2001, n° 99-13.476).
En l’espèce, une société a été mise en redressement judiciaire le sans avoir payé le prix de marchandises livrées.
Le fournisseur se fondant sur une clause de réserve de propriété, a présenté une requête en revendication des marchandises.
Le juge-commissaire a ordonné à l’administrateur judiciaire de restituer les marchandises mais lui a accordé toutefois la faculté de les payer, à charge de garantir le paiement du prix.
N'ayant pu obtenir la restitution des marchandises, vendues dans le cadre du plan de cession ou leur paiement, le fournisseur a demandé la condamnation personnelle de l’administrateur judiciaire à l’indemniser de son préjudice subi.
En effet, il appartenait à l'administrateur judiciaire de bloquer les fonds représentant la valeur des marchandises, objet de la requête en revendication, jusqu'à ce qu'il ait été irrévocablement statué sur l'action en revendication.
La cour de cassation a considéré que l'administrateur judiciaire engageait sa responsabilité :
« dès lors que les marchandises litigieuses existaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure collective mais qu'elles avaient, après la revendication exercée dans le délai légal, été incluses dans le plan de cession des actifs de l'entreprise, l'administrateur ne pouvait, procéder à leur cession sans en payer la valeur et avoir relevé que le juge-commissaire avait accueilli l'action en revendication, l'arrêt retient que l’administrateur judiciaire devait bloquer les fonds représentant la valeur des marchandises jusqu'à ce qu'il ait été irrévocablement statué sur cette action et qu'en se dessaisissant de ces marchandises au profit du cessionnaire sans détenir, en contrepartie, les fonds en représentant la valeur, il avait commis une négligence fautive à l'origine du préjudice subi ».
Il résulte notamment de cette décision que le fait pour l'administrateur judiciaire de se dessaisir, au profit du cessionnaire, de marchandises revendiquées, sans détenir en contrepartie les fonds en représentant la valeur est une faute.
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Anthony Bem
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