Le 8 juillet 2015, la cour de cassation a eu l'occasion de revenir sur les conditions de mise en jeu de la responsabilité de l'état pour faute de la justice (Cour de cassation, chambre civile 1, 8 juillet 2015, N° de pourvoi: 14-15396).
Le service de la justice n'est pas irréprochable.
A cet égard, le législateur a prévu à l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire que :
« L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.
Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ».
La responsabilité de l’État suppose donc l'existence :
- soit d’une faute lourde ;
- soit d'un déni de justice.
L’action en responsabilité de l’État à raison de l’activité juridictionnelle des tribunaux judiciaires concerne tous les actes juridictionnels, ou non, accomplis par les juges à l’occasion du litige qui leur est soumis.
Le "service de la justice" englobe :
- l’activité des magistrats du siège ;
- l’activité des magistrats du parquet ;
- l’activité des greffiers ;
- et, d’une manière générale, l'activité de tous les agents participant à des opérations d'enquête et de police judiciaire.
A l'origine, la Cour de cassation définissait la faute lourde comme « celle qui a été commise sous l’influence d’une erreur tellement grossière qu’un magistrat normalement soucieux de ses devoirs n’y eut pas été entraîné » (Civ. 1ère, 13 octobre 1953 ; Civ. 1ère, 10 juin 1999, n° 97-11780).
La faute lourde a notamment été retenue en cas de :
- animosité personnelle (C.A Paris, 13 mars 1985 : B.C c/ Trésor Public),
- intention de nuire (C.A Paris, 25 mai 1988, Sté Fils de Ramel),
- mauvaise foi (C.A Paris, 29 mai 1990, Delalande c/ A.J.T),
- absence de tout acte d’instruction (Civ. 1ère, 29 juin 1994),
- la divulgation d’information à l’Agence France-Presse (AFP) par les services de la répression des fraudes à l’occasion d’une enquête de police judiciaire permettant d’identifier les personnes en cause (Civ. 1ère, 9 mars 1999),
- l’exécution d’une opération de police judiciaire en l’absence de l’élément légal de l’infraction supposée (Civ. 1ère, 15 octobre 1996),
- disparition, dans des circonstances indéterminées, d’un dossier pénal d’instruction, alors que des copies de pièces n’avaient pas été établies, comme le prescrit l’article 81 du Code de procédure pénale (T.G.I Paris, 5 janv. 2000),
- mise en détention provisoire non justifiée (C.A Paris, 14 juin 1998),
- injonction de conclure à deux ans et fixation de la date des plaidoiries à trois ans (T.G.I Paris, 6 juillet 1949),
- carence d’un greffe correctionnel pour délivrer à la partie civile la grosse d’un jugement (T.G.I Thonon Les Bains, 3 novembre 1994).
Progressivement, la jurisprudence s'est assouplie et les juges n'exigent plus une faute en tant que telle mais une « déficience du service public le rendant inapte à remplir la mission dont il est investi », une omission, une négligence ou une erreur.
Ainsi, le 23 février 2001, la cour de cassation a jugé que la faute lourde est constituée par « toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ».
Il en résulte que le fonctionnement défectueux du service s'apprécie indépendamment de toute considération psychologique du comportement du ou des agents concernés.
De plus, la faute lourde peut résulter d’une "série de faits".
Autrement dit, si, pris isolément, aucune des négligences ne s’analyse en une faute lourde, en revanche, le fonctionnement défectueux du service public de la justice qui découle de leur réunion revêt le caractère d’une faute lourde.
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Anthony Bem
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