Modalités de preuve judiciaire de l'existence d'actes de concurrence déloyale ou de parasitisme

Publié le 26/01/2015 Vu 6 291 fois 0
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Sous quelles conditions peut-on demander au juge de désigner un huissier de justice pour procéder à un constat ou des saisies dans les locaux d’un concurrent en cas d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme ?

Sous quelles conditions peut-on demander au juge de désigner un huissier de justice pour procéder à un cons

Modalités de preuve judiciaire de l'existence d'actes de concurrence déloyale ou de parasitisme

Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie a pour corollaire celui de la liberté de la concurrence.

Cela implique que toute entreprise est libre d’attirer et de démarcher la clientèle de son concurrent.

Toutefois, cette liberté doit s’exercer loyalement.

A cet égard, il existe des règles spécifiques interdisant la concurrence déloyale et le parasitisme.

En l’espèce, la société Vente-privée.com et la société Showroomprivé.com sont réputées pour la vente de produits de marque à prix discount via leur site internet.

Or, la société Vente-privée.com a soupçonné la société Showroomprivé.com de commettre des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son préjudice.

Pour cela, la société Vente-privée.com a formé une requête auprès du tribunal de commerce statuant en référé et a obtenu par ordonnance la désignation d’un huissier de justice aux fins de constat et de saisie dans les locaux de la société Showroomprivé.com.

Dans ce contexte, la société Showroomprivé.com a sollicité la rétractation de l’ordonnance pour tenter de faire annuler les actes de preuve susceptibles de pouvoir être obtenus.

La Cour d’appel a décidé de rétracter l’ordonnance et d’ordonner à la société Vente-privée.com de restituer à la société Showroomprivé.com tous les documents mis sous séquestre.

La Cour de cassation a confirmé la position des premiers juges en considérant que :

« si les contrats de commercialisation contiennent un certain nombre de clauses similaires, celui de la société Showroomprivé.com n’est pas la copie servile ou quasi-servile de celui de la société Vente-privée.com, l’arrêt retient,

d’abord, qu’il n’est pas anormal que leurs contrats respectifs aient des dispositions communes, puisqu’elles interviennent sur le même marché et dans le même contexte juridique ;

ensuite, que le démarchage de trois fournisseurs, alors que la requérante en cite près d’une vingtaine dans sa requête et que la liste des marques vendues sur son site est considérable, ne peut suffire à démontrer un fait plausible de démarchage systématique de ses fournisseurs ;

qu’en l’état de ces constatations et appréciations souveraines faisant ressortir l’absence d’un motif légitime justifiant le recours à une mesure d’instruction avant tout procès, la cour d’appel, (…), a légalement justifié sa décision ;» (Cass. Com., 23 septembre 2014, n°13-20535).

Pour mémoire, à défaut de règles spécifiques, il est de jurisprudence constante que les actions fondées sur la concurrence déloyale et sur le parasitisme se fondent sur la responsabilité civile pour faute des articles 1382 et 1383 du code civil (Cass. Com., 29 mai 1967).

Il en résulte que le demandeur de ces actions doit rapporter la preuve de la faute civile ou commerciale constitutive de concurrence déloyale du concurrent; d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Concernant la preuve du préjudice, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel « il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés, l'existence d'un préjudice résultant des procédés fautifs utilises (…) » (Cass. Com., 22 octobre 1985, n° de pourvoi 83-15096).

Les préjudices sont donc de droit et n'ont pas à être prouvés en tant que tels.

Dès lors, la preuve de la faute du concurrent est fondamentale pour caractériser l'existence d'un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme et obtenir la condamnation de ce concurrent à indemniser les préjudices subis.

A cet égard, il est important de garder en mémoire que cette preuve de la faute est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond.

Concrètement, cette appréciation se fait au cas par cas.

Aussi, la preuve d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme suppose souvent de demander au juge de désigner un huissier de justice pour établir la preuve de tels agissements avant tout procès au fond.

Pour mémoire, l'article 145 du code civil permet de demander au juge des mesures d’instruction avant tout procès :

« S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Dans l'affaire jugée le 23 septembre 2014, pour dénier l'existence d'une faute, les juges ont tenu compte du fait que le démarchage reproché au concurrent n'a finalement porté que sur trois fournisseurs au lieu d’une vingtaine initialement et que la liste des marques vendues sur le site internet était très importante.

De même, il est intéressant de relever que, pour dénier l'existence d'une faute, les juges ont estimé que les contrats de commercialisation peuvent valablement contenir "un certain nombre de clauses similaires".

Cette position est critiquable dans la mesure où elles permet aux entreprises de prendre en modèle "les contrats de commercialisation" de leurs concurrents sans craindre de sanction.

Belle leçon pour nos élèves à qui on apprend à ne pas copier sur leur voisin.

Cette affaire illustre surtout l'importance pour le demandeur à une action en concurrence déloyale et/ou parasitisme d'introduire sa procédure judiciaire sur la base d'éléments de preuves obtenus utilement et efficacement avant le procès au risque de faire les frais d'une procédure inutile.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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Anthony Bem
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