Pour mémoire, le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une entreprise.
L’augmentation du phénomène de dénigrement est quantitative pour une simple raison : jusqu’à il y a peu de temps, le dénigrement était essentiellement pratiqué par les modes de communication traditionnels que sont l’écrit papier, la radio, la télévision ou les affiches de publicité. Or ces créneaux de communication sont par nature limités.
Aujourd’hui, l’internet gouverne les modes de consommation et de connaissance et est devenu le mode de dénigrement privilégié des sociétés concurrentes.
Or, par nature, l’Internet ne connait pas de frontière, de sorte que l’on puisse légitiment parlé d’un nouveau mode de dénigrement : le dénigrement universel.
L’augmentation est aussi qualitative, car avec l’Internet, de nouvelles techniques de dénigrement ont vu le jour.
Outre, les exemples de dénigrement déjà exposés dans un de mes précédents articles consacré au « dénigrement commercial constitutif d’acte de concurrence déloyale », le dénigrement sur l’Internet apparait dans :
- Des commentaires ou avis laissés sur la toile par de faux clients ;
- L’envoi d’informations dénigrantes par courriel (TGI Paris, 9 mai 2001) ;
- Des articles présents sur des sites, forum de discussion, blogs ;
- Des appels aux boycotts ;
- Des messages présents sur des réseaux sociaux tels que facebook.
Et de manière plus subtile au travers du déréférencement des produits et services de la concurrence, de l’abus du système Adwords de google, de la technique du « Google bombing », d’un buzz négatif, etc …
Ainsi, l'Internet devient le lieu de toutes les expressions, qu'elles soient légitimes ou abusives.
Les sociétés s'inquiètent aussi de plus en plus des imputations éventuellement diffamatoires commises contre elles par voie d'internet.
Voici peu, ce qui inquiétait encore le chef d'entreprise, c'était une " brève " peu favorable dans la presse nationale ou régionale.
Aujourd'hui, en termes d'audience, ce dirigeant a autant, voir davantage, à craindre d'un site ou d'un forum en ligne.
Outre la nécessité de procéder à un constat en bonne et due forme des propos litigieux, il existe toute une série d’actions destinées à faire cesser et sanctionner les propos dénigrants ou diffamatoires tenus sur l'Internet :
1) Faire usage du droit de réponse
L'article 6 IV de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dite LCEN, fixe le cadre juridique du droit de réponse spécifique sur l'internet.
Le droit de réponse en ligne est reconnu « à toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne », à savoir tant les personnes physiques que les personnes morales mises en cause dans un contenu diffusé sur Internet.
Il est important de souligner que l’exercice de ce droit de réponse est gratuit, n’a pas à être justifié, ne suppose pas une atteinte ou que les propos soit négatifs et enfin ne prive pas l’auteur du droit de réponse de son droit de demander judiciairement la suppression du contenu litigieux ou son indemnisation.
La demande d’exercice du droit de réponse doit être adressée au directeur de la publication.
En effet, toute publication, qu'elle soit sur papier, audiovisuelle ou en ligne, doit obligatoirement diffuser certaines mentions d'information au public, nommée ours dans les publications de presse papier, et cyber-ours ou ours numérique sur le Net.
Or, de nombreux sont sites Internet ne possèdent pas ces mentions obligatoires, par ignorance de leurs responsables ou de celle des agences de développement web qui les conçoivent et ce en violation des dispositions de l’article 6-VI alinéa 2 de la LCEN qui prévoit une peine d'un an de prison et/ou de 750.00 euros d'amende.
En l’absence d’identification possible du directeur de la publication sur un site, le tribunal de grande instance de Paris a jugé, le 28 février 2008, que la demande pouvait être adressée au titulaire du nom de domaine du site concerné ou à l’hébergeur du site lorsque la personne qui édite le site a conservé l’anonymat afin que ces derniers se chargent de transmettre au directeur de la publication la demande d’insertion.
Le droit de réponse répond à un formalisme et à une stratégie de communication particulière et doit s’exercer dans un délai de trois mois à compter de la mise en ligne du contenu litigieux.
La LCEN impose que l’insertion de la réponse se fasse à la même place et dans les mêmes caractères que le message critiqué.
L’article 1er du décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 relatif au droit de réponse en ligne, prévoit que le droit de réponse ne peut s’exercer lorsque « les utilisateurs sont en mesure, du fait de la nature du service de communication au public en ligne, de formuler directement les observations qu’appelle de leur part un message qui les met en cause ».
Ainsi, aussi critiquable que cela soit, le législateur exclu du champ d’application du droit de réponse les forums de discussion non modérés.
Aux termes d’une ordonnance du 19 novembre 2007, le Président du tribunal de grande instance de Paris a pour la première fois fait application du décret précité en jugeant que celui-ci oblige le demandeur à l’exercice d’un droit de réponse sur internet à spécifier les propos précis, extraits du texte litigieux, qu’il conteste, soit en les reproduisant in extenso, soit en les identifiant suffisamment précisément au sein dudit texte, de sorte que le directeur de la publication puisse apprécier, notamment, s’il existe une corrélation entre lesdits passages et la réponse elle-même.
Aux termes de l’article 6-IV alinéa 3 de la LCEN, le directeur de la publication est tenu d’insérer les réponses, dans les trois jours de leur réception, sous peine d’une amende de 3 750 euros, sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts, auxquels la loi pourrait donner lieu.
Cependant, le droit de répondre publiquement à des attaques n'efface pas celles-ci, or le plus souvent, la victime cherche avant tout à obtenir la suppression des propos litigieux.
2) Exercer une action en référé sur le fondement de l’article 1382 du code civil et de l'article 809 du code de procédure civile
La victime du dénigrement sur l’Internet peut saisir en référé n’importe quelle juridiction de son choix afin de :
- faire cesser un "trouble manifestement illicite", même en l'absence d'urgence ou de contestation sérieuse en sollicitant du tribunal qu'il mette un terme à la diffusion des messages dénigrants.
- demander d'ordonner la cessation de tout nouveau propos dénigrant à l'encontre de son auteur
- demander la publication de la décision rendue sur la page d'accueil du site Internet et éventuellement dans un ou plusieurs quotidiens nationaux
- obtenir le versement d'une indemnisation provisionnelle des préjudices subis
- obtenir le remboursement de tout ou partie de ses frais d’avocat.
3) Mettre en demeure l’hébergeur du site Internet de faire cesser la diffusion des propos dénigrants
En principe, les hébergeurs ne sont pas responsables des contenus qu'ils hébergent.
Cependant, la mise en jeu de la responsabilité de l'hébergeur, prévue par l'art.6-I alinéa 2 de la LCEN est une arme à ne pas négliger contre les sites hébergés en France.
En effet, leur responsabilité commence dès lors qu'ils acquièrent « effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ».
Par conséquent, en cas de refus d'obtempérer de la part des responsables d'un site, il reste la possibilité de s'adresser à l'hébergeur du site qui se trouvera dans l'obligation de bloquer l'accès litigieux.
4) Obtenir en urgence d'un juge la déconfidentialisation de l’identité des pseudonymes ou avatars des personnes auteurs de propos dénigrants
Depuis quelques années, de nouvelles procédures ont vu le jour afin d’obtenir la déconfidentialisation des pseudonymes ou avatars des personnes notamment à l’origine des propos dénigrants sur l'Internet.
Je ne rentrerai pas dans le détail car ces procédures sont un savant mélange de technique informatique et juridique.
Cependant, j’attirerai simplement votre attention sur le fait que ces procédures en déconfidentialisation ne doivent pas être soumises à un juge n’ayant jamais eu à connaître de contentieux en droit de l’Internet.
Sans aucun jugement de valeur de ma part à l'égard de la magistrature, certains juge sont plus au fait que d'autres quant aux subtitilités de la LCEN et des aspects techniques qui gouvernent ces procédures.
A titre d’exemple, certains juges parisiens sont parfaitement rodés à ces nouvelles dispositions légales et même à l’origine de l’évolution jurisprudentielle qui gouverne cette matière.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
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Anthony Bem
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