Pour mémoire, l’auteur d’une œuvre de l’esprit peut engager une action en justice et obtenir réparation de ses préjudices en cas de contrefaçon, c’est-à-dire en cas d’exploitation de son œuvre par un tiers sans son autorisation expresse et préalable.
Pour bénéficier de cette protection par le droit d’auteur, encore faut-il que l’œuvre soit originale, c’est-à-dire qu’elle résulte d’un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Or, il ne suffit pas d’affirmer qu’une œuvre soit originale pour lui faire accéder à la protection que confère le code de la propriété intellectuelle et le droit d’auteur.
L’auteur d'une œuvre de l'esprit qui revendique la protection par le droit d’auteur doit démontrer que l’œuvre en cause présente des caractéristiques d’originalité qui la rendent éligible à la protection légale.
Ainsi, dans le cadre d’une action en contrefaçon, l’auteur doit exposer ses prétentions dans son assignation en justice, de manière suffisamment claire et complète.
A défaut, l’assignation en contrefaçon de droits d’auteur encourt la nullité.
En l’espèce, un fournisseur de grilles d’aération estimait qu’une société spécialisée dans la construction et le bricolage commercialisait des grilles d’aération en contrefaçon de ses doits d'auteur.
Le fournisseur de grilles d’aération a alors assigné le commerçant et son fournisseur en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale.
Les sociétés assignées saisirent cependant le juge de la mise en état d’un incident tendant à voir prononcer la nullité de l’assignation, mais le juge de la mise en état les débouta de leur exception de nullité de l’assignation.
Les sociétés assignées ont alors relevé appel de la décision du juge de la mise en état, en soutenant que la brièveté, l'imprécision et les contradictions de l'assignation doivent conduire à l'annulation de cette décision.
La cour d’appel a donné gain de cause aux sociétés assignées, en déclarant l’assignation nulle.
Pour ce faire, la cour d’appel a d’abord jugé que :
« l'assignation doit être suffisamment précise pour permettre au tribunal de trancher le litige sur sa seule base si le défendeur ne comparaît pas, ou, comme en l'espèce, au défendeur constitué avec lequel cette assignation crée un lien procédural de connaître exactement les prétentions du requérant ; qu'en outre la validité de l'assignation doit être appréciée en regard de l'objet du litige ».
En outre, la cour d’appel a noté que le fournisseur de grilles d’aération n’a fait que procéder par de simples affirmations, sans déterminer de manière suffisamment précise quelles seraient les œuvres revendiquées et en quoi elles seraient éligibles au titre du droit d’auteur.
La cour d’appel a aussi relevé que le fournisseur de grilles d’aération paraît revendiquer la présomption de titularité des droits de la personne morale sur les produits qu'il commercialise sans équivoque, mais ne démontre pas qu'il est habile à accéder au bénéfice de cette présomption.
Par conséquent, la cour d’appel en a déduit qu’un « tel comportement procédural manque à l'exigence de loyauté qui doit présider au déroulement de la procédure ».
Cette décision illustre l'obligation qui pèse sur celui qui engage une action en justice en général et en contrefaçon en particulier de :
- caractériser de manière suffisamment précise et justifiée en droit et en fait ses prétentions. En matière de contrefaçon cela suppose de prouver que l’œuvre est originale, résulte d’un effort créatif et porte l’empreinte de la personnalité de son auteur ;
- rapporter la preuve indiscutable de la matérialité des faits, de la contrefaçon et de la responsabilité de ceux à l'encontre desquels il agit.
Une telle sévérité est tout à fait justifiée lorsque l’on sait que le juge saisi ne pourra se prononcer sur l’existence ou non d’actes de contrefaçon qu’au vu de pièces probantes tant en ce qui concerne la matérialité de la contrefaçon que la responsabilité de la personne à laquelle elle est imputée.
Cet arrêt s'inscrit dans le prolongement de l´arrêt rendu, le 5 avril 2012, par la Cour de cassation confirmant la nullité d’une assignation en contrefaçon aux motifs « d’une part que les caractéristiques de chacun des modèles revendiqués au titre du droit d’auteur n’étaient pas définies et d’autre part que les modèles argués de contrefaçon n’étaient ni décrits ni identifiés» (Cass. Civ. I, 5 avril 2012, n° 11-10463).
Par conséquent, il résulte de l’arrêt commenté que celui qui entend engager une action en contrefaçon serait bien avisé de faire en sorte d'être en possession des éléments de preuve incontestables préalablement à l'introduction de sa procédure car, à défaut, son assignation serait annulée et il pourrait se voir condamné à payer les frais engagés par son adversaire.
Avec de telles décisions, le recours à un avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle et en droit d'auteur devient non plus seulement nécessaire mais indispensable pour garantir la recevabilité de l'action en justice.
Enfin, il semble que l'argument puisse utilement être aussi applicable aux actions en justice en général.
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Anthony Bem
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