Les cautions disposent de plus en plus de moyens de défense afin de tenter utilement de faire annuler en justice leur engagement, c’est à dire de poursuite en paiement par un créancier ou une banque.
L’un des arguments les plus efficaces pour faire annuler judiciairement un cautionnement est celui du vice de forme, à savoir que le cautionnement ne respecte pas les conditions de validité formelle.
À titre d’exemple, le 15 avril 2021, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a annulé un cautionnement car la mention manuscrite de la caution a été écrite par celle-ci après avoir signé l’engagement (CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 15 avr. 2021, n° 20/01401).
En l’espèce, une société s’est engagée envers la banque crédit agricole à apurer le solde débiteur de son compte bancaire par le paiement de dix mensualités.
La dirigeante de la société débitrice, s’est portée caution en garantie de la convention d’apurement.
La société a été mise en liquidation judiciaire sans avoir respecté son engagement de sorte que le Crédit agricole a, vainement, mis en demeure la caution d’exécuter son obligation de garantie.
La banque a assigné en justice la caution qui lui a alors opposé la nullité de l’acte de cautionnement pour cause d’irrégularité de la mention manuscrite.
En effet, aux termes de l’article L 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour du cautionnement litigieux :
« Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même. »
Or, la banque fondait sa demande en paiement sur un acte de cautionnement comportant la signature de la caution précédée de la mention manuscrite exigée par le texte de loi précité.
La caution a contesté la demande en opposant un acte similaire du même jour, signé de sa main, mais ne comportant pas la mention manuscrite.
Ainsi, la caution soutenait, d’une part, que l’acte produit par la banque « est sujet à interprétation » et qu’il existe un doute sérieux, devant lui profiter, quant à la réalité et à l’étendue de son engagement, d’autre part, que l’acte de cautionnement est nul et inopposable « notamment en l’absence de mention manuscrite au jour de la signature ».
La banque n’a pas pu expliquer les raisons de la dualité d’actes et les circonstances de leur établissement.
Elle s’est bornée à se prévaloir de la régularité apparente de l’acte portant la mention manuscrite et à produire aux débats le constat d’un l’huissier de justice qu’elle a mandaté aux fins de faire constater l’existence des deux actes.
L’huissier de justice rappelle dans l’acte qu’il a été saisi par l’avocat de la banque, dans les termes suivants :
« Dans le cadre d’une procédure judiciaire entre la société requérante et la SAS X, nous sommes amenés à produire divers documents notamment :
- un engagement manuscrit de Mlle X…., avec un échéancier en dix mensualités ;
- une convention d’apurement avec engagement de caution solidaire sur quatre pages, signée de Mme X A, en original ;
- une copie de cette même convention d’apurement avec engagement de caution solidaire, mais avec la mention manuscrite complété en original, d’engagement de caution.
Suite à un oubli, Madame X avait tout d’abord signé en original la mention d’engagement de caution solidaire sans porter la mention manuscrite, puis a complété cet engagement solidaire par sa mention manuscrite, mais sur une copie du premier exemplaire.
De ce fait nous avons cet engagement de caution solidaire en double exemplaire, un original avec la signature en original du 3 juillet 2015 et une copie du premier acte avec la mention manuscrite en original de caution. »
L’huissier a constaté que le premier acte comporte « la signature en original » et que le second est une copie du premier, complétée par « la mention manuscrite en original qui avait été omise sur l’exemplaire original principal » ; il en a déduit que le second acte « est un original concernant la mention manuscrite ».
En réalité, l’exacte identité dans le graphisme et l’emplacement des mentions de date et de signature portées de la main de la caution, montre que le second acte a été établi sur une copie du premier, par un simple ajout de la mention manuscrite de l’article L 341-2 du code de la consommation, celle prévue en cas de solidarité par l’article suivant n’ayant pas été portée.
À cet égard, la cour d’appel a jugé que :
« En exigeant que la signature de la caution soit précédée de l’apposition d’une mention manuscrite particulière, la loi impose un ordre dans l’établissement de l’acte dont la finalité est de s’assurer qu’avant de manifester par sa signature la volonté de s’engager, la caution a eu, par l’apposition de la mention manuscrite, une exacte connaissance de la portée et de l’étendue de son obligation. Cet ordre n’a pas été respecté puisqu’il est établi que Mme X a signé l’acte sans apposer la mention manuscrite, que l’acte irrégulier lui a été remis en copie et que ce n’est qu’ultérieurement, à une date et dans des conditions dont il n’est pas justifié, qu’elle a complété l’acte initial par l’apposition de la mention manuscrite sur une copie pré-signée ».
Il résulte de cette décision que les juges appliquent strictement la loi et imposent le respect d’un certain ordre lors de la conclusion d’un cautionnement.
En conclusion, il convient de garder en mémoire que la jurisprudence n’hésite pas à annuler les cautionnements s’ils sont notamment dépourvus de mention manuscrite conforme ou établis sur une copie pré-signée par la caution.
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Anthony Bem
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